En application des articles L. 711-1 et L. 711-2 points a) et b) du Code de la propriété intellectuelle, le signe choisi ne peut être enregistré à titre de marque que s'il est distinctif. Le droit communautaire comporte la même exigence, décrite à l'article 7.1 du règlement n° 40/94. Cette exigence de distinctivité comporte deux aspects. Tout d'abord, le signe choisi ne doit pas être la désignation “nécessaire, générique ou usuelle”, dans le langage courant ou professionnel, du produit ou du service. Il s'agit de ne pas monopoliser un terme utile à tous les intervenants du secteur. En simplifiant, il est exclu qu'un droit de marque puisse être octroyé sur le terme “mascara” qu'un intervenant du secteur cosmétique souhaiterait utiliser pour lancer son nouvel embellisseur de cils. En France, cette exigence s'étend aux termes étrangers dont la signification peut aisément être comprise par le consommateur moyen : le dépôt de la marque “Lipstick” pour commercialiser des rouges à lèvres sera irrémédiablement rejeté. Dans le cas d'un dépôt de marque communautaire, il sera tenu compte de toutes les langues parlées dans l'Union européenne, et le fait que le terme choisi soit la désignation usuelle, nécessaire ou générique du produit désigné dans une seule des vingt-trois langues officielles de la Communauté sera un motif de refus de la demande de marque.
La seconde composante de l'exigence de distinctivité impose que le signe ne soit pas descriptif du produit ou du service, de sa nature, de sa destination ou de sa qualité. Ici encore, il s'agit d'empêcher un fabricant ou un distributeur de s'approprier un terme ou une expression dont les concurrents pourraient avoir besoin pour décrire leurs produits ou services aux consommateurs. Ainsi a été refusée à l'enregistrement la dénomination “Good bye to dry skin” déposée comme demande de marque communautaire pour désigner des produits cosmétiques, l'OHMI (Office de l'harmonisation dans le marché intérieur) ayant considéré que ce signe indiquait expressément une propriété des dits produits.
L'exemple précédent est un cas extrême où la descriptivité souffre peu de discussion. Mais souvent, la volonté de trouver un nom qui permette au consommateur d'identifier le produit ou le service, ou le bénéfice esthétique qu'il en retirera, est conjugué à la nécessité d'obtenir un enregistrement à titre demarque, et donc de respecter la condition de distinctivité.
C'est ainsi que naissent des marques évocatrices. Les signes évoquent ou suggèrent la nature ou les caractéristiques du produit ou du service, sans les décrire directement. Le signe “Phytocolor”, déposé en classe 3, notamment pour des colorants de cheveux, est valable même s'il évoque le produit en lui-même et ses composants à base de plantes, car il ne constitue pas la description immédiate du dit produit. La principale difficulté réside ici dans la détermination de la frontière séparant les marques non distinctives, qui doivent être invalidées, des marques simplement évocatrices, qui sont protégeables.
À cette fin, il convient d'examiner le signe choisi dans sa globalité. Une marque composée de deux éléments descriptifs peut être évocatrice et donc valable, dès lors que l'ensemble ainsi constitué n'est pas une combinaison usuelle pour le public concerné. Le néologisme “Nutri-Rich”, constitué d'un radical diminutif et d'un mot anglicisé, même si ces termes sont perçus comme les abréviations des vocables “nutrition”, ou “nutritif”, et “riche”, “n'est pas en lui-même,(…) compte tenu de la modification inhabituelle syntaxique et sémantique de ces termes, descriptif d'une caractéristique du signe déposé pour désigner des « huiles pour les soins de la peau » notamment sa qualité, de sorte qu'il conserve, par sa signification de fantaisie, sa distinctivité et restearbitraire” (cour d'appel de Paris,1er juin2005).
Par ailleurs, un terme évocateur représenté sous un graphisme original ou auquel est associé un logo sera reconnu comme ayant un certain caractère distinctif. La cour d'appel de Paris a reconnu, dans son arrêt du 29 juin 2007, que la marque semi-figurative “SPA” est distinctive s'agissant de produits de beauté et de soins d'hydrothérapie. Les juges ont considéré que “l'association d'une lettre et d'une goutte dans un agencement stylisé donne à l'ensemble du terme SPA une apparence particulière”. Elle est “de nature à retenir l'attention du public concerné et à [lui] permettre d'identifier les produits et services visés à l'enregistrement”.
Enfin, l'usage peut permettre à des signes évocateurs d'acquérir une certaine distinctivité. On tiendra compte de la durée et de l'importance de l'usage, de l'importance des efforts promotionnels et de la connaissance de la marque sur le marché considéré. La dénomination “Bonne mine”, visant des produits cosmétiques, a été considérée comme valable et opposable en raison de l'étendue de son usage (cour d'appel de Paris, 27 avril 1981). Tout est affaire d'évaluation in concreto, et l'on ne peut nier que le rejet ou l'admission d'une marque est pour partie lié à l'appréciation subjective de l'examinateur ou du juge saisi du dossier.
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