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Revue des marques : numéro 66 - Avril 2009
 

Le travel retail - Une opportunité pour les marques de beauté

Depuis sa création en 1947, le travel retail s'est développé en parallèle de l'évolution du transport international et du tourisme. Certaines marques de parfums et cosmétiques ont tiré avantage de cette vitrine pour proposer une offre spécifique.

Propos recueillis par Jérôme GOLDBERG*.



Le travel retail - Une opportunité pour les marques de beauté
Si nous avons spontanément en tête les parfumeries et les grands magasins quand nous parlons du circuit sélectif, il ne faut pas oublier les ventes réalisées en travel retail, particulièrement en boutiques d'aéroports, ainsi qu'à bord des avions ou des ferries.

Un circuit dynamique

Le duty free naît en 1947 en Irlande, à Shannon, aéroport servant d'escale aux vols transatlantiques. L'assortiment initial propose principalement des cigarettes et des alcools, du whisky surtout, vendus détaxés. Les parfums vont être les premiers produits de luxe à se développer dans ce circuit, et les produits de beauté vont bientôt devenir la première catégorie, passant de 11,6% de son activité en 1980 à 23,6% en 2001 et 30% en 2007. L'acheteur était le plus souvent de sexe masculin, et la motivation d'achat reposait sur le binôme prix-déculpabilisation, avec des achats cadeaux ou souvenirs de voyage. Dans l'optique du cadeau, les produits vendus étaient des références présentes sur les marchés locaux. Certains fabricants, L'Oréal notamment, ont commencé à compléter l'offre standard par des références spécifiques au duty free, comme des coffrets deminiatures de parfums.
Dans la période 1985-2000, le duty free connaît deux mutations décisives.Tout d'abord, avec la démocratisation du trafic aérien, et le développement du tourisme international, nous allons assister à un passage de l'achat pour autrui à l'achat pour soi. Une des implications sera le développement des ventes de produits de soin et de maquillage. En parallèle, avec l'ouverture de nouveaux aéroports et la modernisation des anciens, va s'accomplir une intégration structurelle d'espaces de vente de plus en plus qualitatifs, véritables galeries marchandes par leur concept architectural. C'est l'anti-CdG1 (CdG1 : le terminal 1 de l'aéroport Paris Charles-de-Gaulle), particulièrement flagrant en Asie, comme au Japon ou à Hong Kong. Ainsi que l'explique à l'époque un opérateur, “on crée un espace commercial, et on cherche après comment faire embarquer les passagers”.

Le travel retail - Une opportunité pour les marques de beauté

La fracture 1999

Une menace va forcer le circuit à se réinventer. Initialement prévue pour 1997, et finalement repoussée au 1er juillet 1999, la fin du duty free intra-européen va forcer les trois parties prenantes, aéroports, opérateurs et fabricants, à se remettre en question et à prendre des initiatives commerciales, pour éviter l'effondrement des ventes. Opérateurs et concessionnaires vont créer ou réaménager des espaces de luxe, tournés vers les cosmétiques et les accessoires. De leur côté, les marques vont pousser des animations et des promotions, comme les Summer Fragrances, puis naturellement développer une offre exclusive au circuit. Le travel retail, aujourd'hui, vise de plus en plus à s'éloigner du simple effet prix, en proposant des offres à valeur ajoutée de par leur spécificité et leur originalité. Il s'agit d'interpeller le consommateur nomade, qui a une forte disponibilité dans un contexte propice à l'achat. Ce circuit compte désormais en moyenne pour près de 14 % du marché mondial sélectif des parfums, 10 % pour les cosmétiques. Avec certaines marques, cette valeur peut monter jusqu'à 25 % des ventes globales. En dépit d'une exposition à des risques totalement extérieurs à son univers, le travel retail présente, dans une perspective à moyen terme, une croissance qui fait rêver bien des marchés domestiques.

Le graphique ci-dessous illustrel'évolution du travel retail mondial entre 1970et 2007, en millions de dollars (valeu rRetail). Apparaissent clairement les chocs encaissés entre 1998 et 2003 : crise économique en Asie, fin du duty free intra-européen, 11 septembre 2001, guerre en Irak ou épidémie du SRAS.
C'est surtout une illustration de la très forte résilience de ce marché, qui rebondit très fortement dès que l'environnement global commence à redevenir favorable. Il est intéressant de voir que l'évolution des ventes est supérieure à l'évolution du nombre de touristes. Le panier moyen s'est bonifié, grâce entre autres à l'apparition et au développement d'une offre premium, notamment en produits de soin.
En comparant les évolutions du tourisme international, des recettes liées au tourisme et les ventes en travel retail entre 1970 et 2006, nous obtenons les courbes suivantes :

Le travel retail - Une opportunité pour les marques de beauté


Au cours des dix dernières années, entre 1997 et 2007, ces évolutions ont profondément modifié la répartition de l'offre (cf. figures 1 - 2). De même, la répartition par grandes zones géographiques va subirde fortes modifications (cf. figures 3 - 4).
Les modifications structurelles autour des différents circuits vont amener une forte concentration des ventes autour des boutiques d'aéroports (cf. figures 5 - 6).


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L'offre spécifique du parfum en travel retail se décline aujourd'hui en deux grands types :

- Le travel set cible le consommateur nomade. Il comporte en général un parfum accompagné d'une extension de gamme, dans un contenant personnalisé, mais la référence existe aussi sur les marchés locaux.

- Le travel exclusive, soit par le format, soit par le produit lui même.

Le travel retail - Une opportunité pour les marques de beauté
Le but recherché par les marques est de déclencher un achat d'impulsion, fondé sur l'exclusivité (ici et nulle part ailleurs) et sur la rareté (maintenant et plus après), avec un prix abordable. Certaines marques vont ajouter un aspect collector unique, comme Guerlain avecWith Love, dont chaque flacon est numéroté.
L'étape suivante a été tout naturellement de développer des jus réellement exclusifs, réservés au circuit, et disponibles dans une période limitée, en général une année. LVMH a été précurseur, avec en 2000 le lancement par les parfums Christian Dior de Remember Me, suivi de Forever and ever en 2001, I Love Dior en 2002, Chris 1947 en 2003, Dior me Dior me not en 2004 et Dior Star en 2005.

La marque donne ainsi un rendez-vous annuel à ses consommatrices, en réutilisant le même flacon, décoré différemment année après année. Avec un jus léger, elle vise plus particulièrement les femmes asiatiques. Cette offre va rencontrer son public. Forever and ever, par exemple, va peser, parmi les parfums féminins de la marque, jusqu'à 40 % des ventes travel retail en Asie-Pacifique et 20 % au niveau mondial. Givenchy en 2002 et Guerlain en 2003 vont eux aussi se lancer sur le segment des exclusifs. Là encore le succès va être au rendez-vous, avec pour la ligne Into the blue deGivenchy,en 2002, 300 000 flacons vendus, plus de 20% du chiffre d'affaires de la marque en travel retail cette année-là.

Nouveaux marchés, nouveaux clients

Le travel retail - Une opportunité pour les marques de beauté

Nous voyons bien tout l'intérêt que peut représenter pour les marques ce circuit, complémentaire des marchés locaux. Le travel retail leur offre la possibilité de toucher des consommateurs de tous pays et de tous âges, surtout des hommes, à la recherche de cadeaux, de nouveautés et d'exclusivités. Ce marché est l'occasion de recruter de nouveaux consommateurs, tout en offrant une nouvelle facette de la marque à ses habitués. Le travel retail est ainsi devenu au fil des années un marché stratégique. Les équipes ont d'ailleurs pris leur autonomie dans la seconde moitié des années 1990, quittant les services export pour se structurer de façon plus adaptée aux spécificités du secteur. Toutes les marques, tant de parfum que de soin ou de maquillage, reconnaissent le potentiel du circuit, et le fait qu'il représente pour elles une extraordinaire vitrine et une caisse de résonance.

Cela a conduit à deux types de stratégie pour les nouveaux entrants sur ce marché. Pour des marques comme celles du groupe BPI, Jean-Paul Gaultier ou Issey Miyake, le travel retail va servir de relais au développement international, en les aidant à soutenir une image et un positionnement. Tête de pont de cette expansion, les produits sont, dans un certain nombre de pays, présents d'abord en travel retail, avant que le marché local ne leur soit ouvert. Pour des marques comme L'Oréal Paris, le travel retail constitue une aide dans une politique globale d'up grading - up trading. En se retrouvant dans les linéaires des boutiques d'aéroport au milieu d'autres marques sélectives, elles renforcent leur réputation, vis-à-vis tant de la distribution que des consommateurs.

Le développement de cette offre exclusive est le prolongement de la politique de trade-marketing mise en oeuvre sur les marchés locaux. Elle joue de la proximité avec le consommateur, en créant un lien fort avec la marque.Comme l'a annoncé il y a quelques années le directeur marketing travel retail du numéro un mondial : “La femme qui entre dans la boutique d'aéroport se dit :« C'est le seul endroit où je peux acheter ce type de produit, j'aime son odeur et sa présentation, et toutes mes amies seront jalouses. » La motivation est forte, mais ne marche qu'avec des marques reconnues.” Le développement du tourisme international, au-delà des aléas de court terme, offre au circuit une réserve de croissance qui attire de plus en plus de marques, et des perspectives prometteuses d'internationalisation pour des marques locales. Avec une croissance annuelle moyenne estimée à 7,4% d'ici à 2015, et 8,7% pour les parfums et cosmétiques, le travel retail est loin d'avoir atteint ses limites.

Notes

(*) Consultant en “competitive intelligence” dans le secteur beauté, (jerome.goldberg@gmail.com)
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