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Revue des marques : numéro 78 - avril 2012
 

Quand "grand" rime avec défiance et proche avec confiance

Le mythe du progrès se fragilise. L'heure est à la confiance comme l'atteste l'étude du Laboratoire de la Confiance.

par Nathalie Damery et Philippe Moati


Nathalie Damery
Nathalie-Damery
Présidente de l'ObSoCo
(Observatoire Société et Consommation).

Philippe Moati
Philippe Moati
Professeur d'économie à l'Université
Paris-Diderot, co-président de l'ObSoCo.
Le "grand", le "gros", n'ont plus la cote...
Les résultats du Baromètre de la confiance réalisé par l'ObSoCo pour l'agence Kuryo en fournissent une nouvelle illustration (1).
Près de deux Français sur trois déclarent ne pas avoir confiance dans les grandes entreprises alors qu'à 80 % ils accordent leur confiance aux petites entreprises. La prise de distance l'égard du grand et, son corollaire, l'attractivité exercée par le petit se retrouvent, par exemple, dans la désaffection dont souffrent les grandes entreprises ou les hypermarchés alors que les consommateurs témoignent d'un nouvel engouement pour les petites entreprises et le commerce de proximité.
Dans le même ordre d'idée, la figure de l'agriculteur s'efface aujourd'hui devant celle du paysan.

Rassurance et nostalgie

Une première explication est à rechercher du côté de la poussée des valeurs post-modernes dans la société française. Le "grand" est associé à un idéal de progrès auquel on ne croit plus guère ; le "petit" apparaît comme une valeur de rassurance : il est assimilé au proche, au traditionnel, à l'authentique, au lien social. Comme le "naturel" - lui aussi très en vogue - il cristallise une inclinaison nostalgique qui témoigne d'un état d'anxiété face à la complexité d'un monde dont on ne saisit ni la signification, ni la direction.

Déconnexion entre société et économie

Une seconde explication repose sur l'idée d'un fossé qui se creuse entre l'économie et la société. La défiance à l'égard du grand serait l'expression d'un malaise face à un capitalisme désincarné dont la dynamique semble s'être dissociée de celle de l'intérêt collectif. La prospérité des entreprises, voire la croissance économique, rime aujourd'hui moins avec bien-être qu'avec crise, inégalités, précarité, atteintes à la nature et la qualité du cadre de vie...
Bref, au plan général, c'est l'existence de la "main invisible" qui est mise en doute, et au plan microéconomique, l'idée d'un alignement des intérêts des grandes entreprises avec ceux des consommateurs, des salariés et des citoyens.
Degré de confiance dans les institutions

La confiance est nécessaire à l'engagement et à la fidélisation

La recherche en marketing a montré que la confiance influe sur le degré d'engagement des consommateurs dans leurs relations avec les marques ou les enseignes. A l'heure où les entreprises font de la fidélisation une priorité, cet état de la relation de la confiance avec les consommateurs est particulièrement problématique, notamment si l'on considère en parallèle les moyens croissants que les nouvelles technologies offrent aux consommateurs pour être mieux informés sur les entreprises et leurs offres mais aussi pour arbitrer entre les offres concurrentes, pour exprimer leur satisfaction ou leur insatisfaction…
Il restait à savoir dans quelle mesure cette attitude de défiance des consommateurs mesurée ici à l'égard de secteurs pris dans leur ensemble, se retrouvait à l'échelle de la relation de chaque consommateur avec des marques ou des enseignes prises individuellement. Cet angle d'attaque complémentaire a été adopté au cours de l'étude du Laboratoire de la Confiance, "La confiance et la grande distribution alimentaire". Elle montre que l'on peut se défier d'un secteur sur un plan général mais avoir confiance dans les entreprises de ce secteur que l'on pratique.

Quelle-image

Si la défiance domine à l'échelle du secteur, la confiance prime à l'échelle des enseignes

L'approche directe de la confiance comme celle fondée sur l'évaluation détaillée des fondements de la confiance mènent à la même conclusion : c'est la défiance qui l'emporte (faiblement) lorsque les consommateurs évaluent le secteur de la grande distribution alimentaire dans son ensemble.
La tonalité change cependant lorsqu'il s'agit d'exprimer sa confiance vis-à-vis des enseignes prises une à une. Chaque personne interrogée a donné une note à chacune des 30 enseignes qui leur ont été présentées. … Pas de quoi pavoiser, mais la note est positive et contraste avec les notes négatives obtenues lorsque la confiance est appréhendée à l'échelle du secteur dans son ensemble. Autrement dit, le secteur suscite davantage de défiance que les enseignes que le composent…
Comme si c'était l' "institution" de la grande distribution qui suscite la défiance, alors que, pris un à un, les acteurs qui s'y rattachent inspirent davantage confiance.

Comparaison sectorielle : les banques décrochent la palme de la défiance

Nous avons approfondis l'approche du rapport de confiance des Français aux grandes entreprises en nous intéressant à six grands secteurs qui s'adressent aux consommateurs : les banques, les constructeurs automobiles, les tours opérateurs et organisateurs de voyages et de séjours, ainsi que trois secteurs du commerce de détail : la grande distribution alimentaire, les grandes enseignes du bricolage, et les grandes enseignes du commerce de l'habillement. Parmi les six secteurs d'activité étudiés, seul celui des grandes enseignes de bricolage parvient à réunir une (courte) majorité de Français leur faisant confiance. A l'opposé, les banques sont les premières victimes de la défiance, avec 3 personnes interrogées sur 4 qui déclarent ne pas leur faire confiance. Elles sont suivies des tour-opérateurs, puis des enseignes de la grande distribution alimentaire.

Confiance

Est-ce si important d'inspirer confiance ?

Deux arguments peuvent être mis en avant pour inciter les marques à travailler à l'amélioration de la confiance qu'elles inspirent. Tout d'abord, le degré de confiance que les clients accordent aux marques est corrélé à leur engagement vis-à-vis de ces marques, alors que l'engagement est réputé influer sur la fidélité. La deuxième raison pour les marques de se préoccuper du niveau de confiance qu'elles inspirent aux consommateurs réside dans le fait qu'améliorer sa propension à inspirer confiance peut faciliter la conquête de nouveaux clients et l'accroissement de sa part de marché. Enfin, à l'échelle de la profession, améliorer sa cote de confiance est particulièrement important à l'heure où les nouvelles technologies créent de nouvelles concurrences et modifient à un rythme rapide les comportements d'achat, et où l'on voit monter une aspiration générale à consommer autrement.
Les résultats de l'enquête indiquent la voie à suivre : crédibiliser l'engagement sociétal des marques et convaincre davantage de l'alignement de leurs intérêts sur ceux des consommateurs.

Des indicateurs à suivre

Il reste aussi à savoir comment les indicateurs de confiance vont évoluer dans l'avenir, notamment avec les risques de tensions persistantes sur le pouvoir d'achat des ménages, de crises sanitaires, de flambée des cours des matières premières, la diffusion de nouveaux outils aux services des consommateurs…
A suivre donc, au cours des prochaines vagues du Baromètre de la confiance.

Les trois piliers de la confiance

La recherche en marketing a mis en évidence trois grands registres sur lesquels se fonde la propension d'un consommateur à accorder sa confiance à une marque ou une enseigne. Ces registres renvoient à des caractères de cette dernière, aux qualités qui sont susceptibles d'inspirer un sentiment de confiance (ou de défiance) auprès des consommateurs.
Le premier registre est celui de la compétence, c'est-à-dire de la capacité effective de la marque à satisfaire les attentes de ses clients.
Le deuxième registre est celui de l'intégrité, c'est-à-dire de la sincérité de la démarche, de l'honnêteté, du respect des engagements.
Le troisième registre porte sur la bienveillance, au sens de l'inclination de la marque ou de l'enseigne à prendre en considération les intérêts de ses clients, quand bien même cela pourrait se révéler contraire à la maximisation de ses propres intérêts à court terme.

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