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Revue des marques : numéro 85 - janvier 2014
 

Génération G comme générosité ?

Lancé en 2009, le concept de Génération G a conduit les marques à placer la relation au coeur de leur stratégie. Qu’en est-il, aujourd’hui ?

par Gabriel Bruckler


Gabriel Bruckler
Gabriel Bruckler
Directeur de W Brand consulting, W&Cie
Début 2009, Trendwatching (1) publiait une note sur la « Génération G », qui mettait en exergue l’émergence d’une génération « généreuse » ou qui en appelait à la générosité des marques. Question de génération sans doute, je m’étais laissé prendre au terme de « générosité », que j’associais au « don », à l’altruisme. C’est précisément au travers de quelques termes que nous essaierons de mettre cet instantané dans une perspective de long terme.
 

Des générosités et de nouveaux modèles économiques

Sans chercher à les articuler, la note distinguait dans ses exemples deux types bien différents de générosité : l’un, véritablement altruiste, qui vise à associer à un acte commercial un don pour un tiers (qui ne participe pas à la transaction) ou une manière de faire durable ; l’autre, qui est le geste d’une marque à l’égard de ses clients, en plus de ce qui est « contractuellement » dû. Ceci explique l’émergence de l’expression « marques généreuses », qui renvoie à ce deuxième type. Cette générosité-là est intéressée et pour certaines marques engage leur survie. Elle ressortit désormais à la dette de marque dans bien des domaines. Dans sa présentation, la note mettait également en avant des modèles économiques nouveaux, comme le financement participatif, le retour du troc, la co-création, les transactions consumer to consumer… Presque cinq ans plus tard, qu’en est-il de cette génération et de cette générosité ?
 

De la nécessité pour les marques de développer une dimension relationnelle

Darty, BDDP Unilimited

Darty, BDDP Unilimited
Darty, BDDP Unilimited.
Ce qui semble aujourd’hui le plus important pour les marques, c’est qu’il leur est demandé d’avoir, en plus de leur contrat transactionnel historique – la fourniture d’un bien ou d’un service –, une dimension relationnelle. Celle-ci peut prendre différents aspects, du plus près de l’activité de la marque à des actions qui en sont déconnectées. Cette dimension relationnelle s’organise en trois champs.
Le premier champ relationnel, qui est aussi le plus proche de l’activité attendue de la marque, est celui du service. Directement lié au bien acheté, celui-ci va des conseils d’utilisation ou de suggestion d’emploi à tout ce qui facilite un usage continu et optimal du bien. Nous voudrions aussi intégrer à ce champ celui de l’innovation, l’attente de nouvelles propositions de la marque comme autant d’extensions de son coeur d’activité.
Deux actualités illustrent ce point : stratégiquement, le plan « Excellence 2020 » de la SNCF, qui veut devenir intégrateur de services de transport pour proposer en masse du porte-à-porte individuel ; en communication, la dernière campagne Darty, qui met en avant les services en abandonnant « le contrat de confiance » et les « 36 000 solutions » jugés définitivement trop vieux. La prochaine étape de la marque est, d’ailleurs, de réchauffer les points de vente, lieux de la relation s’il en est.
Le deuxième champ est très clairement celui de la communauté (2). Il peut prendre des formes diverses et désormais connues de tous. Nous serions tentés d’agréger à ce champ des réseaux sociaux celui de la production de contenus, et celui du mécénat, pour des causes en rapport avec l’activité principale de la marque. C’est aujourd’hui un champ très divers et très prolixe, qui n’est pas réservé, même si c’est plus facile, aux marques de grande consommation dont les produits sont générateurs de plaisir ou de relation. Il y a évidemment les stars, qui personnalisent les canettes ou les pots de pâte à tartiner, les automobiles technologiques qui développent les talents, mais aussi EDF qui lance son site EDF Pulse pour rénover l’image du progrès (3) dont elle veut être le héraut.
Le troisième champ est celui que l’on appelait la philanthropie et qui n’était pas du ressort des marques (non encore advenues), mais des institutions ou des fortunes. Assez rares finalement sont les marques qui développent, par exemple, des fondations sans rapport immédiat avec leur activité. Citons, entre autres, la fondation Tim Horton pour les enfants. Nous excluons de ce champ le mécénat pour les oeuvres d’art par des organismes financiers, par exemple, qui, s’il est apparemment éloigné de ce type d’opération, s’y rattache par la notion de patrimoine. Nous sommes là vraiment dans ce qu’on pourrait appeler le champ de la générosité, même si nous savons qu’elle n’est pas totalement gratuite par les avantages fiscaux qu’elle exploite et l’attachement émotionnel qu’elle cherche à créer. Pour qu’elle le fût, il lui faudrait en plus être discrète. C’est ici que la marque, en tant que modèle économique, se révèle dans son essence même en tension avec la notion de don.
 

