Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 80
Top
Revue des marques : numéro 80 - octobre 2012
 

Co-branding, quand 1+1 > 2

En associant les identités et les compétences de marques initialement engagées dans des marchés différents, les produits et services co-marqués peuvent s'attirer la préférence et finalement se distinguer des concurrents.

Géraldine Michel


Géraldine Michel
Géraldine Michel*
Les produits co-marqués deviennent la nouvelle arme pour résister aux cycles de vie des produits et des services qui se raccourcissent : les Mikado à la saveur Daim, la série limitée Twingo Perrier offrant l'air conditionné, la collection Lanvin pour H&M ou encore les bouteilles Coca-Cola Light imaginées par Karl Lagerfeld.
Les formules sont variées.
Quels sont les différents types de partenariats sousjacents à cette stratégie ?
Quels sont les bénéfices recherchés par les marques partenaires ?
Et quelles sont les conditions de succès de ces collaborations entre marques ?

Des formes variées de co-branding

On peut distinguer deux types de co-branding. Le co-branding fonctionnel implique que la marque invitée introduit un composant (sous forme d'ingrédient ou de savoir-faire) dans la conception du produit.
C'est ainsi que Mercedes s'associe avec Swarovski pour proposer des clés ornées de cristaux ou encore que l'hôtel Meurice accède à un savoir-faire "soin" en choisissant le spécialiste suisse des cosmétiques, la marque Valmont, pour son spa. Le co-branding symbolique, deuxième type, vise essentiellement à transférer l'image de la marque invitée sur la marque accueil. Ce type d'alliance est très utilisé dans le secteur automobile où un même modèle de véhicule peut, tour à tour, faire évoluer son positionnement et son image au gré des marques qui lui sont associées (Twingo/Perrier, Twingo/ Miss Sixty, Twingo/Mauboussin).

Co-branding

Des bénéfices pas toujours équilibrés entre les marques "accueil" et "invitées"

Des marques "accueil" à la recherche de nouvelles cibles. Le cobranding contribue à élargir la cible du produit du fabricant car il permet de s'orienter vers de nouveaux consommateurs. Les ordinateurs Dell/Opi qui proposent des modèles avec une large gamme de couleurs inspirée du vernis à ongle Opi s'adressent à une cible plus féminine. Dans un autre registre, les collections H&M/Sonia Rykiel ou H&M/Karl Lagerfeld cherchent à attirer une cible plus haut de gamme vers l'enseigne H&M qui est initialement positionnée mode et entrée de gamme. Enfin, le téléphone portable Virgin Mobile/Bensimon permet à l'opérateur de toucher la cible des adolescents. A travers ces exemples, on comprend que le co-branding devient une des stratégies les plus utilisées par les entreprises pour élargir leur cible vers une segmentation plus fine.

Des marques "invitées" à la recherche de nouveaux territoires.
Une opération de co-branding permet à la marque invitée d'accéder à de nouveaux marchés sur lesquels elle peut ensuite développer de nouveaux produits qui bénéficient du capital-marque acquis grâce au co-branding. Citons l'exemple de la marque Nivea qui a pu utiliser son association avec les rasoirs Philips (rasoirs Philips/Nivea) pour développer de nouveaux produits dédiés au rasage masculins et féminins. La marque Taillefine n'aurait également jamais pu se lancer sur le marché des biscuits si elle ne s'était pas associée à la marque LU. Ces exemples d'extension de territoire confirment les résultats d'études qui montrent que l'extension de marque est mieux accueillie lorsque le produit est associé à une autre marque, ce qui lui permet de gagner en crédibilité plus facilement dans la nouvelle catégorie de produit (2).

