La mise à disposition de contenus éditoriaux (gratuits ou payants) modifie d'abord la nature de la relation aux marques. Le contenu élargit la relation au-delà de la dimension marchande. La plupart du temps, nous n'entretenons avec les marques que des relations d'achat. Les "programmes relationnels" définis par les entreprises portent essentiellement sur cet aspect là : le prix, les points fidélités,… Ce n'est pas forcément inintéressant ou dégradant, mais ce type de relation reste limitative, un peu comme lorsque nous disons que nous avons des "relationsprofessionnelles" avec quelqu'un pour bien faire comprendre que ce n'est pas un ami. La dimension commerciale reste une base très étroite pour établir un contact, bâtir une relation dans la durée qui puisse résister aux aléas. Aborder la relation uniquement sous cet angle freine les possibilités des'adresser à des prospects qui seraient déjà satisfaits des prestations d'un concurrent et fragilise la relation avec ses clients volages uniquement intéressés par le prix et le service.
Le contenu est un moyen exceptionnel d'élargir ce lien et de le rendre du même coup plus solide, plus affectif, plus profond. En proposant un contenu documentaire réalisé avec des scientifiques sur la façon dont les bébés perçoivent le monde dans le ventre de la mère, la marque Pampers fait tout autre chose qu'adresser un message publicitaire consacré aux performances d'une couche culotte. La marque engage un dialogue, invite à une relation de proximité. Elle multiplie les points de contact psychologiques avec la cible en s'adressant à lamère, à la personne entière et non unique mentàl 'achete use de couches.
Elle fait un don et entre en relation avant même que le bébé soit né. Comme toute vraie relation humaine, le contenu a un intérêt ensoi, indépendamment de l'achat (nous disons que le contenu doit être intéressant avant d'être intéressé, comme toute relation durable d'ailleurs). Cette relation peut en outre s'installer dans la durée avec unediffusion progressive deplusieurs contenus envoyés tout au long de la grossesse.
Le cas Nespresso est un autre exemple de la façon dont les contenus favorisent une relation plus authentique et l'accès aux marques.Un classique de la publicité consiste à associer un produit à une grande star, comme George Clooney. Ce modèle a de nombreux avantages pour émerger, créer de l'intérêt, établir un contact. Mais il faut avouer qu'il est difficile d'espérer avoir une relation avec l'acteur, qui est inaccessible. Une des techniques consiste à mettre en scène des anonymes ou des "vrais gens" comme dans la dernière campagne de Microsoft pour le lancement deWindows 7 qui crée un sentiment de proximité avec le consommateur. On se dit que le client "se reconnaîtra". Ces tentatives ont cependant souvent quelque chose d'artificiel (et les consommateurs n'en sont pas dupes) car ces gens restent des anonymes, sans l'épaisseur psychologique minimum qui nous ferait chercher en relation avec eux. Ils ne sont pas des personnes, ils sont personne, nobody. Le contenu de marque est un moyen de donner chair à des vraies personnes, de présenter leur parcours et d'offrir une plus grande surface de projection. Le site Nespresso propose d'aller à la rencontre de ses experts, comme Alexis, responsable café vert ou encore Juan Diego, a gronome et producteur au Costa Rica, qui nous expliquent avec passion leur métier, leurs méthodes, leurs gestes.Ces interviews favorisent une relation plus riche car assise sur de multiples ancrages( histoire, philosophie, gestuelle, éthique, agriculture, etc.). Les marques emploient trop souvent le nomde "relations" de façonabusive, pour qualifier de simples contacts ou des rapports limités. Au contraire, nos relations amicales, amoureuses ou sociales sont