Estimé pour 2008 à 479 milliards de dollars (pour les médias mesurés), le marché mondial de la publicité ne crée pas de valeur, dans la mesure où son taux de progression (à 5-6 % selon les sources) est rapidement absorbé par les effets de taux de change ou d'inflation, et les prévisions à mi-2008 noircissent ce tableau… On assiste à un transfert des investissements vers les médias numériques (Internet en particulier), dont le modèle est moins rentable pour les agences que la publicité traditionnelle. Cette évolution, profitable dans un premier temps aux agences interactives et aux agences médias, conduit bon nombre d'agences à revoir leur modèle économique et leurs schémas organisationnels.
On le dit désormais ouvertement, le bras armé de la société de consommation, la publicité, est malade, dans les pays capitalistes matures. La publicité doit se renouveler face à consommateur critique, volage, et compétent en marketing. Le désamour des consommateurs pour la publicité ne fait qu'augmenter, comme l'atteste l'étude menée par l'agence Australie publiée en novembre 2007. Créé il y a quatre ans, le baromètre “Publicité et Société” fait état d'une dégradation de la perception de la publicité par les consommateurs : 30 % de l'échantillon affirme être publiphobe, au lieu de 25 % il y a quatre ans. Ce qui est reproché à la publicité ? D'être envahissante (79 %), banale (65 %), et cette perception se renforce lorsque les consommateurs sont des internautes confirmés. Cette désaffection se traduit par une évolution des comportements autour des attitudes suivantes : le souhait d'ignorer les messages, ce qui sera rendu possible avec la large diffusion des PVR (personal video recorders) ; le souhait d'être associé à la façon dont les messages sont élaborés (il sera intéressant de suivre l'initiative de Chrysler sur www.Chryslerlistens.com); la volonté accrue de protéger les données personnelles au fil du développement de l'usage des médias numériques (on aura noté la révolte des usagers de Facebook face à la mise en place du système Beacon sur le site); la confiance grandissante dans la caution du réseau par opposition à la toute-puissance des marques… Les consommateurs ont une longueur d'avance sur les professionnels du marketing dans leur usage des médias. Ayant rapidement saisi l'opportunité de consommer les médias à la demande (VOD et catch up TV pour la télévision; podcasts pour la radio, Internet pour les journaux…), ils attendent de la publicité qu'elle leur soit proposée, et non plus imposée.
De leur côté, les annonceurs cherchent encore le mode opératoire idéal pour mettre en oeuvre leur stratégie de marque. La fragmentation des médias introduit une grande complexité dans l'élaboration des stratégies de marketing, la multiplication des agences pour les annonceurs (chaque agence se spécialisant dans un média donné), et une batterie d'indicateurs de performance, spécifiques à chaque média, qui ne sont pas compatibles les uns avec les autres. Les annonceurs réclament une approche intégrée, fondée sur l'engagement, mais dans les faits les campagnes de publicité sont pour la plupart la déclinaison d'une idée sur différents médias. Cette situation est en partie imputable à l'organisation interne des annonceurs, qui bute sur un certain nombre d'écueils empêchant le système d'évoluer. Tout d'abord, le manque de temps accordé par les entreprises à l'évolution des stratégies : les directeurs de marketing restent de moins en moins longtemps dans leurs fonctions, trop peu pour faire leurs preuves (le baromètre de Spencer Stuart aux Etats-Unis indique une durée moyenne de vingt-sept mois dans le poste). On comprend que la priorité ne soit pas à la conduite du changement. La façon dont les marques sont développées doit aussi évoluer, pour laisser plus de place au consommateur (“open source”). Force est de constater qu'un grand nombre d'entreprises ne sont pas prêtes à franchir ce pas.
Les agences se remettent en question, mais elles n'ont pas encore d'offre répondant aux besoins des annonceurs. Il est courant de schématiser les échanges entre une agence et son client en trois phases : le conseil sur la stratégie marketing et la stratégie de communication, la création, la production des supports. Au cours des dix dernières années, les agences ont perdu leur rôle de leader dans la première et la dernière phase. Les directions du marketing ne semblent plus trouver chez ces partenaires une source d'inspiration et de conseil, la partie production étant internalisée par les directions des achats, qui entendent gagner en productivité en recherchant des synergies. Cette situation est emblématique des annonceurs ayant une stratégie de communication multicanal (VPC, crédit à la consommation…). Ils s'appuient souvent sur un portefeuille d'agences multimétiers n'apportant pas de valeur ajoutée à la globalité de la stratégie de contact, et ont rapatrié la fabrication des supports de communication en interne.
Comment les agences pourraient-elles répondre à la problématique des annonceurs ? En ajoutant une couche à la structure du marché, et en conservant un rôle d'intermédiaire et de conseil. Une initiative de Publicis nous paraît tout à fait intéressante : le lancement de VivaKi. Publicis a annoncé fin juin le lancement de son “VivaKi Nerve Center”, le plus grand réseau d'audience à la demande du secteur publicitaire, en partenariat avec AOL Platform-A, Microsoft, Yahoo et Google. L'objectif est de faciliter l'achat et la vente d'espaces publicitaires, de permettre aux annonceurs de toucher une audience beaucoup plus large, mais aussi de cibler des audiences très spécifiques, de réduire les coûts et d'optimiser le retour sur investissement des clients. Publicis tente ainsi de conserver son rôle d'intermédiaire et de conseil, en créant un guichet unique d'accès à la communication numérique.
Sur un même modèle, Interpublic réorganise son offre en réunissant sous une ombrelle ses activités médias (Initiative, Magna, Magna Trading, J3, Universal McCann et Wahlstrom). MediaBrands voit ainsi le jour, avec à sa tête Nick Brien, l'ancien président d'Universal Mc Cann. Face à un consommateur qui a pris les acteurs du marketing de vitesse, les agences s'avisent de la nécessité de réinventer leur métier, sans avoir encore de solutions complètement au point pour fournir aux annonceurs des formules clé en main, mieux cibler les consommateurs, et répondre aux problématiques de société comme celles liées à l'environnement. Cette réinvention du métier de marketing ne se fera que dans le cadre d'un contrat de confiance entre les agences et les annonceurs, ces derniers ne devant pas omettre d'inviter les agences à réfléchir avec eux aux stratégies du futur.
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