Nivea
Les marques ingrédients raflent la mise. Les marques ingrédients ont la particularité à la fois d'être des marques BtoB et de s'associer avec des marques concurrentes qui intègrent leurs composants dans leurs produits finis. Dans ces conditions, en s'associant avec la marque Lycra, les marques "accueil" telles que Dim ou Well offrent des collants et sous-vêtements de qualité alliant confort, souplesse et solidité mais ces bénéfices ne représentent pas un élément de différenciation fort dans la mesure où des marques concurrentes sont dotées du même atout. Les marques ingrédients détiennent ainsi un pouvoir considérable car, en devenant une référence sur le marché, elles rendent les fabricants dépendants de leurs composants sans leur apporter véritablement d'élément de différenciation (cf. le pouvoir d'Intel comme fournisseur de microprocesseurs face aux fabricants d'ordinateurs). A la conquête de légitimité, de nouvelles cibles ou de nouveaux territoires, les marques partenaires peuvent jouer sur différents leviers stratégiques pour atteindre ces objectifs.

Les leviers stratégiques

La stratégie de co-branding peut apporter d'importants bénéfices aux marques partenaires à conditions de prendre en considération quatre principaux leviers mis en évidence par les recherches sur le sujet.

Co-branding

La complémentarité des marques en termes d'image et de savoir-faire

Pour être acceptée par le consommateur, la collaboration entre les deux marques doit être perçue comme pertinente, c'est-àdire faire sens. Pour jouer cette carte de la pertinence, le partenariat doit s'appuyer sur la complémentarité des marques, soit en termes d'image (dans le cas du co-branding symbolique), soit en termes de savoir-faire (dans le cas du co-branding fonctionnel). La complémentarité des marques est un élément essentiel pour assurer l'équation 1+1>2.
En effet, dans le contexte du co-branding, le proverbe "qui se ressemblent s'assemblent" n'est pas de mise. La mise en commun des valeurs et des compétences des marques permettra d'assurer la supériorité du produit issu de la collaboration, uniquement si le mariage exploite de façon équitable l'identité et les atouts de chaque marque.
Par exemple, le succès des biscuits LU/Taillefine s'est fondé sur cette complémentarité entre le goût et la gourmandise de la marque LU, tandis que la marque Taillefine apporte son savoirfaire de produit plus diététique et léger en calorie. D'un point de vue plus symbolique, l'exemple de la coopération entre Adidas et Stella McCartney a permis de proposer des vêtements sportswear chics, associant performance et style. Ces succès montrent que le fait d'associer les bénéfices spécifiques de chaque marque plutôt que de les fusionner permet de proposer des produits qui se différencient de la concurrence. Mais la complémentarité entre les marques n'est pas toujours suffisante, les consommateurs sont également en attente de surprise et d'inattendu.

Un mariage inattendu

Le mariage inattendu représente également un élément important dans le succès du co-branding. Le bénéfice de la surprise est de faire rentrer le consommateur dans un processus cognitif impliquant, car il va chercher à comprendre pourquoi les deux marques collaborent 3. L'effet de surprise est alors bénéfique quand le consommateur comprend le clin d'oeil de la marque et rentre en complicité avec elle. La maison de couture Irié n'a, par exemple, pas craint d'aller voir Procter & Gamble pour proposer d'associer son nom et celui de sa ligne Irié Wash, lavable en machine, à Ariel Essential. Ce type de co-branding a permis d'affirmer la présence de la marque de luxe mais aussi de lui donner une image accessible au-delà du milieu de la mode. De son côté, le lessivier Ariel a trouvé l'occasion de figurer dans des journaux de mode, comme Vogue et de montrer que la marque de lessive de toutes les ménagères est également utilisée par les grands noms du luxe.

Un niveau de qualité et de notoriété équivalent

Le choix du partenaire ne s'arrête pas au niveau de complémentarité et à l'effet de surprise produit, il doit également prendre en compte le niveau de qualité et de notoriété. Il est en effet important de s'assurer du niveau de qualité de chacune des marques pour éviter toute contamination vers une image de moindre qualité.
Le niveau de notoriété des deux marques est aussi essentiel car, face à une marque peu connue, le consommateur peut percevoir le partenariat comme une simple nouvelle nomination du produit sans réaliser qu'il s'agit de marques différentes.

