Traditionnellement, les rôles sociaux des hommes et des femmes étaient bien définis et distincts : homme pourvoyeur et personnage public ; femme protectrice confinée à la sphère privée. Leurs territoires en découlaient naturellement : technique et politique pour l'homme ; foyer, enfants et beauté pour la femme. Mais avec les deux guerres puis l'entrée massive des femmes sur le marché du travail dans les années 1970, les femmes ont conquis des territoires, qui ne leurs étaient pas dévolus, tout en conservant les leurs.
Les critères d'identités fixes sont plus flous : il n'y a plus d'un côté, des vertus d'hommes et de l'autre, des vertus de femmes spécifiques. L'homme doit faire face à une nouvelle quête identitaire. Après le féminisme, les hommes ont été bousculés dans leur universalité. Désormais le masculin est devenu un genre, au même titre que le féminin. Aujourd'hui, les hommes ont du mal à se situer entre extrême virilité et féminisation ; les femmes peuvent être à la fois très masculines et très féminines : du fait de leur émancipation, elles peuvent désormais jouer avec les extrêmes des codes des deux genres.
Si la cible est une femme, la communication doit s'adapter avec finesse à ses attentes, ses couleurs, ses aspirations, ses doutes mais aussi à tout ce qu'elle ne dit pas et qui est implicite : l'évolution des moeurs, le rejet des stéréotypes. Avec toutes les difficultés qu'implique le fait d'être une femme aujourd'hui, les femmes ont besoin de modèles idéaux pour les guider dans leur vie, lutter, refuser de se laisser aller, quand bien même elles savent qu'ils ne correspondent pas à la réalité ou déclarent les détester. Des communications montrant des femmes aux multiples atours de séduction, maquillées, parées, au comble de la coquetterie, inviteront davantage les femmes à se projeter que des publicités montrant des femmes naturelles, assumant leurs défauts. Si les femmes apprécient les modèles (en témoignent les magazines féminins où les stars se dévoilent et donnent leurs "secrets"), elles n'entendent plus se laisser dévaloriser par des diktats de beauté ou de perfection désuets. Elles sont d'ailleurs de plus en plus intéressées par la banque, l'argent, les voitures puissantes, mais le tout gagne à être esthétisé, rendu bénéfique pour l'environnement ou pour des bonnes causes. La tâche du gender marketing est donc plus délicate qu'il n'y paraît au départ, les femmes ont gagné du terrain et entendent le voir reflété dans les médias. Mais elles ont aussi besoin de s'identifier à des modèles et de rêver devant des publicités leur montrant des femmes épanouies selon certaines données traditionnelles. Si l'épanouissement reste le graal de la gente féminine, son exposition doit donc être subtile.
Quelques ressorts spécifiques peuvent néanmoins être exploités. Ainsi les femmes apprécient que l'on s'adresse à elles comme on l'a toujours fait, par les témoignages (la conversation entre femmes, les forums), ou bien le dévoilement d'un secret, ou encore la contribution d'un expert. Les attentions de marque, si possibles personnalisées sont également un puissant levier. Enfin, les femmes font preuve d'une grande empathie, ont l'instinct de prendre soin de leur entourage : c'est le care. Les marques de produits pour hommes et pour enfants peuvent efficacement jouer sur ce ressort : l'achat ou la prescription comme preuve d'amour.
Dans le secteur du soin, la quête d'épanouissement s'exprime par des communications lumineuses, montrant des femmes souriantes. Le soin est en cela à rapprocher de l'alimentation et de la santé. De plus en plus, les femmes font le lien entre ces problématiques, et l'on trouve des produits hybrides (alicaments, masques de beauté à base de légumes, boissons embellissantes, etc). Les univers dénotant la santé et le bonheur, avec un côté épuré, parfois clinique sont très efficaces. On verra des fonds clairs, des visages rayonnants à la peau lumineuse, parfaite, idéale. Chez les hommes, on aura des packagings souvent noirs, des visuels sombres ou mettant en scène les hommes se confrontant avec la nature et les éléments. Les hommes sont moins préoccupés par leur santé : historiquement, ils sont ceux qui doivent "accepter d'être blessés" dans les duels, au travail, dans le sport, etc. Dans la parfumerie et l'horlogerie, on observe que les femmes se retrouvent dans les univers féériques, confinés (comme celui du foyer), qui évoquent la sensualité, le désir, le mystère.
