Il existe, à mon sens, un véritable déterminisme de marque : son ADN, son système de référence, ce qui la construit et qui fait que chaque marque est singulière. Cependant la course au profit de court terme (le R.O.I) va progressivement à l'encontre de la construction de celle-ci sur le moyen et long terme. La vie de la marque est faîte aujourd'hui d'un ensemble d'actions, de faits et gestes plus ou moins cohérents qui rencontrent une logique de course à "l'entertainment", isolé dans la construction d'une relation, alors que sur le plus long terme, il s'agit de nourrir et scénariser. Dans ce "nouveau monde" consumériste fait de réseaux, de relations et de conversations, la marque qui impose et qui confère un statut au consommateur (par exemple, le dépassement de soi) n'est plus le paradigme de référence. C'est à l'aune de la qualité de la relation qu'entretient la marque avec son consommateur que se construit aussi la préférence à la marque. Car cette relation est plus que jamais concurrentielle.
Il faut du temps pour construire une relation. Mais le temps, c'est de l'argent… On est par conséquent passé à l'ère de la relation où les marques doivent se faire choisir (le propre des challengers) en nourrissant sans cesse la relation de contenus qui devraient, pour créer de la préférence de marque, être cohérents sur le long terme et impliquant au plan émotionnel. Tiraillées entre le temps court "real time to market" et le temps long de la construction d'une relation, les marques sont prises dans l'étau de ces temps qui ne leur appartiennent plus toujours et qu'elles ont de plus en plus de mal à contrôler ou à assumer.
La préférence de marque créée-t-elle de la fidélité ? Comment se faire préférer à l'autre ? En créant une relation, en dominante, plus émotionnelle. Certains parlent de marketing des émotions. Erreur ! On ne peut pas forcer quelqu'un à vous aimer. En revanche, on peut développer des stimuli qui vont stimuler la relation via un registre plus émotionnel et par conséquent créer de l'agrément voir de l'attachement. Ce qui mène à la notion de préférence. Une relation concrète et charnelle crée plus de préférence. Certaines études comme Brand Sense de Millward Brown démontrent que les marques qui savent activer également rationnel (prix, produits, distribution, …) et irrationnel (valeur symbolique de marques, sensorialité dans la relation, évocation…) ont, de la part de leurs consommateurs, plus d'attachement. Ces consommateurs sont plus fidèles à ces marques préférées et consacrent un panier moyen plus élevé.
Tant qu'on aime, on ne compte pas… On remarque d'ailleurs que ce sont les marques qui développent le plus de sens chez le consommateur qui ont le plus d'implication et d'attachement de sa part. On remarque aussi que certains sens stimulent mieux l'imaginaire via le registre émotionnel que d'autres. Ceux-ci (odorat et son) font appel à l'expérience vécue par une évocation. C'est le propre d'une expérience de marque. On peut noter que c'est pour cela que l'événementiel se porte de mieux en mieux car dans cette relation, il est profondément humain de se rencontrer et de partager quelque chose. La relation fait aussi la marque.
Une relation transparente et honnête crée du lien et de l'infidélité. La dimension du nouvel espace public connecté est un vecteur extrêmement important de la fidélité et de l'infidélité aux marques. Il leur permet de se construire en marques "sociales" et ainsi de rentrer en conversation avec les consommateurs.
Au-delà de la relation où chacun se fait une opinion. Où le consommateur et les marques sont des citoyens à part entière de ce nouvel espace public avec ses codes et ses règles. On passe de la notion de notoriété et d'image à la notion de réputation. Cet espace public est l'espace potentiel de l'infidélité d'un consommateur qui est polygame par nature. Mais c'est aussi l'espace où se joue la fluidité de la relation. Car communiquer c'est avant tout se mettre en relation à l'autre. On remarque que c'est un véritable moyen de gestion de la crise car ce n'est pas quand tout va bien que l'on voit sur qui on peut compter (par exemple la gestion de crise des compagnies aériennes lors de l'explosion du volcan). Et c'est dans ces moments que se renforcent les liens.
Comment fidéliser un consommateur qui par la nature de son écosystème aura plusieurs partenaires et où le principe de liberté (de consommation) se traduit par la polygamie ? Le choix mène nécessairement à l'infidélité. On voit d'ailleurs se densifier "l'hyper-segmentation de l'offre" mot grossier pour dire qu'il y a beaucoup trop de produits qui se ressemblent au détriment d'innovations et de la construction de singularité d'expression de marque, d'offres (par exemple quatre cents produits cosmétiques lancés dans l'année 2009). Où l'on voit se dessiner, dans un contexte de mondialisation, une concentration des marques-entreprises dans chaque secteur d'activité.
Alors qu'il est important de développer le capital immatériel et symbolique de la marque. Dans un contexte de crise et de perte de sens, une grande partie de la valeur de chaque marque est immatérielle et hautement symbolique. Les critères de valorisation de celles-ci ne prennent pas assez en compte ce système de valeur. Redonner tout son sens à ce principe de valeur, c'est travailler la singularité d'expression, développer les évocations sur le long terme. L'évocation, c'est la capacité, dans la relation, d'impliquer et de faire voyager les consommateurs entre la nostalgie (pour le passé) et le plaisir (pour le présent). Encore faut-il, que l'histoire et la vision ne soient pas trop oubliées. Être choisi pour sa singularité est un élément de conquête mais aussi une graine de fidélité. Et peutêtre ne faut-il pas songer à se marier pour la vie à une marque mais tout simplement se "pacser" en proposant un contrat aux consommateurs. Par exemple, le contrat de confiance que propose une marque comme Darty. Albert Jacquard nous dit que "la vie se nourrit de la diversité", les consommateurs aussi. Une relation inclusive et impliquante vaut peut-être mieux qu'une relation exclusive.
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