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Revue des marques : numéro 72 - Octobre 2010
 

Marques et savoir-faire Une affaire de succès

Le savoir-faire d'une marque n'est pas seulement de nature technique. Il procède également des actions marketing, publicitaires et commerciales et donne à la marque un avantage concurrentiel spécifique

par Patricia Bismuth*


Patricia Bismuth
Le savoir-faire, dans sa définition classique, est une connaissance pratique, non divulguée au public, de techniques originales non brevetées, qui procure à celui qui la détient un avantage concurrentiel. Traditionnellement, la notion de savoir-faire est rattachée au domaine de la technique. Derrière les marques Chanel ou Baccarat il y a aussi l'histoire d'une entreprise, d'une réussite liée au savoir-faire. Ces marques sont le gage d'une certaine authenticité et qualité du produit. Le savoir-faire technique apporte ainsi à la marque sa légitimité et devient un argument de vente qui sert le savoir-faire commercial. Pour mieux répondre à l'évolution du marché, aux nouvelles méthodes de commercialisation et au développement des rapports entre commerçants, de nouvelles clauses relatives au transfert du savoir-faire commercial ont été intégrées dans les contrats. La transmission du seul savoir-faire technique ne semble plus suffisante pour ériger une marque au rang de marque notoire. Ce savoir-faire procède de la maîtrise et de la mise en place par le titulaire de la marque d'une stratégie de développement, de techniques de vente, de plans de communication et d'une politique de marketing créés autour de la marque.
La dynamique commerciale, l'agencement d'un magasin, le choix des couleurs, la présentation des produits… participent à l'émergence du savoir-faire commercial. Il offre au produit un avantage concurrentiel et lui permet de se différencier des autres marques en ayant une identité facilement reconnaissable. Le savoir-faire commercial transmis aux licenciés, distributeurs, franchisés... permet de maintenir la marque au niveau de l'image recherchée par le titulaire.

Contrat de franchise

Dans le contrat de franchise, le rapport entre marques et savoir-faire est très étroit. Ce contrat peut s'analyser en un contrat de licence appliqué à divers droits de propriété intellectuelle tels que marques, enseignes, noms commerciaux… et à une licence de savoir-faire dotée d'un contrat d'assistance technique. La franchise est la reproduction à grande échelle d'un modèle de réussite commerciale. Par ce contrat, deux parties juridiquement indépendantes s'engagent. L'absence de textes légaux spécifiques laisse au contrat de franchise une grande souplesse. Le contrat de franchise intègre fréquemment la transmission d'un savoir-faire commercial comme garant d'une réussite.
Toutefois, lorsque le savoir-faire est exclusivement commercial, le qualificatif de franchise ne semble pas pouvoir subsister. Ainsi, il a été ainsi jugé que lorsque le contrat porte sur le transfert d'un savoir-faire non substantiel et qui consiste en réalité en des techniques commerciales élémentaires, la qualification de contrat de franchise ne peut être retenue (1). Aussi, le contrat ne peut être qualifié de contrat de franchise quand bien même l'exploitation de la marque est encadrée par diverses conditions et obligations, notamment d'assistance matérielle et technique et du respect de certaines modalités pratiques concernant l'agencement et le matériel du lieu d'exploitation en l'absence d'un réel savoir-faire (2). Toutefois, lorsque le savoir-faire est exclusivement commercial et repose sur des techniques non originales ou succinctes, la qualification de contrat de franchise ne semble pas pouvoir subsister. Un tel contrat relève davantage du régime du contrat de licence, de distribution ou accord de partenariat. Dans la licence de marque et les accords de distribution où l'accord est vertical, sont prévues les conditions dans lesquelles les contractants devront acheter, présenter et revendre le produit. Les techniques de commercialisation ont été définies et éprouvées par le concédant et l'efficacité de la politique commerciale fait partie intégrante du savoirfaire commercial. Au risque de requalification en franchise, le transfert d'un savoir-faire technique n'est pas à intégrer dans ce type de contrat.

"Le savoir-faire technique apporte à la marque sa légitimité et devient un argument de vente qui sert le savoir-faire commercial."

Protection et défense du savoir-faire

Le savoir-faire devra être consigné par écrit et il sera stipulé qu'au terme du contrat, le co-contractant ne pourra plus l'utiliser. La validité de cette clause dans les contrats de franchise est admise, même pour une durée indéterminée, par l'article 5-b, du Règlement n° 2790/1999 du 22 décembre 1999. Le savoir faire commercial détient son importance économique des efforts financiers, publicitaires, stratégiques et des apports intellectuels du titulaire de la marque. Or, il sera difficile d'obtenir de l'ancien partenaire qu'il fasse abstraction de la formation reçue et de l'assimilation de techniques de vente qui lui auront procuré un avantage concurrentiel.
En matière de preuve, il est plus aisé de faire sanctionner la poursuite de l'usage d'un savoir-faire technique que d'un savoir-faire commercial. Au plan juridique, la poursuite de l'usage du savoirfaire sera sanctionnée sur le fondement du non-respect des obligations contractuelles suivant les articles 1134 et 1147 du code civil ; sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil par une action en concurrence déloyale reposant sur l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public et/ou par une action en concurrence parasitaire reposant sur la circonstance selon laquelle une personne, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements lui ayant procuré un avantage concurrentiel (3). Lorsque le savoir-faire commercial est primordial et intrinsèquement lié au succès de la marque, la poursuite de son usage portera atteinte au signe distinctif puisque le public continuera d'identifier la marque au produit même en l'absence de toute reproduction. Reste que l'action en contrefaçon (4) ne sera pas recevable si la marque n'a pas été reproduite, imitée ou altérée.

Notes

* Conseil en Propriété Industrielle, membre de la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle.
1 - Cour d'appel Montpellier - Ch.2 Section A - 22 février 2005
2 - Cour d'appel de Versailles - Ch.12 Section 2 - 7 mars 2002
3 - Cour d'appel de Paris 4e Ch. Sect. A 1er janvier 2088 - Cour de Cassation Ch. commerciale 18 mai 2010
4 - Articles L713-2, L713-3 du code de la propriété intellectuelle
Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
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