Les montres seront en effet portées par les femmes comme des ornements alors qu'elles seront pour les hommes considérées comme des machines : les montres bracelets sont nées lors de la Seconde Guerre mondiale pour permettre aux hommes de regarder l'heure tout en tenant l'arme (avant, on portait des montres gousset).
C'est historiquement un attribut plutôt féminin. Elle était fonctionnelle pour l'homme, "parure" pour la femme qui prouvait par procuration le bon goût et la richesse de son époux. Au XXe siècle, les femmes se sont mises au travail et ont affirmé leur égalité avec les hommes y compris par le vêtement. Chanel dès les années 1920 détourne le jersey réservé jusque là aux sousvêtements masculins. A la fin des années 1950, c'est la mode de la coupe à la garçonne. Après la révolution de 1968 et le féminisme, s'impose une mode mixte. Aujourd'hui, le vêtement se réaffirme comme vecteur assumé d'identité genrée, où toutes les possibilités existent : hypervirilité, hyperféminité, en parallèle d'un courant androgyne qui perdure. Chez les femmes, les prérogatives liées à l'épanouissement s'effacent au profit de corps longilignes, d'une extrême minceur, aux visages dont la moue hautaine remplace le sourire. Les modèles de la Nymphe et de la Vénus, allongées, alanguies, intouchables et sexuelles sont en vogue. La mode propose une posture sociale, une parure, une attitude. Elle s'adresse aux femmes tournées vers l'extérieur, exposées à leur tour aux éléments, voire séductrices face à l'homme. Le propre de la mode, au féminin surtout, est de se perpétuer par la nouveauté des formes, des couleurs, des associations. Les femmes accourent devant les dernières nouveautés. La mode masculine, au contraire, est relativement constante et fait davantage dans le classicisme. Les femmes conquièrent aujourd'hui les sphères de pouvoir en plus de conserver leurs rôles traditionnels. Ainsi depuis une dizaine d'années, on observe la féminisation de secteurs a priori masculins tels que l'automobile, le sport, le high tech ou la banque. Les produits qui marchent proposent une vraie nouveauté en termes de conception : il ne s'agit pas seulement de colorer le produit en rose ou de le décorer de fleurs pour séduire les femmes mais également de l'adapter à ses attentes.
Des menus santé ou maternité sur les mobiles, des skis légers et maniables, des sièges enfant intégrés dans les voitures, une meilleure ergonomie qui transforme la voiture en prolongement de l'habitat (dernière Honda Jazz) sont de réelles innovations. L'automobile a en particulier une carte à jouer, en reconnaissant les femmes comme des sujets de pouvoir dans des mises en scènes humoristiques où elles prennent les commandes sur leur vie, sont les rivales (et vainqueurs) des hommes, comme dans le spot Kia Soul. Pour les séduire, il faut les traiter comme des actrices à part entière de ces marchés et accroître leur capacité de décision en les renseignant et en les décomplexant sur les aspects techniques. Autre astuce : relier le produit à des centres d'intérêt féminin. Ainsi en matière d'argent, les cartes bancaires colorées et personnalisées comme de vrais accessoires de mode font un tabac. C'est que les conceptions féminines et masculines quant à l'argent divergent : alors que les hommes y voient un symbole de statut social et de performance, les femmes y voient surtout un moyen de se faire plaisir. Là encore, l'avenir est dans les services conçus pour les femmes : assurances, garanties spéciales, etc.
Tous secteurs confondus, c'est en tout cas l'aspect pratique qui semble prioritaire pour les femmes : elles se projettent dans l'application concrète, voient avant tout la fonctionnalité de l'objet et les bénéfices qu'elles vont en retirer. Pour une voiture, c'est l'ergonomie et la sécurité ; pour un aliment, c'est les recettes qu'elles vont pouvoir réaliser ; pour le sport, ce sont les effets sur sa silhouette et son moral ; pour un ordinateur, c'est sa facilité d'utilisation. Et ce bien avant l'apparence "féminine" des produits.
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