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Revue des marques : numéro 88 - octobre 2014
 

Réputation et savoir-faire

La réputation de nombreuses marques alimentaires est de longue date fondée sur leur savoir-faire… ou du moins l’image de savoir-faire qu’elles ont su construire au fil des ans…

par Gilles Fraysse


Gilles Fraysse
Gilles Fraysse
Conseil en rénovation
de marques, agence Synapse.
La Laitière, un cas d’école :
La Laitière
un des premiers exemples qui vient à l’esprit est celui de La Laitière, car l’entière réputation de cette marque repose sur son « tour de main », immédiatement symbolisé dans la représentation de Vermeer. La richesse du système marketing qui se décline à partir de cette seule image, clé de voûte du mix, est la preuve éclatante d’une soif de réassurance de la part du public.

Soif de savoir-faire : lorsqu’il s’agit de produits alimentaires, les consommateurs – tout particulièrement les Français – sont friands de ces discours fondant la réputation de leurs marques préférées. À force de travailler sur de multiples marques alimentaires, il nous apparaît qu’environ 75 % d’entre elles ont besoin d’« émettre » des signes ou des promesses de savoir-faire pour construire leur crédibilité. Nous les rangeons dans la catégorie des marques « émettrices », pour exprimer le fait qu’elles parlent d’elles-mêmes. Les 25 % restant sont les marques qui s’affranchissent (ou se sont affranchies) de cet exercice, pour n’apparaître que comme une représentation idéale et « inspirante » de leur public. Le meilleur exemple est Coca-Cola. On pourrait les nommer marques « style de vie »…

Un vrai savoir-faire « marketing ». Afin d’asseoir leur réputation, les marques alimentaires utilisent plusieurs astuces marketing éprouvées, qui fonctionnent toujours. Des générations de chefs de produit et de publicitaires ont appris à nourrir l’image de savoir-faire de leurs marques. Nous avons exposé ci-après quelques-unes des recettes les plus utilisées, douze leviers à activer pour accroître la reconnaissance et le prestige des marques dans l’opinion.


1 - La référence à la date :

Lu et Connetable.jpg
même si c’est un « poncif », la référence à la date de création de la marque, notamment dans son logo, reste un moyen redoutable d’en affirmer la qualité. Ainsi font, par exemple, certaines grandes marques telles que Lu (« créateur de biscuits depuis 1846 »), certaines marques premium comme Connétable (« depuis 1853 »), ou même des « marques dates » telles 1664 ou 1848 de Poulain. Dans le luxe, les cas sont innombrables. Dans toutes les études que nous avons menées, le rappel des racines d’une marque par sa date d’origine améliore considérablement son statut aux yeux des consommateurs.

2- L’affirmation du métier :

Petit Navire
certains symboles ont un effet « magique ». Des mains qui pétrissent une pâte (logo Jacquet) induisent inexorablement l’idée de savoir-faire boulanger artisanal. La Boulangère a choisi d’affirmer son métier par son nom. Le Ster se proclame pâtissier dans un logo évoquant une toque de façon stylisée. Et Petit Navire s’appuie sur les pêcheurs dans sa communication pour crédibiliser les produits issus de la pêche qu’il propose. Enfin, Bigard affirme « Tradition bouchère » dans un logo inspiré des médailles de concours agricoles. Toutes ces astuces renforcent la réputation des marques qui les utilisent.

3 - La représentation idéalisée du fondateur ou du fabricant :

Michel et Augustin
c’est une technique surtout utilisée dans la communication, mais qui, pour certaines marques, s’inscrit dans le logo lui-même. Michel et Augustin se sont mis en scène comme « trublions du goût ». D’autres marques s’incarnent dans des personnages imaginaires, soit cuisinier comme Père Dodu, soit berger tel Justin Bridou, ou tout simplement comme Mamie Nova ou café Grand’ Mère… Incarner une marque dans un personnage rassurant, fondateur ou supposé détenteur de la recette, est un moyen d’y ajouter une dimension humaine ou patrimoniale, moins industrielle, plus proche du « fait-maison ».