Un produit à valeur ajoutée pour le consommateur

La stratégie de co-branding ne peut être raisonnablement envisagée que si elle apporte un avantage substantiel pour les consommateurs en quête d'avantages produits en termes d'utilité et de différenciation. Le bénéfice client est à son comble quand, par exemple, l'association d'un grand traiteur (LeNôtre) avec une marque d'épicerie dans la grande distribution (Brossard) permet de proposer une gamme de pâtisseries surgelées respectant la recette LeNôtre à un prix accessible. Dans un autre registre, la valeur ajoutée, en termes de design et de différenciation d'image, explique le succès des alliances entre les marques de téléphones mobiles et celles de l'industrie du Luxe (LG/Prada ; Samsung/Cerruti). La valeur ajoutée du produit co-marqué émane notamment de la complémentarité (image ou savoir-faire) que les consommateurs peuvent percevoir entre les deux marques. Si celle-ci n'est pas au rendez-vous, le produit peut faire un flop : c'est notamment le cas des lunettes Ray Ban/Roland Garros, associant deux marques connectées simultanément à l'univers du sport et du prestige, qui apporte peu de valeur ajoutée en terme de différenciation. Bien que les leviers stratégiques soient aujourd'hui identifiés, il faut être prudent dans la multiplication des alliances de marques qui entraînent les marques dans des territoires disparates. La marque Roland Garros a, depuis quelques années, rationalisé son portefeuille de partenaires car elle s'était égarée vers des produits licences divers et variés (téléphones portables Ericsson/Roland Garros, des chaussures Adidas/Roland Garros, panamas et cravates Lanvin/Roland Garros et une gamme de bagages Longchamp/Roland Garros). Aujourd'hui, on peut voir que la sélection de ses partenaires s'opère selon trois critères : la complémentarité entre les marques, le niveau de qualité et de notoriété et la recherche d'un bénéfice client. En revanche, l'inattendu de la collaboration reste dans la plupart des cas, la cerise sur le gâteau. Les marques peuvent encore donc jouer de leur imagination pour créer l'effet de surprise et ainsi tirer profit au maximum de la stratégie de co-branding.

Expérimentation sur huit cas de co-branding
Une étude réalisée en 2011* sur huit cas de co-branding fictifs (les chaussures anti-dérapantes Adidas/Michelin, Adidas/Bic, Geox/Michelin, Geox/Bic et les shampooings à la pomme Klorane/Andros, Fructis/Andros, Klorane/ChupaChups, Fructis/ChupaChups) montre que le produit co-marqué est d'autant mieux évalué et engendre les meilleures intentions d'achat lorsque la promesse du produit est perçue comme crédible et innovante. Comment alors assurer ce niveau de crédibilité et de nouveauté perçue ?
L'enquête révèle que la plus-value de la marque invitée dans la définition du produit est déterminante dans la perception de la crédibilité du bénéfice produit ; gare donc à la tentation de la collaboration superficielle qui s'apparente à un léger lifting du produit !
D'autre part, la dimension inattendue de la collaboration est essentielle dans la perception de nouveauté du produit, mais son influence n'est significative que si elle est couplée à la pertinence de la collaboration ; attention, donc à la surprise qui ne fait pas sens aux yeux des consommateurs !
* Fleck N. et Michel G., Co-branding success : a Subtle Balance Between Perceived Credibility and Novelty influenced by Brand Relevancy and Expectancy, 41th annual Conference of European Marketing Academy, Lisbonne, Mai 2012.

Notes

(*) Professeur IAE de Paris, Université Panthéon-Sorbonne, Directeur de la Chaire Marques & Valeurs - Auteur de "Au coeur de la marque" Dunod 2009
(1) Michel G., Au coeur de la marque, Dunod 2009
(2) Desai K.K et Keller K.L (2002), The effects of ingredient branding strategies on host brand extendibility, Journal of Marketing, 66, 1, 73-93
(2) Fleck N. et V. Maille (2010), 30 ans de travaux contradictoires sur l'influence de la congruence perçue par le consommateur : synthèse, limites et voies de recherche, Recherche et Applications en Marketing, 25 (4), 69-92.
Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot