Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 78
Top
Revue des marques : numéro 78 - avril 2012
 

Brit'attitude, un autre chemin vers la croissance

La méthode française est-elle la seule pour faire croître une marque ? Traversons le channel pour s'immerger dans l'esprit anglais.

par Jean Watin-Augouard


Hélène Sagné
Hélène Sagné, fondatrice de Bug
Comment développer les marques ? Quel chemin prendre pour leur assurer une croissance pérenne ? Questions habituelles que se pose tout marketeur, parfois submergé par le trop plein d'études.
Et dont s'inspirent souvent ses concurrents ! La méthode française est-elle la seule façon de créer des marques ? Non, répond Hélène Sagné, fondatrice, en 2000, de l'agence londonienne Bug et de sa filiale parisienne en 2003 : "Nos voisins Anglais ont, face aux marques, une attitude différente de la nôtre, ils les voient autrement".

De manière condensée, la France privilégierait davantage la pérennité quand la Grande-Bretagne serait le pays de la rupture. Conséquences sur le plan méthodologique : les Anglais aiment prendre le problème à zéro pour créer un lien différent entre la marque et les consommateurs. "Ils ont une approche totalement décomplexée du branding, hors des règles préétablies, des modèles à suivre, des grilles à respecter. Le branding - l'identité, le territoire de la marque, son discours, langage, ses supports - vient souvent avant le marketing.
 

Et il n'est pas appréhendé d'abord comme un coût mais comme un investissement". Voyez le cas Dyson et sa capacité à réinventer l'aspirateur ! Orange et la relation singulière qu'elle entretient avec les clients quand bien même la marque est devenue française. Preuve qu'elle a gardé l'esprit anglais. Reason why ? Selon Hélène Sagné, la différence de vue résiderait dans la formation, décloisonnée en Grande-Bretagne, très classique et copiée sur le modèle de l'ingénieur en France. Chez nos amis, les marques sont "vivantes", elles sont créées pour "changer accompagner les consommateurs dans leur vie quotidienne".

Si les marques doivent s'inscrire dans la pérennité, elles ne doivent pas pour autant être immobiles. "Les Anglais ont compris que, pour retenir les consommateurs, il faut les surprendre. Les marques anglaises ont moins peur du changement que les marques françaises qui veulent rester elles-mêmes pour ne pas perturber les consommateurs." Paradoxe anglais : le changement crée la fidélité et la continuité !
Cas d'école à suivre : Ladurée, maison réputée pour ses macarons, se lance dans les cosmétiques et produits de beauté ! Hélène Sagné avance, comme autre explication, celle-ci, historique : le "bon goût" français, celui de la bourgeoisie qui ne change pas ce qu'il faut bien faire, rivée à la conservation des acquis quand l'excentricité anglaise trouverait ses origines chez les lords, libres d'agir car ils possèdent tout. "En Angleterre, on s'habille comme on veut, personne ne vous pointe du doigt". En matière de consommation et d'épargne, les Anglais, là aussi, se distinguent des Français : "la notion d'accumulation, d'épargne, de propriété n'est pas aussi forte qu'en France. Les Anglais, particulièrement les londoniens, demeurent longtemps co-locataires et sortent donc beaucoup, dans les pubs, les magasins… Ils sont consommateurs très vite, très tôt. Consommer, c'est pour eux vivre une expérience, tester, prendre des risques. Les Anglais sont plus pragmatiques, plus réalistes, ils expérimentent quand en France, on est très conceptuel, on réfléchit en amont."

Cinq constantes

Première des cinq constantes
Première des cinq constantes des marques britanniques : la primauté du client. "Les Anglais ont pour règle d'or de se mettre toujours dans la peau, l'état d'esprit du client en privilégiant les services et le commerce. Cette grande force est issue de leur culture commerciale historique". Cela se traduit, par exemple, dans les guides proposés par la Tate Modern, le musée d'art contemporain londonien : le tour du musée est suggéré en fonction de l'état d'esprit des visiteurs, selon leur humeur : "je suis un habitué", “J'ai la gueule de bois”… La Barclays, banque au combien respectable, s'adresse aux étudiants avec un leaflet illustré par des toasts grillés avec haricots rouges, leur plat habituel quand ils manquent d'argent ! Le magasin de luxe Harvey Nichols présente la période des soldes comme des combats.
 
Deuxième constante
Deuxième constante : le storytelling ou l'art de raconter une histoire au consommateur pour le faire entrer dans un conte. La marque de smoothies Innocent se singularise par sa manière de raconter des histoires. En France, la marque Michel & Augustin s'en inspire. L'enseigne de sandwich la plus implantée en Angleterre, "Prêt à manger", raconte des histoires aussi bien sur ses serviettes de couleur marron ("c'est moche mais il n'y a pas de chlore"), ses gobelets sur lesquels est retracée l'histoire de leur machine à café ("elle coûte cher car elle fait le meilleur café du monde"). "Les marques anglaises sont exigeantes vis-àvis d'elles-mêmes." Certains produits ont leur forme moulée par le packaging mais aucun nom de figure, il est simplement écrit "I've cut myself" pour du spraradrap, "I have a headhache" pour de l'aspirine…
 
Troisième constante
Troisième constante des marques anglaises : leur capacité à détourner les codes pour se réinventer.
Le styliste Paul Smith a ainsi décliné ses rayures sur une Mini ! Les pains Hovis ne montrent pas le pain mais sa destination finale. Foxtons, agence immobilière, se présente comme un bar lounge.
 
Quatrième constante
Quatrième constante : la simplicité, le minimalisme, facteur de différenciation et, paradoxalement, de sophistication.
La simplicité d'un packaging Selfridges où une simple typo couleur sur fond noir fait toute la différence. Ou des bouteilles de vin Setley Ridge qui, grâce à des visuels d'écorce d'arbre, induisent le plus simplement du monde le goût du vin.
 
Cinquième constante
Enfin, cinquième constante : celle de proposer une expérience aux consommateurs comme Nokia et son flagship, Camper qui invite ses clients de tager les murs, Uniqlo et son magasin container, Nike et sa camionnette sur une piste de ski… " La nouvelle génération en France va accepter cet état d'esprit anglais fondé sur l'humour, la dérision, l'excentricité, la transgression mais cela va demander du temps", prévient Hélène Sagné.
 

Cinq conseils

• Créer un système organisé dans le fond, mais assez libre dans la forme ;
• Cultiver la curiosité car surprendre c'est retenir, reconnaître la marque dans la perfection ;
• Faire attention aux détails : c'est là où se joue la crédibilité ;
• Oser, ne jamais sous-estimer le consommateur ;
• Ne pas trop regarder les autres, avancer en suivant sa propre histoire ; être différent n'est pas forcement être unique.

Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot