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Ma Dame, interdit aux… dames

Avec Ma Dame, Jean Paul Gaultier inaugure dans son univers du parfum la premièremarque fille pour la garçonne des temps modernes.

Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.

L'idéal féminin de Jean Paul Gaultier ? « Ma Dame n'est pas une madame. Elle est ma muse. Elle m'amuse », résume le couturier. Qui est sa Dame ? «On la dit garçonne, oui mais ultra fille. Sa vie, elle la vit en rose électrique, rebelle, rieuse, effrontée, elle est libre, elle a du chic, elle a du chien, elle a du style, son style. Ma Dame, tout sauf une madame », apprend-on sur le site du nouveau parfum, www.ma-dame.com. La fragrance ? «Pétillant et acidulé, zeste d'orange, ultra fille, une rose fraîche, un flash de grenadine, overdose de musc, bois de cèdre, un parfum floral frais etmoelleux écrit par Francis Kurkdjian, un pur concentré de sourire et de plaisir. »

L'icône conservée

Comment émerger et se singulariser dans l'univers des parfums alors que la seule année 2007 a connu cent soixante lancements ?
« La proposition doit être en rupture en termes de code, de jus, de puissance olfactive, d'étui et de communication », indique Francesco Moretti, directeur de création d'Interbrand. Un défi pour « l'enfant terrible » de la mode, qui compte deux parfums mythiques : Classique et son fameux corset pour la femme, et Le Male et son tee-shirt marin pour l'homme. « Ces deux représentations et leur provocation très forte fondent la réputation de la marque. L'histoire de la maison Jean Paul Gaultier ne passe pas inaperçue, son point de vue est toujours créatif », rappelle Francesco Moretti. Les parfums, proposés dans des boîtes de conserve, placent le luxe à la portée de tous, offrent du bonheur à tout le monde : « Le nom Jean Paul Gaultier, présenté de manière cassée, ressemble à ceux écrits sur les caisses de transport. »

Comment alors faire naître un autre parfum en respectant l'esprit du créateur ? « Il est avant tout le fruit de la collaboration avec Jean Paul Gaultier, qui a beaucoup d'idées, de créativité et qui avait envie depuis longtemps de quelque chose sur le thème de l'inclusion.», souligne Francesco Morettiqui. L'idée de départ : la figure emblématique du mannequin de couture, qui singularise le Classique, doit être maintenue, aussi la retrouve-t-on à l'intérieur du flacon.

La garçonne

L'objectif de ce parfum est de toucher une population différente, moins en termes d'âge que d'état d'esprit, car les temps ont changé depuis Classique. « En 1993, le premier parfumse faisait l'écho d'une affirmation de la féminité des années 1980, le corps de la femme s'exprimait de façon directe avec cette silhouette habillée d'un corset, attribut de la femme à priori totalement démodé. Avec Jean Paul Gaultier, cette contrainte devenait un élément sensuel, un attribut de la féminité triomphante qui lui est chère ! Ce parfum était destiné à celles qui revendiquaient leur féminité, l'assumaient et n'étaient pas victimes de l'homme », explique Francesco Moretti. Aujourd'hui, la liberté est acquise, la relation avec la marque est plus intime. Le buste est toujours présent mais sculpté au dos du parfum,à l'intérieur du flacon. « C'est un jeu de cache-cache entre les côtés et la face du flacon, un jeu de filtre. » Le choix du format exprime le contraste entre la sobriété de Ma Dame, un flacon moins ouvragé que les précédents, et la surprise du buste à l'intérieur, côté « ma dame », l'aspect fluorescent rose en dégradé. « Cela permet d'inscrire une forme libre dans une forme plus rigoureuse, traduction de l'évolution du style de l'enfant terrible de la mode. Pour autant, son langage est toujours le même, il aime associer des contraires pour en faire une harmonie. Avec lui, un plus un égale trois », résume Francesco Moretti. Résultat : la sensualité et l'énergie de la garçonne sont exprimées dans un bloc de verre, une silhouette féminine, un éclat rose grenadine, un collier de chien très rock que l'on retrouve dans la publicité en petit anneau ou goupille autour du vaporisateur.

     

Une marque fille

Les flacons (Classique et Le Male) sont des objets sur lesquels rien n'est écrit. « Jusqu'à présent, il n'y a pas eu nécessité de créer des marques filles », explique Bertrand Chovet, directeur général Branding & Packaging d'Interbrand. Pour Ma Dame, le parti pris a été d'avoir sur l'emballage unemarque fille très forte.Mais la marque n'est écrite que sur le carton, pas sur le flacon, où ne figure que la signature manuscrite discrète de Jean Paul Gaultier. En rupture avec la culture du parfum, l'emballage doit être déchiré sur le bord pour que le parfum soit accessible : de nouveau la dualité chère à Jean Paul Gaultier, déchirure et maintien. « Le déchirement permet à la garçonne de se libérer du packaging. Elle déchire la marque Ma Dame écrite avec une typographie dynamique et des couleurs contrastées, s'affranchit de la marque…» L'idée se retouve dans le film publicitaire réalisé par Jean-Baptiste Mondino qui met en scène Agyness Deyn, la top-modèle anglaise, avec une réapparition du couturier et en fond sonore Et on se tient la main, reprise par Miss Kittin de la chanson Troisième Sexe d'Indochine. Ma Dame fait renaître la fille libre, réinterprète ses vêtements en les déchirant : Agyness apparaît d'abord stricte, pantalon noir, chemisier blanc et cheveux longs, qu'elle va couper avec une paire de ciseaux. Elle finit en short, la chemise ouverte et la taille soulignée parune ceinture corset. «Mais nous ne sommes pas dans la revendication agressive. Jean PaulGaultier aime jouer non de la contradictionmais de l'opposition, il aime libérer les hommes et les femmes mais jamais dans la provocation, la critique, ni l'agressivité : autorise-toi à être libre, leur dit-il », analyse FrancescoMoretti.

     
Le nouveau flacon Monsieur, dessiné en 2007 par Francesco Moretti / Interbrand sous la direction artistique de Jean Paul Gaultier.

     
Le flacon s'inspire du carrelage métro. On retrouve dans l'atelier de Jean Paul Gaultier l'univers du métro.