Il y a peu, l'écologie constituait une véritable terra incognita pour les marques et le marketing. Le sommet de la Terre, ou Sommet de Rio, marque la découverte de la notion de développement durable. En 1998, le protocole de Kyoto scelle l'engagement international à stabiliser (et non réduire) la concentration des gaz à effet de serre. La catastrophe de l'Erika en France achève de sensibiliser l'opinion publique. Ces avancées politiques trouvent un écho dans les campagnes institutionnelles de grandes entreprises hexagonales. A ce stade, la promesse de responsabilité était prise en charge par la communication corporate.
Le cas de Compagnie Générale des Eaux est exemplaire. Rendu nécessaire, l'avènement du nom Vivendi* a initié un tournant majeur dans l'histoire du naming et dans la vie des entreprises. Par la référence à la vie et au "mode de vie", on insufflait alors à la "nouvelle" société une portée environnementale d'avant-garde. Les dix dernières années ont vu le "green" se généralise : des marques corporate/enseignes (les jardineries Villa Verde*) aux marques produits (produits d'entretiens Soluvert*). Le vert devient un argument marketing incontournable.
Face à la demande d'écologie des consommateurs, les marques apportent des réponses différentes. Les marques "militantes" telles Ethiquable, les yaourts Vrai revendiquent jusque dans leur nom un business model où eco-responsabilité rime avec rentabilité. En revanche, Max Havelaar ou Yves Rocher ont construit leur identité sur l'exigence durable.
L'écologie peut aussi être un plus, un faire valoir, à l'instar des services Vélib** (Mairie de Paris) ou d'Okigo** (Vinci Park/Avis). Dans ces appellations, c'est la qualité du service qui est mise en avant, alors que l'argument vert intervient en aval, dans la communication. Orbeo**, joint-venture de Rhodia et de la Société Générale, dont le nom est construit sur la racine latine orbs (la terre) développe des projets de réduction d'émission de gaz à effet de serre, et des solutions de marché pour lutter contre le changement climatique. Le discours environnemental est plus suggestif que déclaratif. Peut-on encore rester créatif devant cette déferlante verte ? Comment renouveler le "green naming" pour créer des marques distinctives ?
En optant pour la couleur bleue, Nomen a créé pour EDF la marque Bleu Ciel dont le positionnement répond à la problématique d'économie énergie."Bleu Ciel", une expression qui renvoie à la couleur du ciel ("le ciel bleu") puis à une couleur en soi, "le bleu ciel". On évoque ici le bien-être intérieur, la quiétude. Métaphore de l'avenir, le ciel donne aussi à imaginer un horizon dégagé et suggère un futur pérenne envisagé avec sérénité.
Dans le même esprit, Volkswagen a lancé Blue Motion. Une autre solution pour rester original : le décalage, avec le label OVNI, Objet Vert Non Identifié (Saab).
Alors le vert, une tendance lourde ? Certainement, à condition que les entreprises traitent leur communication de manière globale et que le "green inside" ne soit pas réduit à un argument marketing vendeur. A l'ère de la transparence, les engagements vertueux ne doivent pas être seulement une promesse marketing. La conscience écologique doit investir toute la sphère de l'entreprise :des marques produits aux marques corporate, en passant par les marques employeurs et les actions de mécénat. Louis Vuitton vient d'offrir à ses salariés un abonnement Vélib'. Cette action va de pair avec les engagements environnementaux de la maison mère LVMH.Les campagnes militantes de Monoprix sont relayées par la conception de produits alimentaires, et de vêtements écologiques. On ne peut plus envisager la marque comme on l'a fait ces trente dernières années. Jean-Noël. Kapferer parle de "réinventer la marque" devant cette ondée verte. Une des pistes de ce renouveau se dessine dans un nouveau concept transcendant celui d'écologie :"l'écoperformance", qui concilie responsabilité et rentabilité, écologie et économie, tant pour l'entreprise que pour le consommateur. Le label Eco2 de Renault en est une bonne illustration.
Fondateur de la société de création de noms Nomen, Marcel Botton analyse l'univers du politique à l'aune du marketing. Les hommes politiques sont-ils des marques ? Marque commerciale et marque politique, mêmes combats ?
Les hommes politiques sont des marques comme les autres, par Marcel Botton, Edition du Moment, 252 pages, 16,50 euros.
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