Des CSP, hier, aux micro-communautés aujourd'hui, comment Internet permet-il de connaître les consommateurs ?
Olivier Cerf : Internet le confirme, nous ne sommes plus dans des logiques de CSP mais de communautés d'intérêts, de groupes de pression. Le Web est incompatible avec le mass market. Mais la Toile permet de mesurer réellement les contacts, la traçabilité en quantité et en qualité. Autre singularité des nouveaux consommateurs : avant de devenir des prospects et des clients, ils décident ou non d'être touchés et de répondre. Ils deviennent donc acteurs. Le positionnement de la marque et sa stratégie s'en trouvent modifiés. Reste que beaucoup de directeurs de marketing ne sont pas sensibles au fonctionnement des nouvelles cibles.
Quels observatoires créer ? Comment cerner les attentes ?
O. C. : Tout est à créer. Aujourd'hui, rien n'est homogène, les agences travaillent de manière expérimentale. Elles masquent les vrais chiffres, car elles ne les maîtrisent pas. Avec le Web, on ne peut pas mentir sur les chiffres. Il serait utile de créer un observatoire des contenus qualitatifs des blogs. Ils sont devenus les vrais vecteurs médiatiques des contre-pouvoirs. C'est sur Internet que les attentes des consommateurs s'expriment librement. Les critiques des marques figurant sur les blogs constituent une mine d'or, quand elles savent les analyser, et sélectionner les personnes les plus influentes pour faire du buzz.
Une plate-forme de blogs autour d'une marque permet de créer une cartographie très ciblée d'une population. C'est une autre mine d'or. La marque peut enfin bien connaître ses consommateurs, entrer dans leur intimité. Il existe ainsi une communauté pour Nutella, Lu, Haribo, Louis Vuitton… Croiser les communautés permet de créer des profils et de bâtir des stratégies pérennes, pour garder les consommateurs et les faire consommer.
Quels discours les marques doivent-elles construire pour fidéliser les consommateurs volages ?
O.C. : Ce qui rassure, aujourd'hui, c'est la marque. Si son discours est banal, les consommateurs vont vers les premiers prix et les marques de distributeurs. Si la marque ne se met pas au coeur du nouveau dispositif, elle va péricliter. Sa valeur ajoutée est d'entrer en contact direct avec ses consommateurs et de les informer sur ce qui la singularise dans son offre. La communauté créée en ligne permet de travailler la proximité. On peut aussi créer des intersections de communautés, pour susciter des effets de levier. Le consommateur, impliqué, devient un acteur du processus de la marque, il en est aussi son ambassadeur, il ne peut plus la renier. Force, mais aussi danger : si la marque s'expose et ne répond pas, elle mécontente les internautes.
La marque doit donc répondre, et bien répondre, surveiller la qualité de son discours avec l'internaute, sans la moindre censure, pour faire de la relation quelque chose de durable. La marque a de vrais atouts sur la Toile, mais ils sont mal valorisés. Beaucoup de marques en sont encore au one shot sans véritable stratégie d'intégration.
Quelles marques ont une stratégie durable en la matière ?
O. C. : Quelques annonceurs considèrent que le Web est un média à part entière dans leur plan d'affaires, et qu'il doit être présent toute l'année. Ils inscrivent leur action dans la durée. Citons Stabilo, dont l'objectif est de promouvoir ses nouveaux produits et faire connaître la marque au-delà du Stabilo Boss. Cette marque se doit d'être présente non seulement à la rentrée des classes mais tout au long de l'année. Elle propose des mini-sites tous les quarante-cinq jours, qui rythment son activité et créent une relation de proximité. Les consommateurs sont alertés quand elle interpelle les communautés existantes, les forums et les blogs avec des annonces de liens. On peut également citer les mini-sites de la maison témoin de But (but-a-decide-de-vous-surprendre.com) ou ceux de Flunch, fondés sur le thème des planètes (kidiflunch.fr). Internet est une véritable opportunité d'enrichir l'imaginaire, le territoire de la marque. Il n'y a pas de limite hors le positionnement de la marque.
Quel est le coût d'une campagne en ligne ?
O.C. : Atout financier indéniable : un budget Web représente l'équivalent de deux spots en prime time sur TF1, deux fois trente secondes. Sur la Toile, c'est une année de présence permanente, avec les internautes et l'interactivité en plus. Internet donne les capacités de la télé (vidéo possible), de la radio (les sons) et de la presse (contenus). Le trois en un.
Comment répondre à l'objectif de retour sur investissement ?
O. C. : Des objectifs de coûts-contacts, programmés avec la marque, doivent être transformés en visites puis en actes d'achat. Avec But, les cuisines ont été identifiées par un code. Les internautes saisissent le code, qui leur donne des bonus. Il faut combiner les activités en ligne et hors ligne.
Quels sont les atouts du marketing viral ?
O. C. : Le marketing viral, c'est du bon sens, du bouche-à-oreille interactif sans limitation de vitesse. C'est peut-être un danger, car certains font tout et n'importe quoi. Dès qu'une bonne idée est lancée, tout le monde s'y engouffre, copie, et la marque perd ses effets différenciants.
Le mobile peut-il être complémentaire du Web ?
O. C. : Oui, quand la consommation y sera gratuite ! Télécharger d'Internet sur le téléphone coûte cher aujourd'hui. De plus, le confort de lecture est spartiate.
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