multidimensionnelles (affinité psychologique, goûtsartistiques, soutien dans l'adversité, communauté de valeurs…) et elles évoluent au fil du temps. Lorsqu'un lien se brise, il y a d'autres branches auxquelles se raccrocher si on le veut. En expliquant mieux les intentions et les passions de la marque, en donnant la parole aux hommes et aux femmes qui la font, grâce à une production éditoriale parfois très riche, le brand content permet de réunir quelques-unes de ces conditions minimales qui permettent de parler d'une relation digne de ce nom. Louis Vuitton est passé maître dans cette discipline, avec une grande diversité de supports, livres, films et interviews sur le thème du voyage. Sur le site journeys. louisvuitton.com, lorsque Catherine Deneuve nous raconte sa joie de rentrer de voyage en apercevant les cèdres du Liban de Roissy, lorsque Keith Richards nous donne sa recette de la tarte aux oignons, ce sont autant de "petits faits vrais",qui apportent une crédibilité et ouvrent la voie à une empathie et à une relation potentielle avec la marque commemédiatrice de rencontres. Les interviews des créateurs créent aussi un lien très fort avec les marques. Lorsque Hermès interviewe, sur son site, Jean-Claude Elena, le "nez" de la maison, sur les secrets de fabrication du parfum Calèche, ses hypothèses de travail, l'odeur des ateliers de cuir, il multiplie les liens à la marque (l'origine du parfum,la personnalité de son créateur, la connexion avec l'univers Hermès, etc.) à partir desquels chacun pourra se projeter. C'est ce qui fait qu'une vraie relation a toujours quelque chose d'unique : la multiplicité des paramètres en jeu implique que nous avons chacun – et pensons avoir – une relation unique avec notre entourage. En multipliant les points d'accès à la marque, celle-ci déploie un réseau qui permet à chaque consommateur d'imaginer qu'il emprunte un chemin unique vers elle, qu'il en a sa vision personnelle, loin du discours standardisé qualité / prix.
La création d'un contenu par les marques leur permet également de créer une relation directe, qui ne passe plus (ou moins) par l'intermédiaire d'un tiers (médias traditionnels, site d'achat) et que les marques peuvent contrôler. Habituellement, il n'y a que dans la boutique ou sur le site de la marque que le consommateur peut entretenir un rapport direct avec elle. Il reste que ce rapport est ponctuel et qu'il faut une raison de se rendre en boutique (achat, événement spécial) ou sur le site. La mise à disposition d'un contenu intéressant par la marque lui permet d'attirer son public sur des supports qu'elle maîtrise totalement. La marque construit sa propre actualité éditoriale et impose en partie son calendrier. C'est le cas par exemple du lancement pour LadyDior d'un mini film Lady Noire, suivi quelques mois plus tard d'un clip Lady Rouge avec une chanson composée par Franz Ferdinand. Les marques ne sont pas toutes capables de créer des audiences fortes. Mais celles qui le peuvent s'appuient sur la création d'un contenu autonome pour maîtriser la qualité de l'interaction, instaurer un vrai dialogue en face-à-face, dans le temps, au lieu d'une interaction par-dessus l'épaule d'un intermédiaire dans un environnement plus ou moins pollué par le bruit extérieur. La création d'une relation directe permet d'internaliser toute une série d'informations relatives à sa clientèle (durée de fréquentation, profil des visiteurs, impact sur les ventes, courriels qui viennent enrichir les bases de données) et de se servir du contenu comme levier pour une meilleure compréhension des consommateurs. Les données relatives à la fréquentation du contenu sont intéressantes pour les marques, puisqu'elles donnent des informations sur les éléments les plus appréciés, les informations recherchées, etc.