4 - Le discours de transmission :

Confiture Bonne Maman
à cette incarnation de la marque s’ajoute parfois le discours de transmission de génération en génération. Les recettes inchangées de Bonne Maman sont contenues dans un ancien cahier, la recette du café Grand’ Mère est un secret bien gardé. Toutes ces démarches nourrissent la marque d’un passé imaginaire à même de justifier sa réputation…



5 - La signature :

Jacquet
l’écriture manuscrite donne à la marque un rôle de signature (signature de son créateur) et induit une proximité humaine. Ce procédé est particulièrement visible dans les logos La laitière ou Jacquet… Il renforce l’authenticité du discours.

6 - L’expertise :

Hugo & Victor
symbolisée dans un sceau, comme pour Hugo & Victor (pâtissier-chocolatier à Paris) ou mise en scène dans la publicité comme pour Lindt, l’expertise fonde le renom d’une « maison de qualité ».



7 - L’origine :

St Michel
la revendication d’une origine permet également de crédibiliser une marque dans un savoir-faire issu du terroir. À cet égard, en matière alimentaire, la réputation de la Bretagne n’est plus à faire… et fait mouche à tous coups !

8 - La boutique, l’enseigne, l’atelier :

Buitoni
quoi de mieux que d’avoir pignon sur rue pour justifier d’un prestige accru auprès du public ? C’est la démarche de Buitoni (« La Casa » existe vraiment en Italie, Nestlé y investit des sommes importantes) ou de Fleury Michon (charcuterie mise en scène dans sa communication).


9 - Une compétence spécifique :

William Saurin
pour asseoir leur renommée, certaines marques choisissent une compétence spécifique, comme William Saurin qui a fondé tout son positionnement sur le mitonné (et le temps que la marque fait gagner à son public).

10 - Un « imaginaire de fabrication » :

d’autres recréent un « imaginaire de fabrication » en évoquant des procédés qui donnent une idée artisanale de leur savoir-faire : « cuisson lente à l’étouffée », « fumage au bois de hêtre », « en papillotes ».

11 - La sélection des ingrédients :

El Gringo
l’exemple marketing qui fait référence est El Gringo, de Jacque Vabre. La marque s’incarne dans un « acheteur aventurier » chargé de sélectionner pour elle les meilleurs grains. Ce seul savoir-faire renforce son crédit… Les consommateurs savent pourtant qu’il s’agit d’une légende ou d’un artifice, mais ils se rendent volontiers complices de cette belle histoire !

12 - La représentation métaphorique de la fabrication :

La vache qui rit

Made by cows
il nous paraît ici intéressant d’observer le succès, dans un certain nombre de cas, d’une représentation onirique du process de fabrication. C’est ce qu’a fait La Vache qui rit dans ses récentes communications. Mais c’est une marque de beurre anglaise – Anchor – qui, en transformant les vaches en ouvrières de son usine, nous apparaît la plus inventive en ce domaine ! Ici, la réputation se construit sur un mode humoristique, avec la complicité du consommateur.

Nous voyons bien, grâce à tous ces exemples, qu’édifier la réputation d’une marque alimentaire, et notamment en renforçant son image de savoir-faire, est une démarche répondant à des règles précises : une discipline marketing alliant la connaissance à la pratique… Malgré cette expérience éprouvée, on rencontre toujours une forte demande de « modernité », doublée d’une incompréhension face aux vertus de ces leviers, parfois jugés trop « vieillots ». On se rassurera en parlant de « tradition revisitée » ou de tradition « réactualisée »… On comprend donc que la réputation des marques alimentaires, en France, est bien souvent assise sur des références au savoir-faire, aux origines, aux racines et… à la tradition. Entretenir et développer le prestige et la renommée de ces marques est un art marketing à part entière, essentiel pour leur donner une vraie valeur et un capital émotionnel dont on s’aperçoit ensuite qu’ils n’ont pas de prix !

 

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