Les nouveaux modes de consommation n'ont plus, comme unique berceau, les Etats-Unis.
En atteste le courant "locavore", né au Japon aux cours des années 1960, et tenant ses origines de la résurgence des peurs alimentaires. Aujourd'hui, plus de 14 000 marchés de producteurs japonais - teiki - auraient fait perdre aux grossistes quelque 20 % de part de marché depuis quinze ans. Ce phénomène s'étend également aux Etats-Unis depuis les années 1970 (Community Supported Agriculture), mais aussi en Allemagne, en Grande-Bretagne, en France avec les Amap 1 créées en 2001...
"Un mouvement de fond qui touche les pays riches mais avec une population agricole fragilisée", explique l'étude Eurostaf-Les Echos 2. Le circuit court 3 est fondé sur le principe de la vente directe qui "permet de relier production et consommateurs en redonnant une maîtrise des prix aux producteurs". Cette vente directe apporte "la garantie de traçabilité et de qualité", elle rétablit "le lien avec la production" en créant une proximité géographique, identitaire, relationnelle et de processus (le faire voir), elle redonne confiance au consommateur "malmené par une communication anxiogène sur la qualité des produits alimentaires" et elle "restructure les territoires et l'espace rural". Selon l'étude, les intentions d'achat de produits locaux, produits de saison, atteignent, en Europe, 35 % en moyenne et 21 % pour le Bio.
Le circuit court répond aux nouvelles attentes des consommateurs en matière de qualité des produits non satisfaites par les GMS : recherche de produits frais, produits de terroir, produits locaux, produits authentiques, produits de saison, modes de production sains. Les consommateurs dits "engagés", qu'ils soient "militants", "authentiques" ou "sympathisants", souhaitent donner davantage de sens à leurs achats. "Le consommateur se rend volontiers dans des circuits alternatifs dans lesquels la pédagogie autour du produit lui permet de découvrir voire de s'impliquer d'une manière "militante" auprès du producteur", explique l'étude. Au reste, selon le Crédoc, alors que 20 % des Français souhaitaient acheter ailleurs que dans les GMS en 2004, ils étaient 37 % en 2007.
Si la vente directe constitue pour les industriels une opportunité "difficile à gérer", elle peut néanmoins se développer grâce à des nouveaux modes de contact pour se détacher des grandes surfaces 4. Nestlé a ouvert un magasin d'usine pour ses dosettes Nespresso ; Bonduelle Bienvenue à côté du site de production ; Perrier, Davigel et Purina, uniquement pour leurs propres salariés ; Coca-Cola, Nestlé, Kraft Food et bien d'autres marques misent sur la distribution automatique. Des boutiques-musées comme celle d'Hénaff se développent "Cette démarche peut, demain, s'étendre aux particuliers d'autant que l'explosion d'Internet sur mobile (4 millions de mobinautes) permettrait de situer et de visualiser les catalogues des industriels, et leur localisation", prévient l'étude. Pour faciliter ce type de développement, supporter les investissements (boutique en propre) et palier les freins logistiques, le rapport conseille "la mutualisation, entre plusieurs industriels d'une même région, des magasins d'usine et de la logistique". En clair : passer d'une logique opportuniste à une logique structurée. Reste à gérer les risques de conflit avec les GMS. "Certains industriels ont ainsi des noms différents pour ne pas être en situation délicate sur le plan régional avec une enseigne de la même région", souligne l'étude.
Si les ventes alimentaires sont les moins élevées sur Internet (avec les voitures), ce circuit semble néanmoins adapté pour les vins et alcools, la chocolaterie, la confiserie, la biscuiterie, les produits du terroir et les produits bio. "L'achat sur Internet répond à des attentes de praticité et d'économie de temps, associé à une offre de produits qui se distinguent par une qualité ou une origine spécifique. La Belle Iloise, réputée pour sa conserverie de poissons en vend dans la France entière et élargit avec son site la couverture régionale de ses boutiques", justifie l'étude. Autre attente, sur Internet : "offrir de l'exception". C'est le cas de Mars avec My M&M's qui vend aussi bien aux particuliers qu'aux entreprises des produits exclusivement vendus par Internet et customisés à la demande.
Autre canal de vente directe : la restauration. Ici, les industries agro-alimentaires ne semblent pas avoir réussi à s'implanter durablement. "Beaucoup d'industriels se sont lancés sur ce secteur - Nestlé, Panzani, Fleury Michon, Lustucru, Daunat… mais il en reste peu aujourd'hui faute de modèle économique rentable", explique l'étude. De nombreux projets ont été abandonnés ou repositionnés (Piazetta Buitoni, Lustucru, Via Gio, Graine d'Appétit, Café Nescafé…) ne rencontrant pas le succès escompté. Au nombre des causes avancées : un manque d'expérience des métiers de la restauration commerciale ; un retour sur investissement insuffisant ; un manque de légitimité ; des difficultés à développer le réseau. "Les nouveaux concepts n'ont pas encore fait leur preuve en termes de rentabilité, d'où la difficulté à recruter des franchisés ou des concessionnaires pour développer ces réseaux naissants", analyse l'étude. Ainsi, Graine d'appétit, lancé par Fleury Michon en 1999, fonctionne aujourd'hui adossé à ACCOR pour s'implanter dans les hôtels du groupe ; Via Gio de Panzani a été racheté par le groupe Bertrand ; d'autres font évoluer le concept, tels les kiosques Knorr déployés en corner dans les restaurants Arche sur les autoroutes, ou encore avec l'enseigne de presse Relay. On en compte environ 1 800. Et les Familistères ?
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