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Revue des marques : numéro 62 - Avril 2008
 

Atteintes aux marques

Les atteintes aux marques sur l'Internet se multiplient. De nouvelles formes apparaissent telles que les keywords chinois, le second marché des noms de domaine ou encore les conséquences de l'anonymat des whois (who is). Tour d'horizon des dernières tendances.

Propos recueillis par Nathalie DREYFUS*.



Atteintes aux marques
L'atteinte à la marque sur l'Internet peut prendre des formes diverses et variées.
Il peut s'agir, en particulier, de l'utilisation sans autorisation d'une marque contrefaite sur l'Internet au sein d'un site, de l'utilisation d'une marque en tant que nom de domaine, de la pratique des métatags et du référencement payant ou encore de l'utilisation de la marque par les sites de vente aux enchères pour des produits contrefaisants.
De nouvelles formes d'atteintes sont apparues telles que les keywords chinois, le second marché des noms de domaine ou encore les conséquences de l'anonymat des whois.
Une fois l'atteinte identifiée, il convient de mettre en place la stratégie la mieux adaptée pour enrayer l'atteinte telle qu'une procédure extrajudiciaire du type UDRP (Uniform Dispute Resolution Procedure) ou une procédure judiciaire contre le contrefacteur, le fournisseur d'hébergement, le moteur de recherche ou le site de vente aux enchères souvent plus solvable et plus facilement identifiable que le contrefacteur.

Cybersquatting : contentieux important

Atteintes aux marques
Le cybersquatting consiste à déposer, en contrevenant volontairement à un droit de marque, un nom de domaine correspondant au nom d'une entité ou de l'une de ses marques, afin de profiter du trafic qu'entraîne le site officiel de la marque. Ainsi, une personne physique ou morale s'octroie indûment un nom de domaine dans le seul but d'en tirer un bénéfice direct (en le monnayant auprès d'une personne ayant des droits ou intérêts légitimes sur ce nom) ou indirect (en réalisant des bénéfices par exemple grâce au nombre de connexion sur le site Internet relié grâce à ce nom de domaine). Les titulaires de marques ont réagi contre cette pratique en utilisant les procédures existantes au niveau extrajudiciaire ou judiciaire. D'autres atteintes découlent du cybersquatting. C'est le cas du typosquatting, forme de cybersquatting consistant à enregistrer un nom de domaine dont l'orthographe est proche d'une marque, d'une dénomination sociale, d'un nom de famille, voire d'un titre d'une oeuvre de l'esprit. Le but recherché par le typosquatteur est de faire en sorte que l'orthographe du nom de domaine frauduleusement enregistré soit si proche de l'orthographe originelle que l'internaute, par une faute de frappe, se retrouve sur le site litigieux et non sur le site souhaité au départ. Ainsi, la pratique vise à capter le trafic du site officiel et récolter des e-mails adressés à la société victime. De même, est apparu le dotsquatting par l'enregistrement de noms de domaine précédés de <www> afin de capter le trafic des internautes ayant oublié le point entre le <www> et le nom de domaine. Le risque de confusion est alors important.

Parallèlement au cybersquatting, la pratique du "domain tasting" prend de plus en plus d'ampleur. Il s'agit d'un détournement de la période "add grace" (délai de grâce de cinq jours avant de devoir payer un nom de domaine nouvellement cybercrienregistré). L'utilisation d'un nom de domaine pour en tirer des revenus n'est pas prohibée en tant que telle par les règles UDRP. Elle le devient dès lors qu'il est démontré qu'il s'agit de tirer profit d'un droit de marque appartenant à un tiers.De nombreuses décisions retiennent la mauvaise foi du réservataire qui utilise le nom pour en tirer des gains commerciaux.

