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Revue des marques : numéro 79 - juillet 2012
 

L'égalité marques femmes

La relation entre les marques et les femmes doit s'appuyer sur une nouvelle équité dans les représentations et les échanges.

Frédérique Lenglen


Frédérique Lenglen
Frédérique Lenglen
Directrice exécutive Brands, i&e.
La société a changé, les femmes ont changé, les marques changent.
Il apparaît évident, sauf à quelques gourous réfractaires, que les marques ne dominent ou ne veulent plus dominer les femmes : ni dans leurs désirs, ni dans les diktats, ni dans les stéréotypes, ni même dans les très recherchés insights.
Un vent certain de liberté souffle et aère la relation "marques et femmes" avec profit.
A condition d'avoir les pieds sur terre, dans un management de marque adaptatif.
 

Un marketing "sensible"

La valeur de la relation marques-femmes se construit aujourd'hui sur une nouvelle équité, un rapport d'égal à égal. Est-ce la fin d'un marketing longtemps érigé sur un modèle dominant/dominé ? L'héritage des 4P laisse place à un marketing sensible, créateur de sens, d'authenticité, de dialogue, d'affinités et de reconnaissance.

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Inversion des temps : c'est qui le sexe fort ?

Si ces publicités des années 1960 font écarquiller les yeux… dans cette nouvelle décennie, un grand mouvement d'adoucissement des postures des marques se développe. Kellogg's loue le "aimez-vous" avec un corps de femme qui se raconte sans idéalisation, dans ses joies et ses difficultés. La femme chrysalide Hermès a "le temps devant soi" ; dans une société qui court après le temps et freine le vieillissement, ce message est une ode salutaire.
Et à l'opposé des diktats de beauté, Nivea valorise que "le soin, c'est la vie", au coeur de l'être et du bien être des femmes. La nouvelle miss Orangina, figure animale frondeuse, valorise l'émancipation assumée "des femmes qui veulent tout" avec une conclusion haute en couleurs : "c'est qui le sexe fort ?". Et elle n'est pas la seule à donner de la formule : les femmes de Fleur de Colza de Lesieur, elles aussi, clament "je veux tout… et je veux savoir d'ou ça vient", message d'exigence et de transparence valorisant les 800 agriculteurs producteurs français de la filière colza.

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Une nouvelle structure de langage "connivent"

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Non seulement les figures de femmes peuvent varier des incontournables égéries ou des post-ménagères, mais les discours se transforment. Si Dove est restée longtemps propriétaire d'un discours unique sur les femmes, la marque n'est plus la seule à donner dans l'empathie. La lettre d'adieu à sa cellulite du Petit Marseillais a réjoui des centaines d'internautes et certainement des milliers de femmes.
A relire le philosophe Hume (1) qui édifie sa théorie du jugement moral autour de la sympathie, définie comme propension à recevoir "les inclinations et les sentiments des autres", les marques entrent dans un process sympathique qui dépasse même l'empathie, qui s'entend comme une compréhension mais n'implique pas l'émotion. La sympathie implique d'avoir un regard positif ou une préoccupation non éphémère pour l'autre personne (2). Cependant, soyons clairs. L'ère d'une nouvelle sensibilité (la revue des marques - n°79 - juillet 2012 - page 21 Les marques ne dominent ou ne veulent plus dominer les femmes : ni dans leurs désirs, ni dans les diktats, ni dans les stéréotypes, ni même dans les très recherchés insights. Un vent certain de liberté souffle et aère la relation "marques et femmes" avec profit. de marque ne signifie en aucun cas qu'elle soit suscitée par l'attribut classique de douceur féminine. Il y a dans ce "sensible" toute l'intelligence d'une rationalité accrue, voire aigue, pour un nouveau comportement de marque à adopter : l'anticipation et un certain sens moral, éthique, qui répond de la définition même du mot sensible. La nouvelle campagne Weight Watchers, "réapprenez à manger", aurait ainsi pu anticiper les virulences féministes dont elle a fait l'objet, à cause d'une trop grande suggestivité.
 
