Mais les temps changent, et le plaisir de consommer offre de plus en plus fréquemment la place à l’émotion authentique,
à l’harmonie, à la recherche du résultat plutôt qu’à l’obtention du seul niveau de performance. Les marques se doivent, bien entendu, de tenir compte de ce « glissement consommatoire ». À titre d’exemple, regardons comment Citroën joue sa partition, et pour cela, appuyons-nous sur le trio C4, DS4 et C4 Cactus. Le modèle Citroën C4 est en quelque sorte le valeureux représentant d’une certaine
vision traditionnelle, axée principalement sur une maîtrise technologique à la fois efficace et imaginative – quoique dans ce cas précis, le dernier point puisse être sujet à discussion. Nous voilà néanmoins dans le monde de la « Créative Technologie », autrement dit le territoire historique
d’une marque qui s’est longtemps illustrée par son avant-gardisme technique, persuadée que l’attente de ses clients reposait en grande partie sur une foi indéfectible
dans le progrès.
« Créative Technologie », ou l’autre facette d’une marque de tradition… mais qui, avec la C4, ne laisse pas vraiment de place à l’émotion – en réalité, on est plutôt « Raisonnable Technologie ».
Passons maintenant à la DS4, sorte de C4 premium, portée
par un label DS qui constituera bientôt une marque à part entière (c’est déjà le cas en Chine), et qui s’est donnée
comme ambition de venir chatouiller le savoir-faire germanique. Nous sommes toujours ici dans la « Créative Technologie », mais avec une composante émotionnelle qui apparaît beaucoup plus nettement… C’est que la mutation du marché a pointé le bout de son nez, et qu’il a bien fallu présenter au client une proposition où le plaisir s’alliait à la performance, afin de quitter un terrain lexical un peu trop contraint par les aspects tarifaires. Tout compte fait, la DS4 est une C4 qui s’est habillée pour la fête, mais qui n’a pas, pour autant, oublié les bonnes manières… Un petit regret cependant : si la composante créative est bien présente, elle managementest un peu trop portée par le procédé esthétique – on oserait presque dire cosmétique –, tant les formes sont appuyées, travaillées et soulignées. « Cosmétique Technologie », donc. Là encore, à la réflexion, nous nous situons dans un univers plutôt traditionnel : certes, on s’est émancipé d’un marketing
conventionnel pour se présenter avec cette décontraction
qui n’exclut pas la bonne éducation, mais la logique du discours demeure quand même relativement classique. Il s’agit d’une montée en gamme standard qui vise à em-mener l’acheteur dans les sphères du produit valorisant.
Citroën DS4
C’est avec la C4 Cactus, modèle récemment dévoilé, que la véritable rupture est en train de se produire. Elle est d’abord d’ordre sémantique : les patrons de la marque Citroën nous parlent désormais de « technologie utile ». Subtile évolution qui, en évitant toute référence à un premier
prix, nous emmène dans une contrée où le coût raisonnable
et le meilleur de la technologie (celle qui est… utile) se renforcent pour porter avec allant une offre inédite,
en ligne avec l’ADN de la marque, et homogène avec certaines des attentes montantes du consommateur : la valeur d’usage plutôt que la performance. Cette rupture est ensuite conceptuelle : nous ne sommes plus face à un amoncellement de sous-ensembles technologiques, mais devant une construction fluide et astucieuse qui répond parfaitement aux besoins des marchés en mutation : de l’émotion, de l’harmonie
et du résultat, le tout porté par cette appellation « Cactus », à la consonance à la fois épineuse, sympathique, sobre et vigoureuse.
Une symbolique décalée mais rassurante dans un environnement économique quelque peu asséché ! Enfin, cette rupture affirme franchement un nouveau business model : si la Dacia Logan a matérialisé ce que doit être un low cost efficace, la C4 Cactus nous indique ce que pourrait être le « vrai » prix, autrement dit la valeur d’une proposition qui sait dans le même temps être plaisante et attractive. Ainsi, la définition un peu abrupte du « vrai » prix ne serait-elle pas quelque chose comme « le low cost, le plaisir en plus » ? Avec la Cactus, cela donnerait la Good Technologie. Bref,
le vrai prix est un large boulevard pour des marques en rupture
d’identité, qui souhaitent se débarrasser de tout ce qui est inutilement coûteux et non totalement indispensable pour se repositionner sur l’émotion forte et le résultat intelligent.