Afin d'enrayer ce phénomène de plus en plus présent, Nominet a mis en place des sanctions pouvant aller jusqu'à la suppression de l'accréditation d'une unité d'enregistrement (8 août 2006). De même,l'ICANN a,dans un projet du 22 février 2007, voulu inciter PIR, registre du .ORG à facturer les enregistrements temporaires de noms objets de domain tasting. La lutte contre le domain tasting s'amplifie.Récemment,Google a annoncé son intention d'identifier les noms constamment enregistrés puis relâchés. Le programme Google Adsense exclurait ces noms, empêchant ainsi toute personne ou entité de générer du revenu en enregistrant temporairement un nom de domaine pour tester sa popularité.Parallèlement,des actions judiciaires ont été engagées fin 2007 par des entreprises telles que Yahoo ou Dell. Des négociations sont également en cours auprès de l'ICANN. En effet, Neustar et Affilias, en charge respectivement des .BIZ et .INFO ont demandé la modification de leurs contrats afin d'instaurer des seuils au-delà desquels un registrar ne pourra plus se faire rembourser un nom déposé puis annulé sous cinq jours (soit dans le cadre de la période "add grace"). Ainsi, l'ICANN envisage de faire payer l'enregistrement d'un nom dès son premier jour de réservation afin d'éviter l'usage gratuit des noms de domaine dans cette période de cinq jours. Cette proposition a été intégrée au budget 2008 et la question a été débattue au Conseil de l'ICANN à New Delhi entre les 10 et 15 février 2008.Des mesures devraient ainsi rapidement survenir sur le sujet.
Atteintes aux marques
Le cybersquatting consiste à déposer, en contrevenant volontairement à un droit de marque, un nom de domaine correspondant au nom d'une entité ou de l'une de ses marques, afin de profiter du trafic qu'entraîne le site officiel de la marque.

Levée de l'anonymat : difficulté supplémentaire

Aujourd'hui, la tendance générale est celle de l'anonymat. Un exemple récent illustre cette généralisation. En effet, depuis le 1er mars 2008, pour la Belgique, les whois des noms de domaine en .BE détenus par des particuliers sont devenus anonymes. La France a opté pour ce système depuis 2006 pour le whois des particuliers en .FR (ouverture du .FR aux particuliers depuis le 20 juin 2006).L'anonymisation du whois permet de protéger efficacement les données à caractère personnel. En effet, les lois "Informatiques et Libertés" (1) telles qu'elles découlent de la Directive 95/46/EC du 24 octobre 1995, sont destinées à garantir la protection de la vie privée des citoyens face aux moyens de traitements automatisés de données numériques. Le nombre de plaintes relatives au cybersquatting des noms de domaine en .FR déposées auprès du Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI a triplé en 2007 par rapport à 2006. Cinquante litiges, concernant soixante-deux noms de domaine en .FR, ont ainsi été présentés devant le Centre d'Arbitrage durant l'année 2007, contre dix-huit en 2006 (selon le site de l'OMPI).

L'anonymisation présente l'avantage d'éviter le spam et la prospection commerciale par le biais d'e-mails et permet de protéger efficacement la vie privée. Cependant, elle entraîne de nombreux inconvénients. En effet, l'anonymat du whois prive les titulaires de marques d'informations essentielles pour résoudre les litiges relatifs à la propriété intellectuelle. Ainsi, les requérants n'ont pas d'autres possibilités que d'engager des poursuites judiciaires ou extrajudiciaires afin d'obtenir la levée de l'anonymat. La résolution des conflits prendra plus de temps et coûtera nécessairement plus cher. En outre, ceci constitue un frein à la lutte contre la cybercriminalité. Par conséquent, dans certains cas, l'anonymat du whois apparaît comme contraire à l'intérêt général. Il encourage et facilite la violation des droits d'autrui. S'il est décidé que les coordonnées ne doivent plus apparaître sur la base whois, un système devrait être mis en place afin qu'une personne justifiant d'un intérêt légitime puisse obtenir facilement la levée de l'anonymat.

