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la revue des marques - n°63 - juillet 2008
 

Le désir de santé, moteur du développement durable

Le consommateur devient actif pour sa santé. Elle se définit moins comme un état de non-maladie que comme une aspiration au bien-être. Il revient aux entreprises de répondre à ce désir sanitaire nouveau, source de nouveaux marchés, en respectant les principes de vérité, de sincérité et de transparence.

Entretien avec Jean-Michel Gilibert, agence Protéines*
PAR JEAN WATIN-AUGOUARD


Vous venez de publier Le Désir de santé. De quand date le phénomène qu'il décrit ?

Le désir de santé, moteur du éveloppement  durable
Jean-Michel Gilibert et Christophe Thomassin

Jean-Michel Gilibert : L'exemple du marché des huiles permet de dater la première étape du phénomène, qui prend sa source chez les cardiologues américains. En 1964, Astra-Calvé, filiale d'Unilever, met en évidence l'action des acides gras polyinsaturés dans la prévention des maladies cardio-vasculaires. Produit miracle, la graine de tournesol, riche en acides gras polyinsaturés, donne naissance, en 1969,à Fruit d'or, première huile de tournesol avec son slogan "Fruit d'or, pour mieux équilibrer votre alimentation". La margarine Fruit d'or au tournesol vient en 1972.Cette innovation et sa promesse sanitaire bouleversent le marché des huiles, jusqu'alors dominé par l'huile d'arachide avec Lesieur et Huilor, dont le slogan était "Huilor, une huile bien grasse".L'huile d'arachide perd de sa superbe, et la réponse de Lesieur est Isio 4, un équilibre de corps gras grâce à un mélange de graines. Alternativement, au gré des études scientifiques et des lobbies, le gras, le sucre, puis le sel seront mis au banc des accusés. C'est fin 1988 que Christophe Thomassin et moi-même avons créé l'agence de conseil Protéines. Nos premiers clients ont été Candia, Carrefour (Guides nutrition) et les eaux de Nestlé. Les consommateurs commencent à réfléchir à l'impact de leur alimentation sur leur santé : ce que nous mangeons n'est pas neutre. Ils redécouvrent ainsi la devise d'Hippocrate : "Ton alimentation sera ta première médecine."C'est à cette époque que certaines marques, particulièrement dans l'univers laitier, se positionnent sur la santé, B'A, Bio de Danone et l'Institut du même nom. Puis la fin des années 1990 a vu déferler la vague de la sécurité alimentaire (OGM, vache folle, listeria, salmonelle…). L'heure est à l'inquiétude. Depuis le début des années 2000, les problématiques sont liées au surpoids et à l'obésité. Le discours prône le bannissement de certains produits tels que BRSA, chocolat, confiserie… De nouvelles entreprises se trouvent concernées par l'enjeu de la santé.

Fin 1988, les consommateurs commencent à réfléchir à l'impact de leur alimentation sur leur santé, selon la devise d'Hippocrate : "Ton alimentation sera ta première médecine."

Comment définissez-vous ce concept de "désir de santé" ?

Jean-Michel Gilibert : Le désir de santé décrit une nouvelle posture vis-à-vis de la santé. L'heure n'est plus au "survivre" mais au "bien vivre". Le patient, devenu impatient, entend agir sur sa santé de manière préventive et globale. La santé n'est plus un état de "non-maladie", elle ne relève plus du seul corps médical, elle n'est plus appréhendée de manière négative dans le sens "être en bonne santé, c'est ne pas avoir mal, ne pas souffrir". Les frontières entre santé et bien-être sont de moins en moins bien définies. De nouveaux mots apparaissent qui témoignent d'un changement : équilibre, forme, sensation, plaisir, confort, environnement… Aujourd'hui, la santé est entre nos mains, et c'est à nous de gérer notre espérance de vie, en maîtrisant notre alimentation, notre activité physique et notre hygiène de vie. Le désir de santé est une aspiration joyeuse, plaisir et santé ne sont plus antinomiques.

Quels sont les apports de votre baromètre Protéines-BVA ?