La RSE, un exercice obligé qui ne change pas les comportements d’achat

Brutalement, sans nier les progrès accomplis, la catastrophe de Dacca fera date comme révélatrice des mensonges de certaines marques et des contradictions de ceux qui restent des consommateurs. Apparemment, les clients n’ont pas délaissé leurs marques favorites. Et d’un point de vue moral, nous n’avons pas entendu, non plus, d’appels au boycott… Reste que les offres socialement responsables continuent de se développer ; elles sont cependant plus souvent natives que dues à l’évolution de grandes marques telles que M&S, qui revendique d’en avoir fait son modèle économique. Une des initiatives récentes les plus poussées est celle du Project Pietà (4), dont l’ambition est de préparer des détenus à leur reconversion par la création et la fabrication d’une ligne de vêtements « sans marque ». Ces offres natives sont microéconomiques pour la plupart, et ce n’est pas, dans ce cas, telle marque qui est à considérer, mais la part de marché prise par l’ensemble de ces nouveaux acteurs.
 

Les modèles économiques

Project Pietà, un projet inspiré qui veut vivre sans marque.
Project Pietà, un projet inspiré qui veut vivre sans marque.
Le nouveau modèle est évidemment celui de l’intermédiation entre particuliers (5). Dans la série des dates de création d’entreprises qui n’existaient pas il y a une ou deux générations (déjà !) – Apple, Google, Wikipedia… – on pourra retenir 2008, date de création de Airbnb (6). Ces nouveaux modèles à l’essor impressionnant font grincer les dents – et c’est compréhensible – des marques installées qui ne sont pas soumises aux mêmes règles juridiques et financières. Le fait est que ces modèles appellent à une transformation juridique des activités économiques, sous la double pression des nouvelles technologies et des transformations culturelles : je loue une chambre chez moi occasionnellement versus chambres d’hôtes, par exemple.
 

Un peu plus qu’une génération

Le terme de génération est commode mais trompeur. S’il est incontestable que ces évolutions dans le comportement des marques coïncident avec l’avènement d’une génération que l’on peut par commodité définir comme les 20-35 ans, il est réducteur, comme le remarque Microdon 7, car les demandes, vers les marques, d’être plus relationnelles, plus engagées en matière de RSE et le recours aux nouveaux modèles économiques s’étendent au-delà de cette génération stricto sensu. Quant à la générosité, elle n’est pas plus de l’ordre du don qu’elle ne l’était auparavant, sans doute pas moins non plus – encore faudrait-il disposer de données quantifiées et les analyser pour en tirer une conclusion.
En revanche c’est vraisemblablement dans l’ajout d’une dimension relationnelle à la transaction que se situe un changement considérable, et aussi sur le mode de cette relation. On pourrait dire que s’ajoute à la transaction « entre », la relation « avec ». Et ce changement s’étendra au-delà de la Génération G…
 

Notes

(1) http://www.trendwatching.com/trends/generationg/
(2) Comme pour le terme « générosité », on peut mesurer l’écart générationnel sur le terme « communauté » : pour ma génération il ne pouvait s’agir que de personnes unies par leurs valeurs les plus profondes, voire intimes, et dont l’archétype était la communauté religieuse. Sans doute plus de fanatisme et moins de fans…
(3) http://pulse.edf.com/fr/?gclid=CLbMvY3N4boCFY7HtAodCjIA9Q
(4) http://projectpieta.com/project.html
(5)
Voir le bref et excellent article de Benjamin Smadja
(6) https://www.airbnb.com
(7) http://www.microdon.org/pages/generationg.html
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