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Revue des marques : numéro 82 - avril 2013
 

Intra, Inter, Trans : questions de confiance

Afin de palier aux segmentations sociodémographiques, parfois inefficaces pour accompagner une décision marketing, l'approche centrée sur le phénomène générationnel peut apporter un éclairage à des questions restées jusqu'alors sans réponses.

par Nathalie Damery


Nathalie Damery
Nathalie Damery
Présidente de l'ObSoCo,
Études et Conseil
Il est entendu que l'approche par génération n'est pas suffisante en termes de marketing pour nombre de produits ou de services.
Mais l'effet générationnel – un socle commun créé par des événements vécus en même temps (politiques, sociaux, économiques, culturels) par une tranche d'âge qui a été jeune au même moment – semble bien influencer les comportements(1).
Ainsi, au-delà des différences sociales, de genre, d'origine, l'approche par génération peut constituer une grille de lecture intéressante pour le management (le comportement des salariés), pour le marketing et la communication (le comportement des consommateurs).

Cibler une personne dans son groupe d'appartenance

Cette approche peut être d'autant plus motivante que le marketing est traversé par un ensemble de bouleversements. Les segmentations sociodémographiques sont en effet souvent impuissantes pour aider à la compréhension des comportements de consommation. Ils expriment une trop grande hétérogénéité d'attentes et de besoins. On est passé de la culture de masse des Trente Glorieuses au one-to-one. Le consommateur souhaite que l'on s'adresse à lui comme à une personne unique… mais reliée (à une ou des communautés). Le défi est donc de concilier personnalisation et marché de masse : chaque individu étant unique mais pouvant se reconnaître dans « un groupe d'individus qui vit les mêmes choses que lui(2) ».

 

Il n'y a pas de génération spontanée

L'approche générationnelle peut donner lieu à des stratégies de communication originales, mettant en scène le « ciment commun ». Pour autant, elle repose sur l'idée de rupture. Chaque génération aurait ainsi « sa » marque, « sa » culture, « son » univers de référence. Mais il n'y a pas de génération spontanée ! L'intergénérationnel (la transmission parents-enfants, l'héritage ou l'influence des plus jeunes vis-à-vis des aînés) et le transgénérationnel (qui s'adresse à plusieurs générations en même temps) sont tout aussi féconds pour la communication et le marketing des marques. Cela permet de travailler l'idée d'ancrage, de permanence, de pérennité.
Une idée « rassurante » dans un monde qui se transforme à un rythme accéléré. Nutella, Carambar, Nivea, pour ne citer qu'elles, jouent de ces dimensions trans et inter.

Inter et transgénérationnel : le cas Danette

Danette
Pour Daphné Duvernay(3), qui a analysé le cas Danette, la communication de cette marque est assez exemplaire d'un positionnement qui s'est appuyé dès l'origine sur l'intergénérationnel et qui a évolué vers une communication numérique transgénérationnelle. En travaillant sur les imaginaires et le numérique, la marque a basculé d'une « verticalité des pères » à une « horizontalité des pairs ». Comment ? Dans les années 1970, Danone rompt les codes et innove avec la barquette Danette de 500 g. Elle est destinée à toute la famille. Dans les années 1980, les silencieux (grands-parents), les baby-boomers (parents) et les X (enfants) « se lèvent tous pour Danette ». Puis, dans les années 1990, l'offre se décline à travers une segmentation précise  : «    La révolution des saveurs, à chacun sa Danette » propose pour les adultes le pot individuel double saveur et pour les enfants, le pot Danette Goûter. À partir de 2006, Danette conduit une opération vers les medias numériques en déployant un dispositif touchant toutes les générations. L'opération « La Danette des Français » (qui atteindra plus d'un million de participants), reconduite sur plusieurs années, consiste à voter pour ses parfums préférés via son site, sa page Facebook. Les consommateurs coproduisent le contenu, échangent des recettes… En 2010, la campagne « On se lève tous pour les 40 ans de Danette » permet à la marque de réafficher son pot de 500 g. On peut y poster sa photo via un site dédié. Trop orienté génération X et Y ? En 2012, la dernière campagne d'affichage met en scène un grand-père et sa petite-fille partageant avec complicité une Danette. Bel exemple de retour à l'intergénérationnel entre baby-boomer et génération future.
 

Créer des lieux et du lien

Indépendamment de l'approche nostalgique sur laquelle reposent souvent les stratégies trans et inter, la question du rassemblement, au-delà des différences, dans le souci de mixité sociale, interroge les acteurs du commerce et en particulier ceux du commerce physique. À l'heure de la dématérialisation, comment créer et préserver des lieux propres à créer du lien ? C'est aujourd'hui un véritable défi pour les marques. Mais c'est un beau challenge !

5 générations se côtoient et s'influencent aujourd'hui

  • La génération « silencieuse ». Les individus qui la composent sont nés entre 1925 et 1944. Ils ont connu la guerre, le manque et aspirent à la stabilité sous toutes ses formes. Ils ont développé une morale de l'effort et du travail sur un fond de sacrifice. Leur rapport à la consommation a été marqué par l'accession à la propriété et à l'équipement (équipement ménager, voiture…).
  • La génération « papy boomers ». Née entre 1945 et 1965, c'est une génération de rupture marquée par la guerre froide, Mai 68, la libération sexuelle, l'affranchissement des codes de classe sociale, les engagements politiques (des droits civiques à l'émancipation des femmes), l'idéologie de l'épanouissement individuel. Ils ont été les promoteurs de l'hyper consommation.
  • La « Génération X ». Née entre 1965 et 1980, elle a été marquée par une série de crises : la crise économique, les premières catastrophes écologiques (Tchernobyl, Bhopal), la construction de valeurs « à la carte » et l'arrivée de plus en plus massive des TICS dans leur quotidien. Plus pragmatique et individualiste, elle affiche une méfiance à l'égard des organisations et une crainte du futur. Son attitude par rapport à la consommation est ambivalente, elle a vu naître le comportement de « consomm'acteur ».
  • La « Génération Y » est née entre 1981 et 1995, avec la chute du Mur, la mondialisation, la connexion technologique permanente, l'intelligence collective. Elle a conscience de vivre dans un monde aux ressources limitées, elle est marquée par la précarité de l'emploi. Elle s'épanouit au sein de réseaux, physiques et numériques. Son attitude à l'égard de la consommation est plurielle : fortement imprégnée des valeurs d'Internet (immédiateté, gratuité, nomadisme, transparence, entre autres), elle tend à consommer « autrement ».
  • La « Génération Z », ou génération Facebook, née avec les réseaux sociaux, a 20 ans aujourd'hui. L'article suivant lui est consacré.

Notes

(1)1 Voir les travaux de Jean-Luc Excousseau, sémiologue.
2 Carlutti, 2004
3 Daphné Duvernay, « Des liens intergénérationnels à la transmission transgénérationnelle : vers une co-création marque-consommateur », Communication et organisation - http://communicationorganisation.revues.org/3526
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