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Revue des marques : numéro 86 - avril 2014
 

Le marketing est-il mort ?

Le marketing est mort de ne pas avoir compris les consommateurs. Il peut renaître en allant vers eux, par empathie.

par Francois Laurent

Francois Laurent
Francois Laurent
Coprésident de l’Adetem
Depuis déjà quelques années, un provocateur a intitulé son blog Marketing Is Dead (1) ; plus récemment, le même titre est apparu sur un blog de la Harvard Business Revue (2) ; et plus récemment encore, c’est l’Adetem, la principale association professionnelle du marketing en France, qui publie un ouvrage intitulé (3) : Le marketing est mort, vive le marketing !

Requiescat in pace

Requiescat in pace : mais il faut reconnaître qu’ils se sont mis à plusieurs pour l’assassiner ! Marketing est devenu synonyme de mensonge dans la bouche des consommateurs ; et un produit marketing est un produit… inutile ! Comment en est-on arrivé là ? Sans doute par l’inflation… Inflation des lancements : selon une récente étude (4), le rythme du lancement de nouveaux parfums en France s’est ralenti en 2013 : seulement cent trente-cinq au cours du premier semestre, contre deux cent trente l’année précédente. Soit quand même vingt-deux par mois, un par jour ouvrable ! Inflation des promesses : même si sa marionnette aux Guignols de l’info – affirmant « Ceci est une révolution » à chaque modification mineure de l’iPhone – caricature le personnage de Steve Jobs, l’hyperbolisme outrancier de la communication publicitaire n’emporte plus l’adhésion des consommateurs.
airbnb

drivy
Inflation des messages… et surtout des messages non sollicités : impossible d’ouvrir sa boîte aux lettres sans se trouver submergé par une avalanche de mails sans intérêt aucun – et bien souvent, impossible d’espérer se désabonner de ces listes de diffusion auxquelles on ne s’est pas abonné ! Le chef de produit qui lance le énième parfum de l’année ne fait qu’appliquer les règles de base du marketing qui lui ont été enseignées à l’école – simplement ils sont bien trop nombreux à les exécuter aveuglément. Le « spammeur » – et là, je ne parle pas de quelques vulgaires vendeurs de Viagra factice basés dans des pays exotiques, mais de marketeurs bien de chez nous qui expédient des millions de messages pour des boutiques en ligne bien de chez nous – se moque comme de l’an quarante tant des règles de base du marketing que de la CNIL… et bien entendu des consommateurs ! En d’autres termes, le marketing serait mort d’overdose – d’overdose de mauvais marketing, ou de marketing mal compris, infligé à leurs clients par des professionnels plus ou moins bien (ou mal) intentionnés. Certainement ; mais le marketing est aussi – surtout – mort de ne pas avoir failli à sa mission essentielle : comprendre le consommateur et s’en faire le porte-parole dans l’entreprise.
 

Le consommateur est mort…

le marketing est mort vive le marketing.jpg
…vive le consommateur ! Marketeurs et agences de communication ont bien saisi que « quelque-chose » avait changé : tous leurs clients surfent pendant des heures sur Internet et discutent sans fin sur Facebook ! Belle découverte : on trouve – avec le « retargeting », par exemple – d’autres moyens de les piéger ; et le summum consiste désormais à multiplier ses fans sur le réseau de monsieur Zuckerberg, sans trop se soucier si ces derniers vous aiment ou vous détestent – les agences, et non des moindres, les vendent au kilo ! Toutes les conférences un peu branchées débutent par un rappel de la première des quatre-vingt-quinze thèses du Cluetrain Manifesto (5) : « Les marchés sont des conversations  », négligeant les quatre-vingt-quatorze suivantes…
qu’ils feraient mieux de lire pour éviter bien des déboires ! Ce qui a changé réellement, c’est non seulement que les consommateurs en ont plus qu’assez d’être pris pour des pigeons, mais surtout qu’ils ont les moyens de réagir ! Pour répondre à la mode écologique, vous vous adonnez au « greenwashing » ? Non seulement, les Amis de la Terre (6) vous octroient un prestigieux prix Pinocchio, mais ce n’est qu’un éclat de rire qui résonne de Twitter en Facebook et de blogs en forums ! Vous licenciez discrètement un de vos vieux employés à deux ans de la retraite pour quelques melons récupérés dans une poubelle… et vous voilà soumis à la vindicte populaire : pas le choix, vous faites rapidement marche arrière et essayez de tourner rapidement la page (7). Vous rédigez depuis plusieurs années un blog où vous soutenez défendre le pouvoir d’achat des Français dans vos hypermarchés, et voilà que vos clients le criblent de commentaires assassins : « La baguette de pain qui coûtait 0,35 euros en mai coûte maintenant 0,45 euros. Soit 28 % d’augmentation. Je ne mettrai plus les pieds chez LECLERC le menteur »(8). Le consommateur du vingtième siècle n’est plus celui du vingt-et-unième, donne son avis, consulte ceux des autres consommateurs, dialogue avec ses pairs : fini le client timide prêt à croire le discours publicitaire et celui des vendeurs – sans oublier les communiqués de presse élégamment recopiés à la faute d’orthographe près par des journalistes très zélés et très pressés.
 

