Avec les réseaux sociaux, les individus sont devenus des médias. Avec plus de vingt millions de Français connectés à Facebook, ayant chacun, en moyenne, plus de cent cinquante amis, les consommateurs ont acquis les potentialités d'une audience de masse. Auparavant, le client mécontent qui partageait, au pire, son problème à la machine à café, peut maintenant évoquer son désarroi à tous ses contacts d'un simple clic et voir ces derniers relayer le problème tout aussi facilement. Le problème qui pouvait auparavant se régler dans l'obscur et confidentiel service client se voit dorénavant étalé en place publique sur la page Facebook de la marque par le consommateur insatisfait, bien conscient de son pouvoir de nuisance.
Sur les réseaux sociaux, les consommateurs n'hésitent pas à s'adresser aux marques comme à leurs amis. Ce qui est logique puisque, avec les réseaux sociaux, celles-ci communiquent là où communiquent les amis des consommateurs.
Les marques sont descendues de leur piédestal. Pour le meilleur et pour le pire. Si, maintenant, une véritable connivence peut se créer entre la marque et ses consommateurs, jamais on n'aurait imaginé un adolescent écrire directement à General Motors pour se moquer de leur dernier modèle comme on peut le voir à présent sur Twitter.
Les consommateurs ont acquis une culture marketing, une "culture pub". Ceux de la génération Y appartiennent à une certaine génération "pro logo", qui est née avec des référents comme Michael Jackson dansant avec Pepsi-Cola, ou Michael Jordan atteignant les sommets avec Nike. Les marques sont, plus que jamais, partie intégrante de la construction identitaire de chacun et les réseaux sociaux, en ce sens, en sont bien un lieu d'expression privilégiée. Les "fans" peuvent nourrir la réputation d'une marque en cherchant à se valoriser eux-mêmes. Quand Lamborghini peut se vanter de ses quatre millions de fans, Renault en compte 270 000, c'est bien que les utilisateurs de Facebook se servent du bouton "J'aime" avant tout pour parler d'eux via les marques plutôt que pour parler aux marques.
La culture marketing acquise par les consommateurs est aussi une conscience de leur pouvoir sur les marques. Des associations comme Greenpeace ont su utiliser des moyens marketing (spot publicitaire, campagne Facebook, etc.) pour s'attaquer à Nestlé dans sa campagne nommé "Killer" utilisant la marque Kit Kat comme symbole de la dérive que l'association dénonçait. Les marques sont ainsi d'autant plus vulnérables. Les "No logo" et les "Pro logo" ont acquis une culture marketing et savent en jouer, autant au service qu'au détriment des marques.
Ayant acquis le pouvoir de diffusion, les consommateurs peuvent souvent prendre les marques de vitesse. Si, comme le rappelait Warren Buffet, "il faut vingt ans pour construire une réputation et cinq minutes pour la détruire", cela est d'autant plus vrai à l'heure de l'instantané. Sur Internet et les réseaux sociaux, tout se sait et se propage à la vitesse de la lumière. C'est autant de temps en moins dont disposent les marques pour réagir. Quand Jean-Paul Guerlain tient des propos malheureux, un vendredi à 13h30 au journal télévisé, la toile s'en empare en début de soirée, le bad buzz explose le week end et quand les responsables de la marque Guerlain arrivent le lundi matin, il est déjà trop tard. Tout va très vite, les réseaux sont autant de nouveaux risques que de nouvelles opportunités et pour survivre, les marques doivent également s'adapter très vite. Oui, mais comment ?
Seuls 14 % des Français font confiance à la publicité traditionnelle, 70 % font confiance à d'autres consommateurs en ligne et 88 % font confiance aux recommandations de leurs amis3. Pour convaincre, les marques doivent ainsi entrer dans les conversations. Seulement, avant d'y entrer, il faut créer de la confiance et bien comprendre de quoi veulent discuter vos consommateurs. Vous aurez plus confiance en votre ami qui prend le temps de vous écouter qu'en celui qui ne pense qu'à se servir de vous pour uniquement vous raconter sa vie. Il en va de même entre les marques et les consommateurs sur les réseaux sociaux. Entrez dans la conversation de vos consommateurs pour que vos consommateurs entrent dans la vôtre. Il faut d'abord être à l'écoute. Cela permettra de voir de quoi parlent vos consommateurs, sur quoi votre marque peut communiquer, interagir et notamment faire valoir son expertise.
Aujourd'hui, réputation oblige, avoir sa page officielle avec son nom déposé sur Facebook ou Twitter est presque aussi important que d'avoir sa marque déposée à l'INPI. En effet, il n'est pas rare de voir que des pages en l'honneur (ou à l'encontre) des marques ont pu être créées par des consommateurs avant que les marques ne décident elles-mêmes de les créer. Parfois, il y a le risque que ces pages non-officielles soient prises pour des pages officielles par certains consommateurs et cela peut être catastrophique et s'apparenter à de l'usurpation d'identité. Heureusement, les conditions générales d'utilisation des réseaux sociaux sont bien souvent au profit des marques. Ces dernières peuvent récupérer non seulement les pages mais aussi les communautés qu'elles contenaient. La page Oasis, qui compte aujourd'hui près de 2,7 millions de membres, a ainsi été lancée à partir de pages non-officielles qui lui préexistaient.
Avec une page Facebook ou un fil Twitter, les marques sont devenues des médias. Alors qu'auparavant les marques pouvaient se contenter de diffuser partout et pendant des mois la même campagne publicitaire qu'elles avaient travaillée, à la virgule près, pendant des semaines avec leur agence, elles sont aujourd'hui incitées à publier plusieurs fois par semaine, si ce n'est par jour, des messages toujours originaux et différents.
