Les catastrophes naturelles spectaculaires, l'érosion de la biodiversité et la flambée des prix des matières premières sont des exemples d'événements qui ont sensibilisés l'opinion publique à ces notions, devenues incontournables dans le paysage politique actuel, et cela conduit à s'interroger sur des mesures législatives visant, par l'incitation ou la sanction, à promouvoir des processus économiques dits responsables. Les lois, dites Grenelle I et II, en sont des exemples en France. La notion de développement durable, couvrant tous les secteurs économiques, devient un axe stratégique pour le développement et la communication de l'entreprise quel que soit son domaine d'activité.
Les droits de propriété industrielle constituent des droits exclusifs délivrés par des organisations gouvernementales. Nous nous concentrons ici sur l'objet de ces droits et non sur leur sujet ou leur utilisation. Rapprocher ce principe de monopole des recommandations de Rio soulève des interrogations :
Peut-on délivrer un droit exclusif, sur une technologie, un produit ou un service qui ne s'inscrirait pas dans un processus de développement durable, c'est-à-dire accorder des avantages à des modes de production non viables, en violation du 8e principe ci avant ?
Doit-on au contraire favoriser les technologies, produits et services s'inscrivant dans un processus de développement durable en conférant à leurs détenteurs des avantages économiques, notamment un accès plus rapide et moins onéreux à ce monopole ? Et dans ce cas, ce monopole n'est-il pas un frein aux échanges et à la diffusion de cette technologie, produits ou services, en violation du 9e principe ci-dessus ?
La première consiste à ne rien changer au système actuel. La deuxième privilégie une politique incitative : cette solution est actuellement adoptée dans quelques pays en matière de brevets qui proposent une procédure de délivrance accélérée sans surcoût pour des technologies sélectionnées.
La troisième conduit à l'exclusion de l'accès à la protection, en s'inspirant du fait que la plupart des dispositions législatives prévoient des clauses qui excluent de la protection certains objets tels que les signes ou inventions contraires aux bonnes moeurs.
Ainsi, il est proposé d'exclure de la protection ce qui serait susceptible d'avoir un impact particulièrement négatif sur la "durabilité" du développement.
La troisième voie n'a pas été retenue formellement à ce jour mais des lobbies l'ont poussée, sans succès, lors des sommets de Copenhague et de Cancùn en ce qui concerne les brevets d'invention
Un brevet concède un monopole sur une invention. Une invention, en tant que telle, n'a pas d'effet sur l'environnement et seuls sa mise en oeuvre, son développement et sa diffusion peuvent avoir un tel impact. L'OCDE a identifié, parmi la classification internationale des brevets (CIB), les classes relevant de technologies dites vertes. Cette classification n'est pas sans poser de problème ; néanmoins, les Etats-Unis, le Canada, le Royaume Uni, la Corée et l'Espagne ont mis en place des mesures visant à accélérer la délivrance des brevets relatifs à des inventions réputées concerner des technologies s'inscrivant dans une logique de développement durable. Il s'agit de mesures expérimentales, qui, en pratique, semblent surtout prisées par les start-up qui utilisent ces "autoroutes de délivrance" pour vendre plus rapidement leur technologie brevetée à des groupes plus importants.
S'il y a bien transfert de technologie, celui-ci ne se produit pas nécessairement dans le sens qui était visé initialement, c'est-à dire des pays développés vers les pays en voie de développement. Cette démarche est donc essentiellement tournée vers le savoir-faire. Toutefois, le fait d'avoir obtenu le bénéfice d'une telle procédure accélérée sur des développements de l'entreprise peut constituer une base de communication sur son implication dans une démarche de développement durable et donc participer du "faire savoir". Dans le cas des marques, il n'existe pas, à notre connaissance, de dispositif similaire. Plus encore que pour les inventions, le signe en tant que tel n'a pas d'impact sur le développement durable.
À noter que les dispositions législatives françaises actuelles, pourraient permettre de mettre en oeuvre, au moins partiellement et indirectement, la troisième attitude, dite d'exclusion. En effet, l'article L 711-3 c) du Code de la Propriété Intellectuelle prévoit qu'un signe de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance d'un produit ou service ne peut être adopté comme marque. Une telle marque est dite déceptive. Cependant, après un premier contrôle par l'INPI, l'appréciation du caractère déceptif d'une marque relève du juge, ce qui suppose une action en justice et, pour le tiers agissant, un intérêt à agir.
Le Code de l'environnement dans ses articles L142-1 et L 142-2 modifiés par les lois dites Grenelle II du 12 juillet 2010 semble ouvrir un mécanisme donnant aux associations ayant pour objet la protection de la nature et de l'environnement un intérêt à agir notamment contre les pratiques commerciales trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques comportent des indications environnementales. Ainsi, il pourrait être possible pour de telles associations de remettre en cause la validité d'un signe qui, en tant que tel, serait de nature à tromper les consommateurs sur la mise en oeuvre de pratiques respectueuses de l'environnement.
La plupart, pour ne pas dire la totalité, des initiatives associant signe distinctif et développement durable sont en fait portées par des associations L'initiative baptisée "save your logo" déjà évoquée dans cette même revue en est un exemple. Plus dangereuses sont les pratiques de certaines associations réalisant, sur internet, des classements en référence à des signes distinctifs, relatifs à une performance, réelle ou supposée, en matière de développement durable et on ne peut que recommander d'être très vigilant sur ces pratiques.
En effet, dans la mesure où un tel classement se focalise sur le signe, et non sur un produit spécifique couvert par la marque ou une pratique de l'entreprise propriétaire du signe, la reproduction du signe à cette fin est susceptible de porter atteinte à la réputation de la marque et à sa valeur. Une telle pratique tombe sous le coup de l'article L713-5 du code de la PI si la marque est renommée, ce qui est fréquemment le cas sur ces sites ; et il paraît peu pertinent que le citant puisse prétendre bénéficier de l'article L713-6 b) de ce même code, autorisant l'utilisation sous certaines conditions de la marque comme référence nécessaire pour indiquer la destination d'un produit ou service.
Ilec, 36, rue Brunel - 75017 PARIS - © Copyright 2010-2025