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Revue des marques : numéro 88 - octobre 2014
 

Réputation et e-réputation deux notions différentes

Prolongement de la réputation sur le Web, l’e-réputation touche plus de personnes, et devient mondiale et durable.

par Vincent Dutot


Vincent Dutot
Vincent Dutot
Ph.D, professeur associé
de l’ESG Management School,
co-titulaire de la chaire Digital,
Data and Design (D3) (1)
L’analyse du concept de réputation est récente, et de nombreuses questions restent posées (2). En marketing, la réputation résulte des efforts engagés par une organisation dans le but de générer un achat et de susciter la loyauté du consommateur (3). Elle se comprend comme « l’histoire » de la marque 4, une histoire la plupart du temps contrôlée et générée par la marque elle-même. Cependant, le Web 2.0, animé notamment par les notions de partage et de présence sociale (réseaux sociaux, communautés virtuelles), a donné la possibilité aux consommateurs d’influencer l’image des marques, jouant ainsi sur leur réputation (4). Les consommateurs deviennent des porteurs de la marque, et peuvent modifier la perception d’une entreprise ; ils assurent dès lors la réussite ou l’échec des firmes quant à leur réputation et leur e-réputation (5).

Qu’est-ce que la réputation ?

La réputation, concept multidisciplinaire, contribue à créer un avantage concurrentiel. Elle se crée à travers des mécanismes d’identification entre le consommateur et l’entreprise. Selon l’approche organisationnelle – éthique –, la réputation émane de la culture et des valeurs de l’organisation, à travers l’utilisation d’un logo ou d’une marque, et se rapproche du concept d’authenticité (6).
Dans l’approche sociologique, la réputation est un « construit social ». Les parties prenantes évaluent les firmes, examinent les signaux envoyés par l’organisation et/ou recourent à des intermédiaires (analystes du marché, investisseurs professionnels, média, etc.) qui leur permettent de détenir des informations réduisant l’asymétrie potentielle (7).
Ce processus permet de classer ou d’ordonner la réputation des différentes entreprises. Enfin, selon l’approche stratégique, la réputation résulte de deux mécanismes : d’une part, cette ressource dérive des caractéristiques internes spécifiques (uniques) à l’organisation ; d’autre part, la réputation est une perception externe de celle-ci. Une perception positive est alors la source d’un avantage concurrentiel.
 

Qu’est-ce que l’e-réputation ?

L’e-réputation peut être définie comme la « réputation construite à partir de l’ensemble des perceptions que les parties prenantes auront de l’objet, à partir de tout élément d’information circulant sur le Net » (8). L’e-réputation apparait donc a priori comme un élément de la réputation elle-même, émanant spécifiquement de toutes les formes de contact électronique 5. Cette approche est renforcée par les propos de Frochot et Molinaro (9) : « L’e-réputation, appelée cyber réputation, réputation numérique ou encore web réputation, est l’image que les internautes se font d’une entreprise ou d’une personne en fonction des informations diffusées à son sujet sur le Web, de ce qui est dit par les autres sur soi, des messages diffusés par les divers internautes (clients, concurrents, salariés, etc.), ou encore des traces laissées involontairement ».
Peu de travaux académiques ont pris pour sujet d’étude l’e-réputation uniquement. Parmi ceux-ci, Chun (10), qui propose un outil permettant de la mesurer en prenant en compte les multiples parties prenantes d’une organisation. L’« e-réputation mix » se compose de trois niveaux. Le premier niveau est l’e-character de l’entreprise. Il s’apparente à la personnalité de la marque elle-même. Le second est représenté par l’e-identity, qui fait référence à la structure du site, son aspect graphique, ergonomique et esthétique. Le troisième niveau est l’e-experience, il insiste sur la cohérence entre ce qui est promis par la marque en ligne et l’expérience physique. Cette approche a pour intérêt majeur de positionner l’e-réputation selon une échelle d’intensité.

Comment mesurer la réputation et l'e-reputation


Modèle de réputation et e-réputation
 

Comment appréhender ces deux concepts ?

