Francesco Tortora : Le groupe, créé en1837, a d'abord connu l'internationalisation (expansion dans un nombre croissant de pays), puis la régionalisation ( avec par exemple la création d'un siège européen àGenève) dans les années1990, et enfin la globalisation, depuis les années 2000. Notre axe de croissance stratégique est de nous focaliser sur nos principales marques, sur nos principaux marchés et avec nos principaux clients, en utilisant comme atout majeur nos marques milliardaires, qui peuvent apporter rapidement de la valeur, aussi bien aux consommateurs qu'à nos partenaires de la distribution. Les économies d'échelle jouent un rôle crucial pour plusieurs raisons. Sur le plan de la recherche et du développement, nous concentrons nos moyens sur quelques projets phares de marques clés dotées d'un fort potentiel, donc avec un fort impact, plutôt que de disperser nos forces en plusieurs petits projets isolés. Au total, huit mille chercheurs travaillent dans vingt sept centres de R&D dans le monde. En 2008, plus de 2,2 milliards de dollars (2,7 % du chiffre d'affaires total) ont été investis en R&D. Par ailleurs, nous rencontrons chaque année cinq millions de consommateurs de tous pays et nous dépensons 300 millions de dollars en études, pour mieux connaître leurs attentes et leurs besoins.
Un autre domaine où la globalisation est pertinente est celui de la stratégie marketing. Quand on est présent dans plusieurs pays, on est confronté à des contextes très divers. C'est pourquoi nous sommes attachés à recueillir l'avis de nos consommateurs partout où nous sommes présents. Mieux les connaître, c'est être plus crédible dans notre discours vis-à-vis d'eux. Notre présence dans de nombreux pays nous permet aussi de tester plus d'innovations, ce qui accroît d'autant notre potentiel d'apprentissage et d'expérience, dans des situations locales très différentes. Les erreurs que nous commettons parfois sont elles aussi sources d'enseignements.
Enfin, notre taille est un avantage sur le plan de la commercialisation. En raison de la dimension internationale de beaucoup de nos marques, nous disposons de plus gros budgets qui peuvent faire d'une bonne idée une très belle idée. Davantage de consommateurs peuvent la voir, nous pouvons mettre en place des plans de communication complets, dits à 360 degrés, et créer le cercle vertueux qui alimente de nouveaux succès.
Vendues en France: Actonel, Always, Ariel, Braun, Duracell, Fusion, Gillette, Head&Shoulders, Mach3, Pantene, Pampers, Pringles, Oral-B, Wella.
Hors de France: Bounty, Charmin, Crest, Dawn, Downy, Fairy, Iams, Olay, Tide.
Evolution du chiffre d'affaires
1859 : P&G dépasse pour la première fois 1 million de dollars.
1956 : 1 milliard de dollars.
1980 : 10 milliards de dollars.
1989 : 20 milliards de dollars.
2002 : 40 milliards de dollars.
2009 : 79 milliards de dollars.
Les grandes dates des implantations et des acquisitions
1837 : Création de P&G par James Procter et William Gamble à Cincinnati (Ohio, États-Unis).
1915 : P&G s'implante pour la première fois en dehors des États-Unis en ouvrant une usine au Canada (Ontario), qui emploie soixante-quinze personnes.
1930 : P&G s'installe pour la première fois hors du continent américain en achetant Thomas Hedley & Co. Ltd.
1954 : P&G commence son activité en France et installe sa première usine àMarseille, sur un site acheté à Fournier Ferrier.
1963 : Le "Centre technique européen" ouvre à Bruxelles.
1973 : La société fabrique et vend ses produits au Japon.
1988 : P&G s'implante en Chine.
1991 : P&G étend ses activités en Europe de l'Est et s'installe en Tchécoslovaquie. Suivent la Hongrie, la Pologne et la Russie, la même année.
2001 : P&G achète les parfums Jean Patou et signe un accord de licence avec Lacoste pour la commercialisation des parfums et produits de beauté.
2003 : Procter&Gamble consolide ses positions sur le marché de la beauté avec l'acquisition de Wella (soins capillaires professionnels) et de Valentino (licences de parfums).
2005 : Acquisition de Gillette.
Francesco Tortora : Notre portefeuille de marques nous donne un champ d'action large, sans équivalent chez nos concurrents. Des connexions peuvent se créer entre nos catégories de produits. Ainsi, la mise au point des lingettes, qu'elles soient pour le soin du bébé ou l'entretien de lamaison, est née d'une conjonction de notre expertise dans les domaines de la cosmétique, de la détergence et du papier. Être présents sur plusieurs marchés et dans de nombreux secteurs nous aide à amortir la crise, en diversifiant les risques de manière saine. Enfin, quand on réalise 79 milliards de dollars de chiffre d'affaires (année fiscale 2008-2009), on dispose d'une marge de manoeuvre réelle en termes d'indépendance.