L'anonymat peut être levé si nécessaire et selon des modalités précises. En France, la communication des données personnelles ne peut être obtenue que sur réquisition judiciaire ou dans le cadre d'une procédure alternative de résolution des litiges auprès de l'OMPI. L'AFNIC a fait évoluer la levée de l'anonymat. Elle a mis en ligne un formulaire. Si des raisons légitimes sont apportées, l'AFNIC lève l'anonymat à l'égard du demandeur et lui révèle l'identité du réservataire du nom de domaine.La levée n'est donc pas automatique.Aussi,l'AFNIC a mis en ligne un outil de "mise en relation avec le contact administratif". Cet outil permet à toute personne de rentrer en relation avec le contact administratif du nom de domaine. Cependant, ce dernier n'a aucune obligation de répondre. Les modifications récentes de la charte de nommage de l'AFNIC sont bienvenues car le contexte, figé, laissait le titulaire de droit dans une situation inconfortable. Il est à regretter que cette évolution ait été trop lente, laissant perdurer de nombreuses atteintes. Le bon compromis est de maintenir l'anonymat tout en offrant aux ayants droit un processus de levée d'anonymat efficace, rapide et peu onéreux.

Les actions extrajudiciaires

La procédure UDRP rencontre un franc succès (rien que pour le Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI en 2003, 1100 plaintes et en 2007, 1823). Fort du succès de la procédure, de nombreux pays ont adhéré au système, il en va en particulier du Maroc pour le .MA par exemple. La procédure est cependant limitée aux cas de réservation de noms de domaine enregistrés et utilisés de mauvaise foi ou abusivement (cybersquatting) et ne vise que les conflits entre droits de marque et noms de domaine. Les conditions requises pour prospérer dans le cadre d'une plainte UDRP sont au nombre de quatre : le nom de domaine doit être identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits ; le réservataire du nom de domaine ne doit avoir aucun droit sur le nom de domaine ou intérêt légitime qui s'y attache ; le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi ; le nom de domaine est utilisé de mauvaise foi. La question de la langue de procédure est extrêmement importante car elle conditionne nécessairement le coût et la durée de la procédure. En effet, selon l'article 11 a) des règles UDRP, la langue est celle du contrat d'enregistrement du nom de domaine.Cependant, les parties peuvent convenir d'un commun accord d'une autre langue. L'institut de règlement peut également imposer une autre langue (Décision D2007-0698 Denios SARL v Telemediaque France). Il s'agit souvent de l'Anglais et de plus en plus du Coréen ou du Chinois. Selon l'article 11 b) des règles UDRP, la Commission peut ordonner que toute pièce soumise dans une langue autre que celle de la procédure administrative s'accompagne d'une traduction complète ou partielle dans cette langue. Cette situation est très préjudiciable pour les titulaires de marques qui sont confrontés à des frais supplémentaires de traduction. Ces derniers temps, une solution plus souple a été adoptée avec un partage possible de la langue de procédure entre celle du requérant et celle du défendeur.

Il existe une procédure spécifique pour les keywords chinois.Ce phénomène se développe de plus en plus. Il s'agit de trouver facilement un site en caractères latins en utilisant un mot-clé chinois. Ces services sont utilisés par plus de 90 % des internautes chinois. En plus des mots clés et des lettres, des nombres ou encore des marques peuvent être enregistrés (exemple :"PEPSI"connu en Chine sous le nom de "BAISHI"). Les mots-clés, tout comme les noms de domaine, sont attribués sur le fondement de la règle du "premier arrivé,premier servi". L'"Internet Keyword Registration Measure"implique que le site Internet ait un lien étroit avec le mot-clé choisi. En outre, le mot-clé réservé ne doit pas porter atteinte aux droits de tiers. Il est possible de déposer une plainte auprès du CIETAC(2) ou du HKIAC(3). Les conditions de ces procédures sont proches de celles de l'UDRP. A l'issue de la procédure, peuvent être prononcées soit l'annulation soit le transfert du mot-clé. De 2001 à 2006, plus de 460 plaintes déposées ont abouti au transfert ou à la radiation de près 330 mots-clés chinois.

Notes

(*) Conseil en propriété industrielle, conseil européen en marques, expert auprès du Centre d'Arbitrage et de Médiation de l'OMPI, Dreyfus & associés.
(1) Loi relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés du 6 janvier 1978 n°78-17 : http://www.legifrance.gouv.fr/
(2) China International Economic Trade Arbitration Commission
(3) Hong Kong International Arbitration Center
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