Dans les faits, réputation et e-réputation ne sont pas aussi éloignées que ce que la littérature pourrait laisser penser, dans la mesure où l’e-réputation est le prolongement de la réputation sur le Web. L’e-réputation est la « transposition écrite de ce que les gens pourraient se dire à l’oral » (eHotelmarketing.fr) et se construit grâce à de nombreux avis cumulés.
La réputation peut s’appréhender comme une rumeur et l’e-réputation comme la preuve de la rumeur, servant de « certificat d’authenticité » (Accor) d’une information. La réputation reste limitée, que ce soit géographiquement ou temporellement. L’e-réputation touche plus de personnes, du fait de l’accessibilité à l’information permise par le Web, « c’est d’autant plus difficile, car avant la réputation était locale, aujourd’hui elle est nationale, voire mondiale » comme le dit une consultante indépendante. Elle note ainsi que l’e-réputation a pour différence d’être durable, puisque les données partagées ou publiées sur le Web n’ont pas de durée de vie limitée : « les écrits restent sur Internet, il y a un historique. »
Nous pouvons voir sur la figure ci-dessus que la construction de l’e-réputation se partage entre marques et consommateurs aux liens intensifiés (a), elle connaît une forme d’existence hors de l’entreprise (ex : création d’une page Facebook non officielle par des fans) au contrôle de laquelle elle échappe d’une certaine manière (b). La réputation et l’e-réputation ne pouvant pas être abordées de la même manière par les entreprises, il faut donc mettre en place des outils différents pour appréhender ces deux notions. Il semble également essentiel de considérer la présence sur les médias sociaux (Facebook et Twitter en priorité), car c’est sur ces plateformes que les consommateurs interagissent et se forgent leur opinion d’une marque. Mettre en place une stratégie sociale, en s’appuyant sur des ressources spécifiques (le community manager notamment) peut s’avérer payant pour une organisation soucieuse d’être à l’écoute de ses consommateurs.
 

Références pour aller plus loin

(1) Castellano, (S.) et Dutot (V.), « Une analyse de l’e-réputation par analogie ou contraste avec la réputation : une approche par les médias sociaux », Revue Française du Marketing, n° 243, 3/5, 2013.
(2) Rindova (V.P.), Williamson (I.O.), Petkova (A.P.), Sever (J.M.), « Being good or being known: an empirical examination of the dimensions, antecedents, and consequences of organizational reputation », Academy of Management Journal, vol. 48, n° 6, p. 1033–1049, 2005.
(3) Keller (K.L.), Aaker (D.A.), « The impact of corporate marketing on a company’s brand extensions », Corporate Reputation Review, vol. 1, n° 4, p. 356-378, 1998.
(4) Belkamel (A.), Benhamza (A.), Texier (V.), Questions d’entreprises sur l’e-réputation,Association des professionnels de l’e-réputation, 2012.
(5) Chun (R.), Davies (G.), « E-reputation : the role of mission and vision statements in positioning strategy », Journal of Brand Management, vol. 8, n° 4-5, p. 315-333, 2001.
(6) Fombrun (C.J.), « Corporate reputations as economic assets », in Hitt (M. A.), Freeman (R. E.) et Harrison (J. S.) (Eds.), Handbook of strategic management, Blackwell, Oxford, p. 289-312, 2001.
(7) Abrahamson (E.), Fombrun (C. J.), « Macrocultures : Determinants and consequences  », Academy of Management Review, vol. 19, n° 4, p.728-755, 1994.
(8) Paquerot (M.), Queffelec (A.), Sueur (I.), Biot-Paquerot (G.), « L’e-réputation ou le renforcement de la gouvernance par le marché de l’hôtellerie ? », Revue Management et Avenir, vol. 45, p. 294-331, 2011.
(9) Frochot (D.), Molinaro. (F.), Livre blanc sur l’e-réputation, Les Infostratèges, Paris, 2008.
(10) Chun (R.), « The E-reputation Mix : Building and protecting retailer brands online », European Retail Digest, vol. 41, p. 1-4, 2004.
(11) Aaker (J.L.), « Dimensions of Brand Personality », Journal of Marketing Research, vol. 34, n° 3, p. 347-356, 1997.
(12) Davies, G., Chun, R., Da Silva, R.V. and Roper, S. « Corporate Reputation and Competitiveness », Routledge, 2003.
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