Francesco Tortora : La réflexion sur le lancement de produits se fait par catégorie. Un département au niveau mondial identifie très en amont les opportunités sur le plan global. Ensuite, le lancement ne se fait pas forcément dans tous les pays au même moment. Il peut s'effectuer en plusieurs vagues. Mais dans tous les cas, notre objectif est de déployer aussi vite que possible une innovation dans le plus grand nombre de pays, pour en faire bénéficier le plus grand nombre de consommateurs. Ainsi, nous avons lancé Downy Single Rinse (une lessive qui utilise moins d'eau) au Mexique, puis l'avons étendue à douze autres pays, dont le Pérou, la Chine ou les Philippines. Même chose avec Naturella, une protection féminine créée spécifiquement pour les consommatrices à faibles revenus d'Amérique latine, étendue ensuite à l'Europede l'Est. Chaque lancement a vocation à être mondial. Chaque nouvelle idée doit trouver un écho global.
Francesco Tortora : Cela dépend. Ces dernières années, la création de marques milliardaires s'est accélérée. En moins de dix ans, Procter & Gamble en a plus que doublé le nombre : dix en 2001, vingt-trois en 2009. L'expansion des marques va plus vite. Ainsi, il a fallu attendre seize ans pour que la marque Always, lancée d'abord aux États-Unis, arrive sur le marché français. Au contraire, le nouveau shampoing Head & Shoulders, lancé en 2008 (nouvelle formule et nouveau conditionnement), a conquis cent quarante pays en neuf mois! Et Fusion de Gillette est devenue une marque milliardaire en moins de deux ans, ce qui est un record!
Francesco Tortora : La réflexion sur notre portefeuille de marques se fait en permanence. Il n'y a pas de marques intouchables. Nous nous focalisons cependant sur les marques milliardaires et sur celles en passe de le devenir, qui représentent 85 % de notre chiffre d'affaires. Ensuite, il est normal que nous cherchions à faire des choix de rationalisation.
Francesco Tortora : La stratégie de Procter & Gamble est de développer des marques mondiales, c'est-à-dire un même nom pour un produit partout dans le monde, comme pour Swiffer, Febreze ou Pringles. Néanmoins, il existe des exceptions, liées aux acquisitions de marques possédant une forte notoriété locale: c'est le cas du liquide vaisselle Fairy en Grande-Bretagne.
Francesco Tortora : Là aussi, notre volonté est d'avoir une communication homogène. Les champions mondialement connus que sont Roger Federer, Thierry Henry et Tiger Woods sont présents dans nos communications partout à travers le monde. Néanmoins, nous recourons à une personnalité locale si cela fait sens pour la marque. Ainsi, Head & Shoulders a choisi le joueur de tennis français Richard Gasquet pour sa dernière campagne. Dans tous les cas, c'est le consommateur qui nous inspire et guide notre démarche. Nous sommes à son écoute pour répondre au mieux à ses attentes et lui apporter les produits dont il a besoin au quotidien, et qu'il aura envie d'acheter.
Francesco Tortora : Depuis 2000, Procter&Gamble amis en place une politique ambitieuse de collaboration avec des chercheurs et experts du monde entier, au moyen de notre plateforme d'innovation ouverte "Connect +Develop". En 2008, 42% des innovations de l'entreprise ont été réalisées avec l'intervention d'un partenaire externe. L'objectif est d'atteindre 50 % d'ici à 2010. L'extérieur est riche d'idées nouvelles, les réseaux en ligne fédèrent près de neuf mille universitaires avec lesquels nous pouvons engager des conversations sur les innovations de demain. En recherchant des relations fondées sur l'intérêt partagé, P&G peut ainsi démultiplier ses capacités, pour servir mieux et plus rapidement les consommateurs. L'innovation doit venir aussi des acquisitions : Gillette nous a beaucoup appris en termes de commercialisation, par exemple.
F.T.: Nous sommes entrés de plain-pied dans l'ère du digital et de l'interactivité. Le consommateur est notre boss, c'est lui qui fait le succès de nos produits. Le dialogue en ligne ouvre de nouvelles opportunités pour des relations durables entre les consommateurs et nos marques. Nous sommes au début d'une ère et avons beaucoup de projets dans ce domaine!
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