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Revue des marques : numéro 80 - octobre 2012
 

Marque et engagement, un nouvel horizon

A mesure que les consommateurs réduisent leur confiance aux marques, tout en exigeant davantage de traçabilité, celles-ci semblent faire de l'engagement un nouvel impératif.

France Kreitmann*


Il y a comme de l'engagement dans l'air...
Les campagnes électorales des mois derniers en ont été saturées. On reproche aux footballeurs français de ne pas s'engager dans les matchs qu'ils jouent.
Tous les grands distributeurs s'engagent sur les prix les plus bas, et l'eau minérale, dont j'ai une bouteille sous les yeux me dit être "engagée dans une démarche globale visant à réduire de 40 % ses émissions de carbone d'ici 2012"...
Retournons aux sources, à la définition exacte du verbe s'engager : "Se lier par une promesse ou une convention", selon le Petit Robert ; "S'obliger, promettre de faire telle ou telle chose", selon le Quillet. Ces deux définitions ont en commun de mettre la promesse au centre de la notion d'engagement. Or qu'ont toujours fait les marques, sinon des promesses ? La "promesse" fait d'ailleurs partie du vocabulaire habituel de la profession publicitaire. Les marques ont promis, depuis des décennies, de rendre les consommateurs plus heureux, les femmes plus belles, les assiettes plus appétissantes, les voitures plus confortables, les bébés mieux nourris.
Que s'est-il donc passé pour qu'aujourd'hui, on se pose la question de l'engagement des marques ?

Perte de confiance

Au fil du temps, les promesses habituellement faites par les marques se sont dévaluées aux yeux de leurs destinataires. "Une promesse n'engage que celui qui y croit", a dit un homme politique célèbre. Cette phrase cynique aurait pu s'appliquer à la publicité des marques pendant longtemps. Aujourd'hui, les consommateurs se sentent de moins en moins engagés par les promesses des marques, et deviennent de plus en plus méfiants à leur égard. C'est ainsi que l'on a vu baisser de manière sensible l'indice de confiance dans les marques. Les scandales alimentaires de toutes natures, les révélations successives sur la présence de substances nocives dans les produits de grande consommation (aspartame - bisphénol - sels d'aluminium - parabène - sans parler des colorants et autres exhausteurs de goût) ont alimenté ces soupçons. En parallèle, et en lien avec ces soupçons, on a vu monter en puissance chez les consommateurs les préoccupations écologiques et sociales. D'où viennent les produits que l'on achète ? Comment ont-ils été fabriqués ? Peut-on, dans les choix auxquels on se livre dans nos actes de consommation quotidiens, aider à maintenir des emplois en France ? Autant de questions sur lesquelles les enseignes de distribution ont décidé, depuis longtemps, de bâtir leur stratégie et leur discours. Les "locavores" sont devenus les nouveaux héros de la consommation responsable, et sont même devenus les héros de la télé réalité (cf. émission de M6). Les marques ne pouvaient pas rester étrangères à ces phénomènes.

Engagements d'un nouveau type.

Pourquoi peut-on parler ainsi d'engagements d'un nouveau type ?
Pour plusieurs raisons. La première caractéristique de ces "engagements d'un nouveau type" concerne la nature de l'émetteur. Certes, c'est toujours la marque, parce que c'est elle qui assure l'interface avec les consommateurs depuis toujours. Mais il s'agit maintenant d'une modalité un peu différente de la "marque de toujours". C'est la marque en tant qu'émanation, ou porte-parole d'une entreprise. Cela a des implications fortes quant à la qualité des personnes impliquées par ces discours. Ce ne sont plus seulement les "marketeurs", mais aussi, au sein de l'entreprise, les personnes chargées de la R &D, de la qualité, des achats, et des questions environnementales, lorsqu'il en existe. Le discours n'est plus seulement une affaire qui doit se régler entre agence / communication et marketing, mais une affaire qui concerne une part beaucoup plus large de l'entreprise.

La deuxième caractéristique concerne la teneur des discours en question. Il ne s'agit plus - ou plus seulement - de parler des produits en tant que ce qu'ils font, mais en tant que ce qu'ils sont. Nous sommes donc dans un "retour au réel". Ce ne sont pas des effets sur leurs consommateurs (les fameuses promesses plus ou moins spéculatives dont nous parlions plus haut) qu'il va s'agir, mais des effets sur l'économie, en comprenant économie au sens le plus large : quelle place occupent ces produits dans le système de la production ? Il faut avancer des faits, donner de l'information, faire en sorte que tout cela soit vérifiable par les destinataires, car ils ne se priveront pas de le vérifier. Internet leur donne la possibilité de le faire, mais aussi les grands médias : le "green washing" est traqué.

La troisième caractéristique concerne l'émergence nécessaire d'une entité "derrière" les marques : l'entreprise. L'entreprise au nom de laquelle s'exprime la marque doit avoir une existence, et donc un nom. Il est temps pour les grands groupes - souvent internationaux - de se montrer au grand jour. Ce sont eux, et non seulement leurs marques, qui doivent s'engager. Ce n'est pas le même "Lesieur" qui s'engage avec les producteurs locaux d'une part, et qui dit "Pas d'erreur, c'est Lesieur" d'autre part.

Perspectives pour la communication

Il s'avère donc que, désormais, les marques vont devoir endosser un double discours, au sens positif du terme.
En tant que porte-parole de l'entreprise, elles vont devoir parler de l'amont des produits. Raconter d'où ils viennent, comment ils sont faits, quels sont les ingrédients mis en oeuvre... Les média peuvent être divers, mais Internet jouera certainement un rôle prépondérant, en tant que média le plus informatif, dans lequel le discours peut se développer, et donner ses sources. Dans ce rôle, la marque devra mettre en avant les bénéfices pour l'économie générale du système (la moindre pollution, la réduction des émissions carbone, le maintien des emplois locaux...).
Et elle s'adressera alors au "consommateur-citoyen". En tant que porte-parole des produits, elle va continuer à parler de l'aval, c'est-à-dire des bénéfices apportés par ceux-ci au consommateur / destructeur. Dans ce cas, les médias "classiques" seront toujours sollicités, et Internet jouera le rôle de complément "récréatif" à ces médias classiques. Par ailleurs, les perspectives ouvertes par ces "nouveaux engagements" sont extrêmement intéressantes en ce qui concerne l'innovation.
Celle-ci ne va plus porter seulement sur les caractéristiques des produits (on ajoute un arôme, on modifie le packaging ou le conditionnement...), mais aussi sur tout ce qui va concerner l'amont des produits : les sources d'approvisionnement, les processus de fabrication, les relations avec les fournisseurs... Le champ des innovations possibles s'élargit ainsi considérablement. Les consommateurs deviennent de plus en plus inquiets, curieux, responsables. Les entreprises, et donc les marques qui en sont les porte-parole, doivent partager ces états d'âme : inquiètes de l'impact qu'elles peuvent avoir sur leur environnement, sur le tissu social, et sur la santé et le bien-être de leurs consommateurs ; curieuses de ce qui se passe ailleurs (et pas seulement chez leurs concurrents directs), elles doivent s'inspirer des bonnes pratiques, d'où qu'elles viennent ; être responsables des discours qu'elles tiennent, capables de les argumenter, et d'apporter les preuves de ce qu'elles avancent.

Notes

(* )Co-fondatrice du cabinet Théma
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