Jean-Michel Gilibert : L'objectif de ce baromètre, établi en 2007 avec BVA en partenariat avec La Tribune et BFM, était de répondre à un certain nombre de questions : quel est et doit être le rôle des entreprises en matière de santé ? Quelles entreprises prennent en compte la santé du public, de leurs clients, de leurs salariés ? Quels bénéfices peuvent-elles en tirer ? Le Baromètre dresse aussi un palmarès de l'image des entreprises sous l'angle de la santé. Au nombre des enseignements, 70 % des personnes interrogées pensent que les entreprises jouent un rôle important en la matière. L'entreprise peut rendre l'environnement plus sain, aider ses salariés à avoir une meilleure hygiène de vie, subventionner la recherche ou les campagnes de santé publique, proposer des produits plus sûrs… L'automobile est le premier secteur (51%) perçu comme se préoccupant de la santé des Français. Elle est suivie de près par l'équipement de la maison et les produits de grande consommation. Lorsqu'il s'agit de citer des entreprises, spontanément comme en assisté, Danone et EDF sont perçues comme "s'intéressant le plus à la santé du public, de leurs clients et de leurs salariés".

Toutes les entreprises ont-elles la légitimité d'une vision de la santé ?

Le désir de santé, moteur du éveloppement  durable

Jean-Michel Gilibert : Au-delà des secteurs où il y a ingestion d'aliments, directement concernés par l'enjeu sanitaire, toutes les entreprises peuvent agir. Leur vison de la santé doit satisfaire à plusieurs critères. Elle doit d'abord être légitime, et la légitimité ne dépend pas du secteur, mais de la cohérence entre les actions et le discours, l'interne et l'externe : le cap santé doit être tenu dans la durée. Elle doit avoir de la crédibilité, qui est la capacité à mener de front le faire et le dire. Et de la sincérité, qui impose de fuir tout ce qui promeut le pseudo santé marketing. Enfin, elle doit être source de progrès. Le défi concerne non seulement les produits et les marques mais aussi l'entreprise.
Si elle n'est pas fidèle à des valeurs, la marque en souffrira. Reste que le marketing, encore prisonnier du schéma prix-promotion, n'a pas la culture de la santé et hésite à en saisir toutes les opportunités. Au nombre des acteurs, ajoutons que les collectivités locales peuvent jouer un rôle important, au travers de programmes tels qu'Epode ("Ensemble, prévenons l'obésité des enfants").
Développé dans deux cents villes, ce programme de prévention vise à recréer des repères et à modifier progressivement et en profondeur les comportements alimentaires et l'activité physique des familles.

Comment parler de santé ? Comment informer les consommateurs sans diaboliser ?

Jean-Michel Gilibert : Une des évolutions marquantes de nos sociétés est le développement de ce que les sociologues appellent la "réflexivité", qui définit le contraire de "l'allant de soi". Pour être acceptées, les choses doivent être justifiées. Il en va ainsi des marques. Elles doivent justifier leurs promesses pour obtenir la confiance des consommateurs qui ne sont pas dupes et sont en quête de repères. C'est pourquoi la priorité doit aller à l'éducation et à l'amélioration des comportements, plutôt qu'à la stigmatisation de secteurs économiques entiers. Il faut apaiser la relation du consommateur avec son alimentation. Manger ne tue pas. L'équilibre doit être le maître mot.

Aujourd'hui, la santé est entre nos mains, et c'est à nous de gérer notre espérance de vie, en maîtrisant notre alimentation, notre activité physique et notre hygiène de vie. Le désir de santé est une aspiration joyeuse, plaisir et santé ne sont plus antinomiques

Doit-on encadrer, voir interdire la publicité alimentaire à destination des enfants ?

Jean-Michel Gilibert: Nous croyons plus aux démarches d'autorégulation des entreprises, qui ont naturellement intérêt à s'adapter à leur environnement et à leur clientèle, qu'à la contrainte législative ou qu'à l'interdiction de manière générale. Nous pensons que les entreprises font partie de la solution, aux côtés des pouvoirs publics. Nous sommes convaincus de la nécessité de la collaboration public-privé dans le travail d'éducation, notamment auprès des enfants. Certaines marques emblématiques ont la capacité de promouvoir les bons comportements auprès de publics insensibles aux messages officiels. Mais dire cela est déjà une petite révolution…

Comment définir le "marketing santé" ?

Jean-Michel Gilibert : A l'heure du développement durable, ou mieux, de la santé durable, nous croyons à l'efficacité d'un cercle vertueux : responsabilité-opportunités. Dont le point de départ est la responsabilité de l'entreprise, elle-même initiatrice de nouvelles opportunités, en termes de produits, de communication, de liens avec les consommateurs et les collaborateurs, et de marques. Ce que nous appelons le healthing way.

(*) Coauteur avec Christophe Thomassin du Désir de santé, Eyrolles, 2007.
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