Une relation n'est pas une simple succession de contacts. Nous ne disons pas que nous avons une relation avec quelqu'un qui nous relance périodiquement avec les mêmes formules stéréotypées pour renouveler un abonnement au gaz. Or c'est cela même le fonctionnement de la publicité : un contact ponctuel et précaire à renouveler à chaque fois. Une vraie relation suppose de pouvoir établir un lien suivi entre les différents contacts dans une histoire continue. On ne redémarre pas de zéro à chaque fois que l'on se croise : on se reconnaît. Nous disons alors que nous avons "de vieilles relations" ou des "relations suivies" (le mot latin relatio ne signifie-t-il pas "histoire", "récit" ?). Lorsqu'il prend la forme d'une saga ou d'une histoire comme dans les cas Leroy Merlin, Lady Dior ou Vuitton, le brand contentpeut atteindre ce niveau relationnel. Les maisons de luxe regorgent de contenus potentiels sur l'histoire de leur métier, leur savoir faire et leur marque. Mais cette richesse de contenus reste inconnue dugrand public :la presse peut difficilement en rendre compte,seuls les initiés peuvent y avoir accès. La mise à disposition de documents inédits, interviews de créateurs, reportages sur les métiers est une opportunité unique de créer des accès réguliers aux coulisses de la marque, de pénétrer l'envers du décor.
Toute vraie relation est réciproque. Le lien sera d'autant plusfort si un partage se crée autour des contenus, si le public peutlui-même participer à leur création ou s'en servir pour enrichirses relations à lui. De plus en plus de marques mettent leurscontenus à disposition des réseaux sociaux afin que lesconsommateurs puissent les commenter et échanger à leursujet. Le contenu devient un ingrédient indispensable à l'animationde ces réseaux. Le cas Axe Muchas Maracas l'illustrebien. Il s'agissait de lancer une danse de l'été 2009 avec unechanson originale "Qui a les plus grosses maracas ?" et un clipavec chorégraphie. Le clips'est hissé très vite entête des vidéossur Youtube et surtout, les gens se sont réappropriés la chorégraphie:ils l'ont dansée dans les campings, les fêtes de fin d'année,en se filmant eux-mêmes et postant leurs vidéos sur lesplateformes de partage. C'est la force du bon contenu: il est réappropriéet se dissémine partout sous des formes imprévisiblesau départ. Des entreprises comme Eyeka se sont spécialisées dans l'appelà projet en s'appuyant sur un réseau de volontaires motivéspour contribuer et nourrir la marque en contenus. La communautéEyeka était invitée dernièrement à réaliser des vidéossur le thème de l'hybride pour tous (pour la marqueHonda).Les contenus peuvent être le pivot d'un échange renforcé entrela marque et les consommateurs. La marque Audi souhaitaitanimer sa relation client et nourrir son programme de fidélisationen offrant aux propriétaires d'un véhicule Audi descontenus exclusifs de qualité. Après le succès de l'opérationmenée par Béatrice Ardisson "Takeme for a ride" avec DDBEntertainment, la marque a signé en avril 2009 un partenariat annuel avec UThink!, filialed'Universal Music. L'objectif decette association est pour Audi d'obtenir des contenus de hautequalité et de pouvoir les offrir à ses clients privilégiés. La plateforme www.myaudi.fr réservée à trentemille membres parmiles clients les plus fidèles de la marque donne accès à des programmesmusicaux inédits (coulisses de concerts, clips enexclusivité, vidéos rares, interviews, etc.). La marque peut, enoutre, offrir des invitations VIP à des concerts et des événements privés.Le partenariat couvre également la troisième édition du programme Audi Talents Awards avec Thomas Du tronccomme membre du jury pour l'année 2009.
Enfin,le contenuéditorial est aussi un moyen légitime de justifierune prise de parole, d'appuyer une politique de relance,de CRM. Les experts insistent sur l'importance du dialogue etla nécessité qu'ont les marques d'engager des conversationsau lieu d'asséner leurs monologues à des cibles passives. Encorefaut-il avoir des sujets de conversation. Lorsque lesmarques peuvent s'appuyer sur la parution d'un magazine,de films,de journaux,offrir un contenu intéressant pour leurpublic,elles détiennent un moyen de s'adresser aux consommateursd'une façon naturelle et spontanée. Du moins enthéorie, car le plus difficile reste à faire :définir une ligne éditoriale,une offre de programmes, des contenus adaptés àchaque marque, au cas par cas, dans la durée. C'est probablementle nouveau chantier de la communication.
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