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Revue des marques : numéro 85 - janvier 2014
 

Caddie, un nom hors du commun

Marque générique par excellence, et marque patrimoniale par l’usage, Caddie a péché par orgueil. Aux mains d’un nouveau propriétaire depuis 2012, elle revient sur le green avec de nouvelles gammes.

par Jean Watin-Augouard


caddie
1957,
le premier chariot Caddie
Caddie & Motion, Ergodrive, Wind, trois marques, trois nouveaux modèles – le mot chariot, un peu vieillot, n’est plus de mise ! – qui attestent, par leur commercialisation récente et le choix de noms dynamiques, du renouveau de la marque Caddie et de l’entreprise du même nom. Les Ateliers Réunis Caddie SA ne sont plus, vive Caddie Strasbourg SAS ! nouvelle dénomination depuis le rachat, en juin 2012, de la société par le groupe Altia. Quand certaines marques, particulièrement dans l’univers du luxe, accolent le nom Paris, Caddie arbore fièrement Strasbourg, son berceau, et joue la carte du « made in France » en plaçant, sur Caddie & Motion, le logo « 100 % Caddie, conçu et produit en France ». Traditionnellement citée quand on parle de marque générique, Caddie, créateur en 1957, en France (1), du premier chariot du même nom – la marque en est propriétaire depuis le 24 juillet 1987 –, a connu ses heures de gloire jusqu’à la fin des années 1980.
« Depuis, l’entreprise a cultivé le culte du secret, s’est refermée sur elle-même en n’écoutant ni les consommateurs qui utilisent ses produits, ni les grandes surfaces, ses donneurs d’ordre », explique Philippe Janet, le nouveau directeur de la division Caddie. « Le style Caddie, fil métallique apprécié pour sa solidité et sa longévité, était devenu un peu froid. Le consommateur voulait un peu de couleur, un chariot plus maniable, en somme un compromis entre la longévité et la maniabilité », ajoute-t-il. N’ayant pas su, faute de maniabilité managériale, prendre les bons virages, Caddie a progressivement été dépassée par ses concurrents, dont l’allemand Wanzl qui lui ravit la première place en France au cours des années 1990. La grande distribution se concentre, les enseignes passent de quarante à moins d’une dizaine, les acheteurs imposent leur loi et leur prix, condamnant les fabricants de chariot à se moderniser. Ce que ne firent pas les Ateliers Réunis, ou trop tardivement, en 2009, mais la trésorerie vint à manquer cruellement. « La marque a aussi commis l’erreur de ne proposer que des chariots en oubliant de se diversifier dans d’autres équipements souhaités par les grandes surfaces. Notre principal concurrent européen est, lui, présent également dans des équipements d’aménagement, de la gondole au guidage », précise Philippe Janet.
 