Vivement demain !

Spot publicitaire Amaguiz
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Certaines marques tentent de s’adapter – parfois avec un certain succès. Amazon s’est taillé une réputation d’honnêteté en ne censurant pas les commentaires négatifs qui apparaissent sur son site ; puis en facilitant le retour sans condition des produits que l’acheteur ne désire pas conserver. Mais la plupart n’ont pas vraiment compris ce qui leur arrivait, comme Nike, toujours soupçonné de malhonnêteté : comment tourner la page des enfants chinois fabricant ses chaussures dans des conditions de travail déplorables ? Certaines commencent timidement à adapter leurs produits en dialoguant avec leurs clients – surtout des « pure players » comme Sosh, Amaguiz, iDTGV, moins freinés par la lourdeur des structures. Mais le consommateur, lui, semble toujours avoir une longueur d’avance : le voilà parti dans la consommation collaborative, snobant les marques, devenant producteur de produits et de services… et là encore, les marketeurs ne comprennent plus vraiment ce qui se passe ! Pourtant, la consommation collaborative n’est plus anecdotique : en 2013, six millions de personnes auront utilisé Airbnb (9) dans cent soixante-quinze pays différents pour louer une chambre chez un particulier plutôt que d’aller à l’hôtel ; peut-être en voyageant en covoiturage avec BlaBlaCar (10), ou en louant une voiture à un particulier avec Drivy (11). Dans un tel univers en perpétuel mouvement, inutile d’espérer encore appliquer les recettes d’hier : il convient d’aller vite, très vite, aussi vite que les consommateurs.
Oui, le marketing du vingtième siècle est mort, et bien mort ! Un marketing nouveau est à construire, en phase avec cette nouvelle société qui est en train d’émerger. Un marketing éthique et responsable, respectueux des citoyens et de la planète ; c’est même la condition sine qua non : ne surtout pas commettre à nouveau les erreurs d’hier – voir plus haut ! Mais cela ne suffit pas : pas la peine d’essayer de colmater les brèches quand le consommateur est déjà ailleurs. Les marketeurs devront se montrer aussi agiles, inventifs, intelligents que les consommateurs, des consommateurs qui sauront toujours tirer profit des opportunités que leur offre la toile, et qui pour le reste, s’organisent solidairement entre eux. Un marketeur qui sort enfin de ses manuels pour aller au devant des gens ! Qui les comprenne et qui les aime : qui applique un marketing empathique. Bref, un marketing à inventer… sinon, le marketing sera vraiment bien mort.
 
 

Notes

(1) marketingisdead.blogspirit.com
(2) http://blogs.hbr.org/2012/08/marketing-is-dead
(3) www.editions-kawa.com
(4) www.premiumbeautynews.com
(5) www.cluetrain.com
(6) www.prix-pinocchio.org
(7) Monoprix Marseille, qui avait licencié un salarié de 59 ans, père de 6 enfants, pour ce motif futile en juillet 2011, a dû reculer face à la colère qui grondait sur le Web social.
(8) Commentaire posté le 4 juillet 2008 et supprimé depuis.
(9) www.airbnb.fr
(10) www.blablacar.com
(11) www.drivy.com
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