De l’homme à l’animal… il n’y a qu’un pas que les affres de la création peuvent nous conduire à franchir lors du choix d’une marque. L’élan naturel nous dirige en effet instinctivement plutôt vers ce qui nous est déjà connu. Les mots et les images constituent un fond d’inspiration privilégié compte tenu des idées ou des évocations qu’ils suscitent. Comment ne pas songer à la puissance des félins en voyant le mot PUMA sur des articles sportifs ?
De l’animal au droit… Le droit des marques jette un cadre sur ce premier élan en fixant des limites à ce qui peut être monopolisé et défendu. La latitude laissée pour choisir une marque représentant un animal et le périmètre de protection dont elle bénéficie méritent de s’attarder sur les stratégies et pratiques actuelles.
Une marque peut consister dans la représentation d’un animal. La distinctivité impose toutefois une approche différente selon que les produits et/ou services sont sans rapport avec le monde animalier ou, au contraire, suivant qu’ils présentent un lien avec les animaux. Dans le premier cas, le public ne perçoit pas les produits et les services concernés à la seule vue de la marque. Il ne s’attend pas davantage à voir des animaux pour désigner des produits de consommation courante. Les marques de vêtements Chipie ou de bijoux Agatha l’ont bien compris en adoptant des représentations spécifiques de chiens comme marques emblématiques.
Les marques représentant des animaux se heurtent en revanche davantage à des difficultés pour leur enregistrement lorsque des produits et/ou services animaliers ou destinés aux animaux sont concernés. La visibilité commerciale alors souvent réduite vis-à-vis des consommateurs se retrouve dans l’approche juridique stricte appliquée à de telles marques. Pour être enregistrées, ces marques doivent s’éloigner significativement de la représentation de l’animal venant naturellement à l’esprit du consommateur ou de celle qu’il peut légitimement escompter pour de tels produits et/ou services.
Le signe choisi doit conduire à une certaine réflexion du public
sans qu’il perçoive immédiatement les produits ou services ou
qu’il n’identifie une de leurs caractéristiques. Dans deux décisions
du 8 juillet 2010, le Tribunal de Première Instance des
Communautés Européennes (ci-après TPICE) a considéré que les
marques Communautaires représentant un chien en classes 18
et 31 et un cheval en classes 18, 25 et 31 n’étaient pas distinctives
car il était très courant de représenter la catégorie d’animaux
à laquelle les produits en cause étaient destinés. Les dessins
concernés n’allaient pas au-delà de la simple silhouette ordinaire
d’un chien et d’un cheval en n’étant pas particulièrement
stylisés et imaginatifs et les animaux demeurant très réalistes.
L’adoption d’un animal comme marque pour ce type de produits
et services reste possible si elle s’éloigne significativement
de l’image courante de l’animal, l’appréciation du caractère
enregistrable ou non s’effectuant au cas par cas au regard de la physionomie spécifique du signe. Le niveau d’éloignement
que doit atteindre le signe pour être enregistré comme
marque variant d’un territoire à l’autre, une stratégie géographique
constitue un axe à privilégier au regard des territoires
d’intérêt réel et de la pratique appliquée. Enfin, une marque
peut intégrer un animal parmi d’autres éléments. La distinctivité
s’appréciera alors sur l’ensemble.
La jurisprudence communautaire a évolué sur la protection des marques représentant un animal. Le TPICE avait retenu le 14 décembre 20061 un risque de confusion entre des signes représentant une tête de cerf vue de face et inscrite dans un cercle formant une médaille au seul motif que visuellement et intellectuellement elle constituait l’élément dominant et commun aux signes. Cette protection extrêmement large relevait davantage du "concept", voire de la protection d’un genre. L’OHMI a appliqué une approche plus raisonnée le 20 mai 20092 en écartant les similitudes entre des marques représentant des pingouins, la seule coïncidence intellectuelle liée à la présence du pingouin n’étant pas suffisante. De même, le TPICE a écarté le 21 avril 20103 la possibilité d’une confusion entre des marques représentant des volatiles compte tenu de leurs différences visuelles, le public pouvant intellectuellement douter de la race exacte de l’un des volatiles qui n’était pas nécessairement un paon.
L’analyse Communautaire ne retient plus une protection à l’égard de toute représentation d’un même animal. Elle s’attache à déterminer les points de contact visuels existant entre les représentations de l’animal en cause.
La position française rejoint l’approche communautaire. L’INPI a retenu le 21 décembre 20074 que la seule circonstance que deux marques représentent un coq vu de profil ne suffisait pas à engendrer un risque de confusion, ces signes différant par leurs nombreux détails, leur style (réaliste pour l’un, épuré pour l’autre), leur représentation (en relief pour l’un, plane pour l’autre) et leur attitude (pâte levée avec un ballon de rugby pour l’un, position droite pour l’autre). Bien entendu, les points de contacts sont parfois tels qu’un risque de confusion existe. La Cour d’Appel de Douai a ainsi posé le 30 avril 20085 que "de deux chiens présentés de profil, debout, tournés vers la droite, tête levée, queue dressée, de proportions semblables, pattes courtes, tête volumineuse, oreilles pointues, museau carré et touffe de poils sous le menton, […] il se dégage une correspondance dans la représentation et la symbolique et que les différences sont difficilement repérables pour un consommateur moyen qui garde en mémoire une image imparfaite et une impression globale de la marque".
La marque peut utilement inclure un terme consistant, évoquant ou dérivant du nom de l’animal (ou sans rapport avec lui !) en vu de s’éloigner d’antériorités identifiées. Bien entendu l’impact que peut avoir cet élément verbal est faite au cas par cas. Dans l’arrêt de la Cour d’Appel du 22 octobre 20086, les magistrats ont considéré que la présence des termes Duolynx Paris et Puma, outre les différences phonétiques auxquels ils aboutissaient entre les signes, impactaient intellectuellement la différentiation des marques, Puma évoquant immédiatement l’animal représenté et ses qualités physiques tandis que Duolynx constituait un néologisme renvoyant au graphisme particulier de la marque qui comporte la représentation d’un lynx et de son ombre.
Les marques représentant des animaux peuvent juridiquement s’apprivoiser par une réflexion en amont au travers des produits et services en cause et du niveau d’éloignement du signe par rapport à l’image habituellement attendue de l’animal. Au-delà de la dis tinctivité, la disponibilité devra alors se mesurer par des recherches d’antériorités circonstanciées. La défense de ces marques est parfaitement envisageable dès lors que les démarches initiées sont mesurées et ciblées de manière raisonnée dans la mesure où la comparaison des signes s’effectue plus strictement que pour les marques d’une autre nature (verbales par exemple).
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