Un nouveau départ

L’usine de soudure à Shiltigheim
L’usine de soudure à Shiltigheim.
Si la marque a souffert, quatre repreneurs étaient pourtant en lice lors de son dépôt de bilan. Preuve qu’elle a conservé une valeur certaine. « La marque est le plus gros asset de Caddie, non seulement financier mais aussi commercial. Caddie, c’est plus qu’une marque, c’est une marque générique, c’est un nom commun qu’il faut défendre », clamet-il. Et sa finalité n’a pas changé : « Caddie accompagne au quotidien le consommateur, de sa maison au magasin, puis du magasin à sa maison. La marque, qui compte également comme clients hôtels et aéroports, accompagne là aussi le consommateur durant ses voyages. » Jusqu’à présent très discrète sur les chariots des grandes surfaces qui mettaient davantage le nom de l’enseigne en valeur, Caddie entend désormais s’afficher en gros. Son nouvel actionnaire, loin d’être un sleeping partner, lui apporte les moyens financiers pour restructurer l’appareil de production. « Le savoirfaire historique de la marque est dans le travail métallurgique, la transformation des bobines de fils de diamètres de 3 à 13 millimètres en accessoires ménagers divers : panier à salade, clapiers – dès 1928 –, puis, à compter de 1957, dans les chariots et bacs de présentation placés dans les allées des grandes surfaces. Préparer le fil, le plier, le souder, le zinguer et l’assembler avec toutes les variantes que souhaitent les grandes surfaces : des chariots de 22 à 300 litres, avec différents types de corbeille », résume Philippe Janet.
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Caddie fait du sur-mesure comme l’atteste ce chariot destiné à Aldi : un litrage spécifique, une hauteur particulière pour être alignée avec celle de tous ses mobiliers. « La partie du socle et des roulettes est adaptée aux plinthes qui protègent les murs, la hauteur de la corbeille est plus basse d’un centimètre que celle de la caisse afin que la caissière puisse pousser certains produits dans la corbeille ». Pour répondre au mieux à la demande, Caddie a fermé son usine du Portugal. Des trois sites historiques alsaciens, il n’en restera plus qu’un : les bureaux et services commerciaux ont quitté Schiltigheim, près de Strasbourg pour Drusenheim, à 40 km de Strasbourg. L’unité de zingage électrolytique d’Oberhausbergen, qui ne respectait pas les normes environnementales, doit également rejoindre Drusenheim fin 2014. Caddie y a produit 700 000 chariots en 2012, dont 60 % exportés dans 130 pays. Marque transgénérationnelle, elle propose des chariots pour enfant (le « 22 litres »), la voiturette, le chariot avec siège bébé, celui destiné aux handicapés, sans oublier, bien sûr, les troleys ou cabas à deux roues et leur légendaire tissu écossais, en tout, quelque trois cents modèles. Caddie possède également une usine à Shanghai qui livre le marché chinois et le bassin Asie-Pacifique, dont l’Australie. Altia apporte également à Caddie de nouvelles compétences en design. Pour la première fois, la nouvelle direction marketing de Caddie a mené une étude in situ avec l’aide d’un ethnographe pour mieux comprendre les besoins réels des consommateurs, leurs attitudes devant l’acte d’achat. « On a ainsi constaté que le père de famille, poussant le chariot, se repose sur la poignée quand la mère de famille achète. Cela nous a conduits à équiper Caddie & Motion de poignées sur les trois côtés de la corbeille en complément de la poignée confortable à l’arrière. ». Cette écoute des consommateurs s’exprime par le slogan « We make it happen ». Le nouvel actionnaire apporte également des cadres confirmés – le responsable R&D, ancien directeur technique d’Altia –, une puissance d’achat plus forte et des usines – en Italie comme en France, à Verdun –, qui maîtrisent les techniques pour re-designer, reconcevoir certaines parties du chariot. Ajoutons une autre révolution chez Caddie : la marque communique enfin ! « Autrefois, la communication était soit déficiente, soit défensive quand la marque condamnait la presse à des dommages et intérêts lorsqu’elle la citait de manière inappropriée, sans le « C » majuscule et le ®. Fini, le culte du secret, aujourd’hui, la société s’ouvre aux partenaires locaux, fournisseurs, clients, et fait de la publicité dans la presse spécialisée (LSA) », indique Philippe Janet. Elle aurait bien tort de s’en priver ! N’est-elle pas la seule marque sur le marché mondial quand ses concurrents, l’allemand Wanzl, l’espagnol Marsenz, l’italien Plastimark… vendent sous le nom de leur société.
 

Caddie, une marque ombrelle

La marque Caddie s’est autrefois déclinée en Caddistar et Cadditronic. Aujourd’hui, Caddiroc est le nom du revêtement de couleur exclusif qui protège et maintient l’éclat du chariot sur la durée. Le chariot peut se décliner aux couleurs de l’enseigne qui l’utilise. Caddie se décline aussi en Caddiloc pour une offre de monnayeur-consigneur et en Caddinox pour le médical.
 