Petit marseillais

La parole des femmes est d'or

Elle soulève le grand changement de paradigme qui s'opère.
Il semble, de manière comparable à la fin des périodes de forte croissance, que les marques ne reviendront pas à une situation d'hégémonie confortable. Pour des raisons de concurrence, mais aussi d'un pouvoir augmenté des femmes sur le management de marque, et d'une vie sociale beaucoup plus mouvementée. En découle une première évidence : les femmes prennent la main en émettrices actives. Les pages Facebook regorgent de messages des "amies" des marques, de réactions, demandes d'explication, de transparence, de compréhension. Sur les premières pages Google de marques phares, émergent très haut les paroles d'internautes et de blogueuses qui interprètent la marque comme bon leur semble. Ce qui est nouveau, c'est que ce jeu d'égal à égal place la marque en situation de co-management d'une part de la valeur immatérielle qu'elle représente. La deuxième évidence est liée à la capacité à assumer le spontané, la rapidité, le social et le sociable, surtout dans des problématiques sensibles. A combien de messages d'interpellation en direct les marques répondent-elles vraiment ? Combien considèrent le retour sur leur propre communication pour s'enrichir, évoluer ? Le marketing doit-il plus résolument envisager et incarner le "co", et le raisonner au-delà du marché ?

La marque est une (nouvelle) personne qui grandit

Benoit Tranzer
Recentrage de marque
De ces deux évidences nait une relation très particulière : la marque demeure marque et devient une "personne". Au sens ou l'échange n'est plus opérant sans une parole simple, une finesse de discours, une adaptabilité aux critiques. Une modulation des propos de marque devient essentielle pour une relation marqueconsommateur saine et satisfaisante. Ce "de personne à personne" engendre la capacité de "médiane", cet art du milieu qui n'est pas là pour influencer mais informer, répondre, enchanter, dans le vrai. Une nouvelle rationalité de marque, dans une sensibilité sociétale agrandie, est bel et bien en émergence.
 

L'art du milieu ou le centre de la relation marques et femmes

valeur relationnelle
La valeur relationnelle “marque et société”
Le nouveau management de marque induit la gestion de cercles plus ou moins élargis de perceptions qui viennent s'ajouter, se faire et se défaire. Il s'agit de mesurer l'écart entre la position voulue par la marque, et là où elle se situe dans la tête et le coeur de ses consommatrices et de celles qui, sans l'être, la jugent aussi pour ses effets dans la société. Si les femmes incitent les marques à donner, s'impliquer, se re-révéler, c'est aussi la caractéristique d'un mouvement de société avec le poids et l'impact du facteur réputation. La réputation de marque dans la société peut être plus importante que l'image de la marque elle-même sur son marché. La véracité du propos face à une question importante, une ligne de conduite à tenir pour ne pas décevoir, invite à un dépassement de soi en tant que marque. Car la réputation traduit autant "ce que les gens disent de vous que ce qu'ils attendent de vous", et ceci est au delà d'une bonne campagne de publicité. Le "je t'apporte, je te donne" enclenche un double mouvement bénéficiaire, des marques vers les femmes, et des femmes envers les marques.
 

Dans cette nouvelle dynamique et pour savoir la créer, les "émissions" de femmes, non seulement consommatrices mais citoyennes, sont conçues comme des leviers d'adaptation de la marque à des évolutions de la société et non seulement du marché. Elles ont les vertus de miroirs grossissants ou de signaux faibles à considérer à un niveau stratégique. Il s'agit maintenant de savoir considérer ces "outsights" de la société, de la femme-citoyenne (versus insights du marché, de la femmeconsommatrice) : ils s'incorporent à la dynamique et permettent aux marques de devenir plus agiles, nourries d'intelligence collective grâce aux femmes… qui décidément, ne sont plus des cibles mais bien des pairs. Egalité oblige !

Notes

(1) Hume - Traité de la nature humaine, 1739-1740 ; II, 1, 11
(2) Decety, J., & Batson, CD (2007). Neuroscience sociale des approches de la sensibilité aux relations interpersonnelles. Social Neuroscience, 2 (3-4), 151-157la
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