Depuis 1995, TNS Sofres réalise, pour Prodimarques, une étude sur l'image des grandes marques de fabricants, des marques de distributeurs et des marques de hard-discount. Les ressorts de l'attachement aux grandes marques, qui se distinguent très clairement, sont au nombre de trois : l'innovation, le savoir-faire et la connexion émotionnelle. Sur une longue période, les grandes marques ont maintenu une réelle différenciation avec les marques de distributeurs sur ces différentes dimensions. En matière d'innovation, par exemple, l'écart était de 20 points en 1995, il est de 24 points aujourd'hui, cette notion d'innovation recouvrant aussi bien l'idée d'offrir des nouveautés intéressantes pour le consommateur (+ 17 points en 2012) que celle d'être pionnière et d'avoir toujours une longueur d'avance en R & D (« s'engage à être toujours en avance en termes d'innovation » + 24 points en 2012). L'écart se maintient également dans le temps sur le savoir-faire : + 14 points pour les grandes marques par rapport aux marques de distributeurs en 2008 et + 16 points aujourd'hui. Enfin, la dimension émotionnelle constitue aussi un facteur de différenciation, même si les niveaux d'association à ces items sont moins élevés, les besoins émotionnels étant par nature plus segmentés : + 11 points en 2006 et + 15 points en 2012. En faisant le pari de l'innovation, de l'expertise et de l'émotion, les grandes marques ont su maintenir leur statut de référent, chacune dans son domaine (+ 19 points en 2008 vs + 22 points en 2012). Si les marques de distributeurs ont progressé en matière d'innovation et de qualité, des écarts de perception forts subsistent dans l'esprit des consommateurs, en faveur des marques de fabricants.
Depuis deux ans environ, à l'aune de la crise économique, nous aurions pu imaginer que les marques de distributeurs allaient connaître une nouvelle progression, or il n'en est rien. Depuis 2009, la part de marché des MDD en hyper et supermarchés, en valeur, stagne autour de 33 %(3) ou de 30 %(4) selon les sources considérées. Certes, les grandes marques ont en partie utilisé l'arme promotionnelle d'une manière qualitativement efficace pour maintenir leur part de marché (réductions de prix immédiates sur les formats standard), mais il y a aussi un ressort psychologique qui peut leur être favorable dans un contexte de crise : la volonté, de la part des consommateurs, de continuer à s'offrir des petits plaisirs pour ne pas se sentir « dépositionnés socialement ». Cela renvoie à la fois à l'image de soi et au besoin de se valoriser, mais aussi à l'image que l'on souhaite projeter vis-à-vis des autres. Dans le baromètre Prodimarques/TNS Sofres, les grandes marques se distinguent d'ailleurs aussi des marques de distributeurs par leur capacité à procurer du plaisir dans l'achat : + 11 points.
Au-delà du contexte économique difficile que nous connaissons aujourd'hui, deux tendances de fond peuvent constituer des opportunités pour les marques nationales : les effets générationnels et la montée des préoccupations sociales et environnementales. Les effets générationnels ne sont plus particulièrement favorables aux marques de distributeurs. La génération qui a connu le lancement des produits libres de Carrefour en 1976 ne constitue plus la majorité des acheteurs en magasin. La plupart des responsables des achats ont toujours connu les différents types d'offre et voient moins dans ces produits de distributeurs le signe d'une contestation de la société de consommation, qu'une offre alternative, moins onéreuse. Le baromètre TNS Sofres/Prodimarques montre d'ailleurs bien que les 15-49 ans apprécient davantage les grandes marques que leurs aînés. Ainsi, lorsque le différentiel grandes marques/marques de distributeurs est de 17 points sur l'item « s'engage à être toujours en avance en termes d'innovation » chez les 50 ans et plus, il est de 30 points chez les 15-49 ans. La nostalgie, paradoxalement, est également du côté des plus jeunes, avec l'évocation de souvenirs affectifs positifs : + 19 points en faveur des marques nationales chez les 15-49 ans contre + 9 points chez les 50 ans et plus.
Deuxième tendance de fond : les préoccupations sociales et environnementales. Ces dernières années, des ingrédients, très utilisés dans la grande consommation, ont régulièrement défrayé la chronique (huile de palme, aspartame, bisphénol A…). La sensibilité des consommateurs à la sécurité alimentaire, à l'origine des produits et à l'impact possible de ceux-ci sur leur santé est de plus en plus forte. Ces préoccupations représentent une opportunité pour les grandes marques dont le statut de référent inspirant confiance vient rassurer un consommateur parfois désorienté. Deux items d'image, notamment, ont gagné en importance entre 2010 et 2012 : « est une marque en laquelle j'ai confiance » et « c'est la bonne qualité », items sur lesquels le différentiel entre grandes marques et marques de distributeurs est fort, respectivement + 5 et + 9 points en faveur des grandes marques. Ce différentiel explose même vis-à-vis des marques de hard-discount, + 39 points et + 45 points. L'idée que « bien manger », voire « bien consommer », a un prix, fait son chemin dans la société. Dans un contexte de défiance généralisée, la volonté de sélectionner, de filtrer ce que l'on consomme pour prendre soin de soi, est d'ailleurs apparue au grand jour comme l'une des tendances du Baromètre des Valeurs des Français de 20125. Ainsi, la notion d'engagement dans la durée doit être au coeur de la vision des marques pour l'avenir. S'engager, cela signifie qu'au-delà de la mise à disposition de produits de qualité, il faut démontrer que l'on rend un véritable service au consommateur. Cela peut prendre de multiples formes selon l'ambition et le territoire de la marque : offrir un bénéfice santé, faire gagner du temps grâce à une innovation simplifiant l'utilisation du produit, protéger l'environnement, proposer une expérience stimulante… Les marques de fabricants conservent aujourd'hui une avance par rapport aux marques de distributeurs en termes d'image sur l'innovation, le savoir-faire et la proximité émotionnelle. À elles de maintenir cette avance en continuant à s'engager ! L'engagement est le nouveau pas qu'elles doivent franchir. Il ne concerne pas uniquement les personnes responsables de la RSE, mais doit résider au coeur de toutes les démarches de l'entreprise, à commencer par l'innovation.
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