Caddie connexion

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Caddie peut-il faire de l’achat en hypermarché non plus une corvée mais un moment de plaisir ? « De fait, l’objectif de la grande surface est de maintenir le consommateur, le plus longtemps possible, en son sein pour y découvrir les produits présentés et augmenter son panier moyen. Le chariot doit donc lui apporter un certain confort pour faire ses courses, une expérience d’achat », analyse Philippe Janet. Modèle hybride, combinant acier et plastique, matériaux entièrement recyclables, Caddie & Motion est plus léger, plus maniable, plus silencieux, plus agréable au toucher grâce à ses formes arrondies. Une version existe en plastique recyclé. Ergodrive, second modèle de la reconquête du marché, offre une direction assistée grâce à son guidage et sa manoeuvrabilité améliorés. Enfin, Wind, dont le premier concept a reçu, en 2011, le Janus de l’industrie délivré par l’Institut français du design, a été repensé. « Le premier projet proposait cinq sacs, car on pariait, à l’époque, sur le développement des “scanettes”. Or, à ce jour, seulement 5 % des caisses en sont munies. Nous étions trop en avance. Aussi avons-nous proposé un modèle avec deux sacs », explique Philippe Janet. Peut-on envisager, demain, un Caddie connecté ? « Les réflexions avancent pour automatiser le passage en caisse, pour communiquer avec le client ».
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Les modèles Wind et Ergodrive
Caddie peut-il proposer un écran tactile ? « Nous y pensions il y a trois ans, mais l’écran nécessite d’avoir une alimentation électrique, le chariot doit être stocké à l’abri du vandalisme et des variations de température. Aussi, aujourd’hui, on se dirige plutôt vers la localisation du consommateur en pistant son chariot avec une puce RFID. Passant devant tel linéaire, il pourrait recevoir sur son smartphone des informations sur les promotions, par exemple. » Si Caddie réalise 75 % de ses ventes dans les équipements des surfaces de vente, cette part est amenée à se réduire un peu au profit de deux axes importants : le matériel roulant pour l’hôtellerie, particulièrement les quatre étoiles, et les aéroports, avec de nouvelles lignes de produits. D’autres diversifications sont programmées, en 2014 et 2015, dans l’aménagement de la maison : « une chaise inspirée de Caddie, du mobilier, cela n’est pas encore décidé mais on y pense », souligne Philippe Janet. La marque demeure dans son territoire, celui de l’usage du consommateur individuel, en partenariat avec la distribution, le transport, quand il voyage, dans son environnement, chez lui… « La marque ne signera pas de produit dans l’électronique, les systèmes de caisse en magasins, les gondoles, car il y a déjà beaucoup d’acteurs », prévient-il. Des produits sous licence ? « La bagagerie peut se concevoir ». Des valises Caddie… roulantes, bien sûr !
 

La marque générique

Kleenex, Sopalin, Kärcher, Scotch, Klaxon, Fermeture Éclair, Formica, Frigidaire… Une marque devient générique quand, après avoir créé un produit de rupture, elle reste longtemps la seule sur son marché pour finir par désigner, par son seul nom, le produit, voire le segment. Atout ? La notoriété quasi monopolistique de la marque. Handicaps ? Cette même notoriété dont bénéficient les marques suiveuses, la dilution de la singularité de la marque devenue nom commun, la perte de sa souveraineté, le brouillage et le brouillard sur le marché et le risque de dégénérescence si la marque n’est pas défendue. Car la marque a, entre autres, pour fonction de distinguer les produits, de créer des repères pour les consommateurs. Ici, tout se vaut et l’usage prime la marque.
 

Caddie ®, caddie et…caddy !

caddie et caddy
Selon le dictionnaire Le Robert, le mot « caddie » date de 1898. Mot anglais dérivé du français « cadet », il peut être orthographié « caddy » et désigne « au jeu de golf, le garçon qui porte les clubs du joueur ». Le second « caddie », apparu en 1952, est un anglicisme venu de l’américain caddie cart : « chariot de caddy », toujours dans le domaine du golf. Le Robert le qualifie de « petit chariot métallique pour transporter les denrées dans les libres-services et les bagages dans les gares ou les aéroports ». Amateur de golf, Raymond Joseph donnera ce nom à son premier chariot en 1957, année de l’ouverture du premier supermarché à Paris. C’est depuis 1981 que Le Robert indique en face du mot Caddie : « marque déposée ». Mentionnons également que Caddy désigne aussi bien une marque de sous-vêtements pour enfants qu’un certain type de van Volkswagen.
 

Comment prévenir la « lexicalisation d’une marque » ?

Règle n° 1 : toujours accompagner le nom de la marque de la désignation générique du produit : ne pas dire « la qualité d’un Frigidaire » mais « la qualité d’un réfrigérateur Frigidaire ».
Règle n° 2 : distinguer le nom de marque du texte environnant, sur tous les documents où il apparaît : ne pas écrire « une glace esquimau » mais « une glace Esquimau ».
Règle n° 3 : ne jamais faire d’un nom de marque un verbe : on ne doit pas dire « stabilobosser » mais « surligner avec un crayon Stabilo ».
Règle n° 4 : un nom de marque ne doit pas être utilisé au pluriel.
Règle n° 5 : faire appel au même graphisme, logotype et emblème sur tous les documents où figure la marque.
Règle n° 6 : indiquer de manière visible, le cas échéant, que la marque utilisée est un nom déposé et protégé en faisant figurer le symbole international ® qui signifie « registred » à côté du nom de la marque.
Règle n° 7 : ne jamais changer l’orthographe du nom de marque. Marcel Botton, PDG de Nomen international
 

Notes

(1) Le premier chariot fut créé aux États-Unis, en 1937, par Sylvan N. Goldmann. En Europe, Rudolf Wanzl est le premier à se lancer, en 1947, dans la fabrication de chariot.
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