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Revue des marques : numéro 72 - Octobre 2010
 

Le développement durable, pour une fidélité durable

La fidélité aux marques peut être renforcée par le développement durable en impliquant salariés et consommateurs.

Par Xavier Moisant*

Xavier Moisant
"Les entreprises et le grand public ont un problème commun, l'avenir de la planète. Et c'est ensemble qu'ils doivent trouver des solutions", explique Ganaël Bascoul, professeur à l'ESCP-EAP(1). "Ainsi, EDF ou Gaz de France conseillent leurs clients à travers des diagnostics personnalisés pour qu'ils dépensent moins d'énergie, et les marques de lessive éduquent les utilisateurs pour qu'ils utilisent moins de produit", remarque le chercheur, "cette démarche a priori paradoxale, favorise l'adhésion et la fidélité à la marque". Le développement durable est rarement une politique de transformation de l'entreprise. C'est le plus souvent un aménagement, au mieux, un correctif d'un business model qu'on refuse de faire évoluer et ce correctif est érigé en exemple souvent moralisateur. Au pire, est mis en place un lifting cosmétique de l'image de l'entreprise : la campagne Beyond Petroleum montre dramatiquement toute son hypocrisie pour BP dans le Golfe du Mexique. Pourquoi les entreprises vivent-elles le développement durable comme une contrainte et non comme une opportunité de renforcer leurs liens avec leurs consommateurs, par exemple ?

Des entreprises comme La Poste ont commencé à mettre en oeuvre des politiques de sourcing (vêtements), des politiques de formation impliquant ses salariés (éco-conduite). Une politique de développement durable intelligemment menée peut amener une entreprise à réaliser des économies (énergie, matières premières) en impliquant ses salariés. Ainsi, Monoprix mobilise un réseau d'une quinzaine de collaborateurs volontaires : les acteurs relais(2) sont les ambassadeurs du développement durable au sein de l'entreprise. Dans ce programme, il manque les consommateurs. Pour une entreprise, l'enjeu est de mettre en place de telles stratégies à la fois en interne mais aussi en externe. Comment une entreprise pourrait-elle associer ses consommateurs ? Toms(3) est fondée sur un contrat clair : une paire achetée, une paire offerte à un enfant. Des entreprises se sont créées sur un approvisionnement équitable en matières premières dans des secteurs très variés (alimentation, textile) mais l'innovation est venue de nouvelles entreprises. Les entreprises existantes, statutaires évoluent très doucement via des lignes, aménageant à la marge leur business.
"Le développement durable est le plus souvent un aménagement, au mieux, un correctif d'un business model qu'on refuse de faire évoluer et ce correctif est érigé en exemple souvent moralisateur."

Quelle entreprise change son modèle économique en impliquant salariés et consommateurs ? Michelin a développé un programme (Fleet solutions) remettant en cause son modèle traditionnel en misant sur l'entretien des pneus plutôt que le renouvellement pour améliorer l'impact écologique de sa production mais l'équipementier reste un acteur isolé du secteur automobile dans cette voie. Par ce programme, Michelin permet aux transporteurs de réduire leur consommation de carburant et l'optimisation des pneumatiques permet d'en augmenter la longévité et donc de réduire la consommation de gomme. Alex Bogusky, cofondateur de Crispin Porter + Bogusky, a publié sur son blog(4) un billet sur la consigne obligatoire des bouteilles quand il était jeune. Pour diverses raisons, les industries des sodas et des eaux en bouteille ont poussé à la généralisation de la production et de la consommation des bouteilles en plastique. Le bilan environnemental des bouteilles en plastique est catastrophique par rapport à un système de consigne. Un système de consigne crée une relation de fidélité très forte entre une marque et ses consommateurs. Ceux-ci doivent ramener les bouteilles, cela crée des opportunités de contact et une relation très puissante. Dans certains pays, ces systèmes de consignes continuent d'exister, imposés par la législation et dans une continuité culturelle. Il faudrait étudier précisément l'impact écologique et économique de ces dispositifs et cela donnerait des pistes pour sortir du plastique jetable à usage unique.

Deux produits dans l'univers de la grande consommation, les pneus et les boissons, peuvent faire évoluer leur business vers une plus grande prise en compte des besoins en développement durable de nos sociétés. Ces démarches demandent du courage et de la détermination de la part des dirigeants, elles engendrent des modifications dans le fonctionnement de l'entreprise (développement des services, gestion de la consigne des bouteilles) qui impliquent les salariés et les consommateurs. Des expérimentations comme le SOL(5) ouvrent des perspectives via des systèmes d'échanges complémentaires, non-marchands, non-monétaires. L'innovation des entreprises doit être plus large qu'une innovation produit, elle doit interroger son modèle même et y associer ses employés et ses consommateurs.

Notes

* co-fondateur de Gobilab (entreprise créative et participative proposant des alternatives écologiques et économiques aux produits jetables et aux services individuels générateurs de pollutions).
1 - http://www.ccip.fr/nom_rewrite-176/rubrique-debats/num_article-92.htm
2 - http://www.monoprix.fr/groupe/developpement-durable/demarche.html
3 - http://www.toms.com/
4 - http://alexbogusky.posterous.com/remember-when-plastic-bottles-were-against-th
5 - http://www.sol-reseau.org/
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