Anne Daumas : On peut d'abord avancer le manque de temps quand les consommateurs font leurs achats. Mais c'est surtout un manque de compréhension .Il est donc nécessaire de mieux former les consommateurs. Bien souvent aussi, les consommateurs sont découragés par la multitude d'informations délivrées. Dans certains cas, les étiquettes sont rédigées en plusieurs langues, avec une petite taille de caractères, et l'information devient plus difficilement lisible. Sauf pour ceux qui savent quelles informations précises chercher, comme les personnes devant suivre un régime alimentaire particulier.
Anne Daumas : On observe effectivement un réel besoin d'harmonisation européenne, et l'industrie alimentaire milite en ce sens. Donner une information cohérente dans tous les pays est un impératif. Des discussions concernant la réglementation sur l'information du consommateur sont d'ailleurs en cours au niveau européen. Dans l'univers des corps gras et des huiles en particulier, la Fédération a élaboré un document intitulé Comprendre l'étiquetage nutritionnel des huiles, afin d'harmoniser la communication nutritionnelle sur les huiles végétales, de faciliter la compréhension et d'améliorer la lecture des étiquettes. En effet, les compositions varient d'une huile à l'autre et améliorer la connaissance des particularités de chaque huile permet aux consommateurs de faire des choix éclairés, en tenant compte des aspects aussi bien gustatifs que nutritionnels.
Anne Daumas : Avant que ne débute le débat sur la proposition de règlement, l'Association européenne des industries alimentaires (CIAA) a adopté une recommandation pour une action volontaire d'étiquetage de certains nutriments, dont la teneur énergétique, les protéines, les glucides et les lipides. En particulier, pour l'énergie et les quatre nutriments considérés comme ayant un intérêt de santé publique, cette information nutritionnelle est donnée par portion et fait référence aux apports quotidiens recommandés (Guideline Daily Amounts ou GDAs).Par exemple, lorsqu'une vitamine est indiquée dans la composition nutritionnelle, l'AJR (apport journalier recommandé) indique la quantité journalière conseillée. Dans l'univers de l'huile, l'information est spécifique, car l'huile ne contient que des lipides. Aussi, l'information que recherchent les consommateurs porte sur leur nature (saturées, monoinsaturées, polyinsaturées, etc.) ou sur l'enrichissement éventuel en vitamine D.
Anne Daumas : Les acides gras trans sont des acides gras insaturés qui font grimper le mauvais cholestérol et baisser le bon. Présents naturellement dans les produits animaux (du fait de la biohydrogénation dans le rumen des ruminants), ils sont également générés par les techniques industrielles lors de l'hydrogénation partielle des matières grasses pour les solidifier. Quand l'hydrogénation est partielle, on forme des acides gras trans, quand elle est totale, les acides gras insaturés deviennent saturés. Les trans apparaissent également lors de l'étape finale du raffinage des huiles, mais la quantité formée reste marginale et très contrôlée. Les premières études sur leurs effets néfastes sont apparues il y a une quinzaine d'années aux Etats- Unis. Dès 1995, l'Association européenne des margariniers a mis en place un code de bonnes pratiques. Ainsi, aujourd'hui, les margarines destinées au consommateur contiennent moins de 1 % d'acides gras trans, ce qui est conforme aux recommandations figurant dans le rapport de l'Afssa de 2005. Au vu des efforts faits par l'industrie alimentaire ces dernières années, on peut considérer qu'il n'y a pas de risque sanitaire. Pour ce qui concerne les autres acides gras, les ANC (apports nutritionnels conseillés), qui datent de 2001, recommandent de consommer moins de graisses saturées et plus d'acides gras polyinsaturées de type oméga 3. Cela a conduit les autorités françaises a élaborer des recommandations dans le cadre du PNNS (1 et 2). Les dernières données sur la consommation de la population française (enquête INCA 2 de décembre 2007) confirment que nous sommes toujours en surconsommation de lipides et d'acides gras saturés.
Anne Daumas : L'industrie alimentaire est opposée aux trafic lights", car il ne s'agit pas dans ce cas d'informer le consommateur mais de diriger ses choix. Nous préconisons plutôt de donner les informations par exemple sous forme de tableaux, formats prônés par l'Europe. Dans l'univers de l'huile, il a été proposé un logo énergie "indiquant la quantité de calories apportées par une cuillère à soupe d'huile végétale (10 g = 90 kcal). L'indication par portion est beaucoup plus parlante que pour cent grammes", d'autant que l'on mange rarement cent grammes d'huile. Quant aux feux tricolores, sur une bouteille d'huile cela reviendrait à toujours afficher un feu rouge, en raison de la présence de 100%de lipides, certains acides gras étant pourtant essentiels à la santé ! Le choix du logo énergie" permet de clarifier le discours, mais il demeure souvent une difficulté : comment harmoniser la notion de portion, compte tenu d'habitudes alimentaires européennes très diverses ? Dans le cas de l'huile, la portion de 10 grammes a été retenue, ce qui correspond en France à une cuillère à soupe.
Anne Daumas : Nous ne sommes pas favorables à un étiquetage nutritionnel complet en face avant, car cette somme d'informations supplémentaires ajoute à la confusion. L'étiquette doit donner des informations lisibles et visibles. Ce choix aurait en outre pour effet pervers d'augmenter la taille de l'emballage, ce qui ne semble pas opportun à l'heure du Grenelle de l'environnement.
Anne Daumas : Le règlement, entré en application en juillet 2007, harmonise les allégations nutritionnelles et sanitaires, afin de clarifier la communication faite sur les produits. Rappelons qu'une allégation nutritionnelle indique que tel produit est, par exemple, riche en oméga 3", et qu'une allégation sanitaire souligne que dans tel produit les oméga 3 participent au bon fonctionnement du système cardiovasculaire". La première allégation est de nature quantitative, la seconde est de nature qualitative. Le règlement a lié la possibilité de mentionner une allégation nutritionnelle ou sanitaire sur le produit s'il respecte un profil nutritionnel précis. Pour l'heure, les profils nutritionnels ne sont pas encore définis. Auronsnous un profil général ou des profils par catégories de produits ? Quel nutriment sera pris en compte pour les définir ? Comment les rendre compatibles avec des cultures alimentaires différentes ? Pour les margarines et les huiles, il serait pertinent de tenir compte de la spécificité de ces produits, par une exemption ou une dérogation. En effet, ils sont composés uniquement ou essentiellement d'acides gras, nutriments importants dans l'alimentation, et pour certains d'entre eux, essentiels.
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