Les marques doivent ainsi se définir une ligne éditoriale. Au lieu de faire la simple promotion de ses dentifrices et brosses à dent, la marque Signal communique sur l'hygiène bucco-dentaire auprès des mamans - cible stratégique - pour répondre à leurs questions, notamment concernant la dentition de leur enfant. Signal fait ainsi valoir son expertise et permet de construire de la confiance en renforçant sa réputation. Orangina communique plus sur l'état d'esprit de sa cible jeune, en voulant avoir la réputation d'une marque branchée.
Etre à l'écoute vous permet de désamorcer des problèmes qui se révèlent sur internet. Répondre aux doléances sur les réseaux sociaux et essayer de résoudre les problèmes des consommateurs mécontents peut permettre de les transformer en consommateurs reconnaissants de l'attention portée. Il arrive que ces derniers le fassent également savoir et c'est une très bonne façon d'améliorer sa réputation et de recruter de nouveaux clients. Les réseaux sociaux peuvent également être une opportunité de recruter de nouveaux consommateurs. C'est ainsi qu'un consommateur qui avait pu partager son hésitation sur Twitter entre Virgin Mobile et M6 Mobile a pu se faire solliciter par le community manager de NRJ Mobile.
S'il faut être très réactif sur les réseaux sociaux, cela ne veut pas dire "réagir à la va-vite". Etre en veille permet de tout repérer plus vite, il faut ensuite être bien organisé pour décider très vite et agir en conséquence. Il faut de la méthode, prévoir les étapes de validation nécessaires en fonction du type de problème rencontré. Il existe également des services de modération comme Netino qui propose des modérateurs de langue française en 24h/24, 7j/7 avec également des chartes de modération ayant prévu les divers cas de figure afin de réagir au mieux.
C'est une évidence mais si vous voulez avoir une bonne réputation, il faut commencer par la mériter. En effet, si auparavant, les marques pouvaient éventuellement croire qu'elles pouvaient prendre le risque de ne pas être irréprochables sans que cela se sache, aujourd'hui, chacun ayant les moyens de diffuser une information, il est plus risqué que jamais de ne pas être irréprochable. La transparence n'est pas une valeur que les marques peuvent se vanter d'avoir mais une réalité à laquelle elles doivent se conformer. Les marques essaient d'autant plus de montrer patte blanche et de s'impliquer davantage avec des programmes et actions de RSE (Responsabilité Sociale des Entreprises) pour mériter la confiance des consommateurs.
Une bonne réputation commence par vos employés qui sont autant les garants de la réputation de vos produits que de celle de votre entreprise. Exemple malheureux, deux employés de Domino's Pizza ont publié une vidéo les montrant se récurer le nez pour en garnir des pizzas… Rien de plus catastrophique pour la marque. Il y a également des cas où des salariés ne se sont pas gênés pour dénigrer leur employeur sur Facebook. Vous pouvez mettre tous les moyens en place pour être bien présent en ligne, si vous parlez mal à vos collaborateurs à la machine à café, c'est peut-être le pire des dangers pour votre e-réputation. Quoi qu'il en soit, il peut s'avérer nécessaire de sensibiliser vos employés aux problèmes potentiels de réputation en ligne et au fait que même une publication personnelle sur Facebook peut avoir un écho public. Votre marque employeur est d'ailleurs aussi en jeu.
Si des personnes attaquent votre marque sur les réseaux sociaux, les consommateurs qui vous font confiance seront vos meilleurs défenseurs. Ainsi, tout l'enjeu est d'engager vos fans, de créer cette relation de confiance. N'hésitez pas à les mettre en avant, à créer une relation de proximité, une relation humaine. Après, tout dépend de votre type de marque, une marque de luxe devra aussi respecter son statut quand une marque de grande consommation pour les jeunes pourra d'autant plus être dans la connivence. Mais quoi qu'il en soit, chacune à leur manière, les marques doivent savoir valoriser leurs fans actifs. La loi des 90-9-1 affirme qu'en moyenne, il y a 1 % de membres créateurs de contenus pour 9 % qui interagissent et 90 % qui se contentent de regarder. Chouchouter vos 1 % de fans - qui feront l'essentiel du contenu - est donc d'autant plus urgent pour construire de la confiance et avoir bonne réputation.
Pour créer de la confiance, rien de mieux que de réserver des exclusivités aux fans, les solliciter. C'est ce que fait très bien Danette en faisant participer ses fans pour élire la nouvelle saveur. Si vous devez changer votre personnage de marque, votre logo ou faire une innovation, veillez à le valider, en priorité, auprès de vos ambassadeurs, sans quoi ils pourraient se sentir lésés et ne pas soutenir votre choix. En effet, les fans peuvent se sentir trahis dans la confiance qu'ils accordaient à la marque. Le responsable de marque doit parfois faire comme le Gouvernement qui demande confiance à l'Assemblée ou par référendum.
Bien sûr, si le responsable de marque n'est pas obligé de solliciter l'avis des consommateurs à la moindre décision, quand il s'agit de choix pouvant être aussi important pour les consommateurs que le changement d'un personnage de marque avec qui ils ont un rapport affectif, mieux vaut les solliciter au préalable. Exemple, la marque Malabar en voulant imposer le chat Mabulle à la place de l'historique "Monsieur Malabar" a fait face à une violente levée de bouclier des fans de la marque qui, encore aujourd'hui, subit très régulièrement des messages appelant à "[leur] rendre Monsieur Malabar". Les marques, sur les réseaux sociaux, deviennent nos amies. C'est parfait pour construire de la confiance. Mais gare à ne pas trahir ses consommateurs sans quoi, le retour de bâton serait tout aussi violent.
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