Dans un monde plus riche, plus concurrentiel et plus économe, le pouvoir d'achat des Occidentaux et particulièrement des Européens va baisser. Il suffit d'observer depuis plusieurs années la crise des classes moyennes en Europe, notamment en Grande-Bretagne et en Allemagne, et de façon plus larvée en France. Il va falloir vivre aussi bien sinon mieux avec moins,car il est peu envisageable de vivre moins bien, d'autant que les nouvelles technologies seront plus répandues et chacun voudra faire travailler son voisin immédiat plutôt que le lointain, ultramarin… dans la mesure où il reste compétitif (ce qui est tout à fait possible : voir les chaussures Geox ou la vaisselle Geneviève Lethu).
Non, la mondialisation ne va pas disparaître du jour au lendemain, et d'ailleurs ce n'est ni souhaitable ni possible, mais le “glocal” est une réalité encore plus quotidienne : le monde est devenu un village (par @), mais voir l'église, ou le temple ou la mosquée de la fenêtre est rassurant ; communiquer par @ est un sport mondial, mais jamais les réunions de plusieurs milliers de personnes n'ont été aussi nombreuses et indispensables. À plus petite échelle, les cafés sont aujourd'hui des lieux de rencontre de la jeunesse, notamment, pour suivre des matchs. L'équivalent existera en 2029, pas nécessairement dans les cafés, pas nécessairement pour suivre un match, mais nécessairement pour se retrouver, avec un prétexte éventuellement nouveau. Nous serons encore plus globaux et encore plus locaux, avec moins d'argent en poche.
Le travail et la retraite vont changer le consommateur.Globalement, en moyenne mondiale, il est en 2029 un peu plus âgé que l'actuel. En moyenne européenne, il l'est nettement, ce qui le rend donc plus âgé que le Terrien moyen. Mais il travaille plus longtemps,et différemment, puisque la formation permanente est la règle, que la longueur des études (n'est-ce pas l'exception française ?) n'est plus la garantie du meilleur emploi et que les périodes d'inactivité et de formation alternent avec les périodes de travail. Le consommateur de 2029 est attentif aux entreprises qui emploient des tempes grises, voire blanches, d'autant que les revenus des plus de soixante ans sont en baisse, de même qu'il est plus attentif aux entreprises qui offrent une formation permanente réelle, afin d'assurer la meilleure adéquation possible entre le travail et l'âge. Travailler plus longtemps qu'en 2009 pour des revenus moindres… Soit on l'accepte en s'économisant, en se formant et en épargnant, soit au contraire on cumule plusieurs emplois pour vivre mieux, ce que pratiquent plus de deux millions de fonctionnaires allemands en 2007.
La conscience de l'environnement aura profondément changé le consommateur en 2029. La taxe carbone, qui touche dès à présent les États et demain les collectivités, touchera dans vingt ans, et depuis quelques années, les entreprises et donc leurs salariés. Dépenser moins de carbone pour aller travailler va conduire les entreprises à réfléchir aux logements de leurs salariés. Les cités ouvrières de la fin du XIXe siècle vont être redécouvertes. Loger ses salariés, c'est leur offrir une meilleure qualité de vie, avec un temps de transport réduit et des logements bien isolés. C'est donc pour l'entreprise une économie en carbone, car le déplacement des employés est une charge à ce titre, et c'est pour chacun une moindre dépense. D'ailleurs, chaque consommateur aura son “compte annuel de droit à polluer”, qui s'exprimera sur le ticket de caisse de la plupart des achats payés en prélèvement automatique ou par les cartes de crédit. Les entreprises économes auront une meilleure image, traduite concrètement par leur présence dans des fonds financiers éthiques que les investisseurs rechercheront. Les consommateurs trouveront eux aussi intérêt à être économes en carbone par les encouragements qu'ils recevront de la Sécurité sociale. On utilisera de plus en plus l'image de Big Brother, partagé entre la phobie d'être observé et l'intérêt de bien faire, mais le porte-monnaie du consommateur sera le juge suprême. N'est-ce pas la hausse du prix de l'essence qui a fait que chacun a roulé moins vite en voiture depuis mai 2008 ?
Le consommateur de 2029 a donc un autre regard sur l'entreprise. Elle est certes fournisseuse d'emploi, mais aussi de formation, d'activité pour les salariés âgés. L'exigence sociale envers elle est donc encore plus forte qu'aujourd'hui. La croissance démographique mondiale plus faible, le développement général des pays moins avancés, vont réduire les flux migratoires et donc intensifier la politique de fidélisation des employés. L'entreprise est aussi productrice de produits directement en concurrence avec ceux fabriqués plus loin, voire très loin. Et ici, il s'agit bien d'entreprise, pas de marque, car on peut imaginer qu'en 2029 le consommateur sera plus attentif au lieu de production des produits et qu'il fera davantage la différence entre la nationalité du capital propriétaire d'une entreprise et le lieu de fabrication du produit, entre la marque et l'usine. La culture du carbone se retrouvera dans le chariot des achats.
Ce sera donc à l'entreprise, en 2029, de communiquer sur la globalisation (la marque) et la “villagisation” (la production). Certes, tous les produits n'auront pas la possibilité de communiquer cette différence, mais chacun garde à l'esprit le yaourt dont les fraises ont fait le tour du monde et dont la production a représenté quelques milliers de kilomètres. Quelle taxe carbone en perspective pour le consommateur sur son ticket de caisse, son bilan mensuel ou trimestriel de consommation de carbone ! Dans ce contexte l'entreprise se tournera vers le service, moins consommateur que le produit, pour améliorer son bilan carbone. Mais certains services délocalisés enInde ou au Maroc seront-ils toujours économiquement viables ? Les salaires grimpent dans ces pays et les cas de rapatriement se multiplient. D'ici à 2029, il n'est pas évident que les délocalisations de services seront aussi intéressantes.
Dès lors, y a-t-il un avenir pour la “villagisation”, l'identité locale ou régionale ? C'est déjà le cas dans certaines régions d'Europe. La Suisse, l'Italie duNord, la Bavière, la Catalogne, le Pays Basque, la Corse, ont une fierté locale, une fierté économique. D'ici à 2029, les pôles économiques vont se donner à fond.Associer l'entreprise, l'université, la région, renforce une identité, et ne peut qu'être profitable aux acteurs locaux. L'échec relatif de l'identité nationale en France se traduira plus fortement, dans vingt ans, par l'essor de l'identité régionale. Globalisation et localisation seront deux terrains d'expression pour la marque.C'est un grand écart, certes, mais c'est l'identité du consommateur de 2029. Un monde moins jeune est globalement moins rêveur, mais qui a besoin de rêver. La marque de 2029 a ce pari formidable à assurer.Ce grand écart permanent sera gage de son succès. Le consommateur de 2029 sera citoyen du monde et citoyen de son village.
Cahen.philippe@orange.fr
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