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Revue des marques : numéro 67 - Juillet 2009
 

Le plaisir alimentaire, une revendication éternelle

Pour répondre à la demande croissante du fait maison, de l'authentique et de la naturalité, les marques doivent renouer avec leurs recettes originelles et être plus transparentes.

Entretien avec Patrick SEROG, médecin nutritionniste(*). Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.




Le discours alimentaire se focalise beaucoup sur la santé, les valeurs nutritionnelles. Reste-t-il de la place pour le plaisir, un peu diabolisé ?

Le plaisir alimentaire, une revendication éternelle
Patrick Serog : Le plaisir est une revendication permanente dans l'univers des marques, toujours en première place. Même avec des aliments connotés santé, le plaisir est aussi espéré par le consommateur, qui ne peut pas manger des choses qui ne lui plaisent pas. La nature humaine est ainsi faite ! La diabolisation d'un certain nombre d'aliments relève du même processus que celui qui consiste à rechercher un coupable en période de crise. Quand nous ne comprenons pas certains phénomènes, nous nous tournons vers Dieu et, s'il ne peut résoudre le problème, nous nous tournons vers un coupable qu'il faut châtier. Il faut beaucoup d'éducation à l'être humain pour lutter contre ses démons.

Le discours des marques aide-t-il à clarifier et à rassurer ?

P. S. : Les marques ne sont pas transparentes, en raison de la peur de raconter comment est fait le produit et ce qu'il contient. Ainsi quand le législateur nomme les additifs par des lettres, sous le prétexte de simplifier les noms, il rend plus opaque le paysage alimentaire. Plus on met d'ingrédients dans une recette, plus le consommateur a du mal à comprendre. Aussi lesmarques cherchent-elles, aujourd'hui, à éliminer de leurs produits le maximum d'additifs. Soulignons également que la multiplication des produits alimentaires ajoute à la confusion.

Le consommateur connaît-il ses besoins ?

P. S. : Non, le consommateur a l'impression qu'on lui cache des choses par rapport à son vrai besoin, qu'il a du mal à connaître. La publicité des marques l'appelle à consommer en vantant les qualités de tel ou tel produit sans le conduire pour autant à savoir s'il en a vraiment besoin. L'ignorance des vrais besoins, la multiplication de l'offre et l'augmentation de l'obésité participent donc de la diabolisation.

Surpoids ou obésité ?

P. S. : Pour comprendre ce phénomène, il faut se remémorer les trois grandes périodes de notre histoire alimentaire depuis les années 1950. La première fut, au sortir de la guerre, celle de la nécessaire abondance, où l'huile avait par exemple une place très importante par sa quantité énergétique. Une deuxième période court à partir des années 1970, durant laquelle on constate qu'onmange trop car on développe des maladies cardiovasculaires. Le cholestérol devient l'ennemi numéro un. C'est ensuite sur le sucre que les critiques se tournent, en raison du diabète.Troisième temps, à partir de 1985, la question du surpoids et de l'obésité, conséquence d'un changement profond de la société, marquée par une plus grande sédentarité, une multiplication des produits proposés aux consommateurs, une croissance de la consommation, une augmentation de la densité énergétique des aliments malgré la présence de produits allégés. Nous mangeons trop par rapport à notre dépense énergétique qui n'est pas extensible. Surpoids et obésité concernent 50 % de la population française !

Comment analysez-vous le retour au fait maison ? Quelles conséquences pour les marques industrielles ?

Le plaisir alimentaire, une revendication éternelle
P. S. : C'est une tendance qui va durer plusieurs années. Le retour à des produits naturels s'explique par la complexité du monde alimentaire et par l'absence de transparence. Les grandes marques sont les mieux placées pour relever le défi en simplifiant les recettes, en changeant les procédures techniques.

 Que pensez-vous de l'enrichissement de certains produits en oméga 3, en probiotique ?

P. S. : Enrichir systématiquement les produits n'est pas une bonne solution. En revanche, on peut restaurer un produit qui aurait perdu une partie de sa substance lors du processus de production. Mais on ne sait pas si, en ajoutant telle vitamine, on a le même effet sur l'organisme que si elle était contenue dans l'aliment.

Ce qui donne du plaisir serait-il mauvais pour la santé ?

P. S. : Non, bien sûr, c'est totalement faux. Ce qui compte, c'est l'équilibre de vie,différent pour chacun d'entre nous. Il faut donc le trouver à l'intérieur de soi-même. Lors de l'enquête réalisée pour notre livre Savoir manger, le guide des aliments, Jean-Michel Cohen et moi-même avons été surpris de voir ce que des jeunes couples achètent dans les hypermarchés pour leurs repas, qui prennent vite la forme de snacking. Le corps n'est pas préparé à ce type de consommation.

Comme transmettre les traditions culinaires, le savoir-manger ?

P. S : Les marques, particulièrement les marques anciennes au sens historique du savoir, ont le devoir d'une transmission qui n'est plus assurée au sein des familles. Les marques ont voulu évoluer avec leur temps et leurs produits d'aujourd'hui répondent aux désirs des consommateurs, mais ils ont perdu de leur authenticité. Elles n'ont pas expliqué la transition. Il y a donc une véritable histoire à recréer pour expliquer comment on est arrivé aux produits actuels, comment on s'est parfois trompé et comment on peut revenir à des produits que l'on fabriquait au début mais avec la sécurité d'aujourd'hui. Demain, notre alimentation va mélanger le plaisir et les besoins, car, de plus en plus averti, le consommateur va mieux comprendre ses besoins. A condition, bien sûr, qu'il puisse repérer dans les produits alimentaires ce dont il a besoin. A ce jour, il manque cruellement de bonnes informations.

Notes

(*) Auteur avec Jean-Michel Cohen de Savoir manger, le guide des aliments.
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