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revue des marques numéro 61 - janvier 2008
 

Cadum retour aux racines

Racheté en 2003 à Colgate-Palmolive, Cadum exhume de son patrimoine plusieurs pépites au service de son renouveau.

Jean Watim-Augouard


Cadum
L'avenir de la marque ? A cette question, souvent posée dans les colloques et séminaires de marketing, une réponse rarement avancée pourrait, un jour, enfin s'imposer :l'homme. Il ne s'agit pas tant de paraphraser, pour le plaisir, Louis Aragon, que de rappeler une évidence souvent oubliée. Recherche, communication, design, marketing… ne sont que des outils au service d'une mission que l'homme ou la femme assigne à la marque dont il ou elle est responsable. Le cimetière des marques est riche de celles, abandonnées, mortes de lassitude et d'épuisement, et combien doivent, qui leur renouveau, qui leur salut, à des entrepreneurs passionnés, amoureux. Car la relation à la marque est d'abord une relation charnelle, une affaire de coeur. Il faut avoir la marque dans ses tripes, condition sans laquelle il n'est de goût du risque, d'audace créatrice ni d'enthousiasme mobilisateur.

Quand Cadum redevient français

Cadum

Cadum
"Je caressais depuis longtemps un rêve, confesse Gilles Nouailhetas, repreneur de Cadum en 2003, quand, chef de produit chez Sara Lee pour Sanex et Monsavon, et passionné par les marques chargées d'histoire, je m'imaginais racheter la marque,car j'observais un décalage entre ce qu'elle était et ce qu'elle pouvait être."Toujours chez Sara Lee, mais chargé de l'insecticide Catch, il fait une rencontre décisive : son futur associé, Jean-Marie Total, alors vendeur à Sara Lee de sa marque d'insecticide Pyrel."Il sait transformer une opportunité en marché", dit Gilles Nouailhetas de son associé. "Ce n'est pas par déduction logique d'une analyse de marché mais parce qu'on voulait faire quelque chose ensemble que nous nous sommes lancés dans l'aventure".Après deux ans de vicissitudes, ils achètent Cadum, le 7 août 2003, avec le soutien de la Caisse des dépôts,du CIC et de la Banque Pallatine, à Colgate Palmolive, qui souhaitait, depuis quatre ans, céder cet actif jugé non stratégique pour le groupe. Au nombre des obstacles :réunir les fonds ! "On achète un bout de papier sans élément tangible, ce que n'aiment guère les banquiers et fonds d'investissements,rétifs à tout ce qui relève de l'immatériel, pour eux sans valeur",se souvient Gilles Nouailhetas. "Établir un dossier solide est indispensable mais difficile,car le vendeur ne délivre aucune information stratégique sur la marque. On ne peut donc pas tout prévoir, tout programmer. Aussi ceux qui ont besoin d'être rassurés sur tout ne peuvent s'engager dans un tel projet, car il faut laisser une part à l'incertitude, à l'inconnu." Aux surprises également : les deux futurs acheteurs apprennent que dans le lot figurent deux autres marques : Donge, lancée par Cadum en 1926 comme un me-too de Cadum,et Cleopatra,lancée par Colgate au milieu des années 1980. Une fois l'acquisition faite, ils découvrent que 30 % des ventes proviennent de l'international (Grèce, Allemagne, Dom-Tom) pour Donge et surtout Cleopatra (cependant exclue des pays du Golfe), et que Colgate garde Cadum au Maroc,car la marque associée à un shampoing, détient 60% de part de marché et réalise 40 % du chiffre d'affaires de Colgate dans ce pays.
La relation à la marque est d'abord une relation charnelle, une affaire de coeur. Il faut avoir la marque dans ses tripes, condition sans laquelle il n'est de goût du risque, d'audace créatrice ni d'enthousiasme mobilisateur.

Retour aux racines de la marque

Cadum peau douce

Cadum bébé
2003 : un savon solide à l'amande douce et un talc Cadum, un chiffre d'affaires de 8 millions d'euros dont quatre pour Donge et Cleopatra, et deux personnes. Aujourd'hui, la société Cadum réalise 32 millions de chiffre d'affaires avec une dizaine de collaborateurs. "Durant les six premiers mois, nous étions, par contrat, distribués par la force de vente de Colgate, et un accord de fabrication nous était assuré pendant trois ans. Depuis, nous sous-traitons la fabrication, la force de vente et l'administration des ventes, et nous gérons en propre la recherche, le marketing et les négociations en centrale d'achat." Depuis l'acquisition, deux défis ont été relevés en même temps : la recherche de partenaires fabricants, en France et à l'étranger, et le repositionnement de la marque. "On nous attendait sur le territoire du bébé, nous avons privilégié la raison d'être historique de Cadum, inscrite dans ses racines :donner par nos produits la douceur de la peau de bébé aux adultes", résume Gilles Nouailhetas.

Traduction du bénéfice fonctionnel dans l'offre : avec pour slogan "Votre peau demande tant d'amour", Cadum se singularise comme étant le "produit pharmacie" de la grande consommation, avec des promesses de soins pointues dans la gamme douche, allant du surgras au produit sans savon. "Nous prenons soin de la peau de l'adulte comme de la peau d'un bébé."

En avril 2004, soit moins d'un an après son rachat, Cadum lance un gel douche, dans un univers pourtant déjà très mature. Il s'arroge aujourd'hui 3 % du marché des douches,au même niveau que Monsavon et Palmolive. "Et cela, sans publicité", précise, non sans fierté, Gilles Nouailhetas. Le repositionnement de la marque concerne également l'engagement de Cadum quant à la composition des produits, la sélection très rigoureuse des ingrédients, et l'absence de conservateurs. "Nous entendons justifier la prime de marque par la qualité. N'ayant pas aujourd'hui les moyens de recruter de nouveaux consommateurs, nous fidélisons par le bouche-à-oreille. Nous sommes des artisans qui mettons de la valeur dans nos produits grâce à la qualité", explique Gilles Nouailhetas. C'est ainsi que l'huile d'amande douce est achetée en bio ! "Pour les générations futures, Cadum doit être une marque responsable". Quel fut l'accueil de la grande distribution ? "Par définition, personne ne vous attend. Il faut faire ses preuves. Les nôtres semblent faites aujourd'hui, eu égard au succès de notre référencement."

lait de toilette
Nous entendons justifier la prime de marque par la qualité. N'ayant pas aujourd'hui les moyens de recruter de nouveaux consommateurs, nous fidélisons par le bouche-à-oreille. Nous sommes des artisans qui mettons de la valeur dans nos produits grâce à la qualité.

Un centenaire en forme

Le "savon pour la toilette et le bain" est créé, en 1907, par Michael Winburn. C'est en découvrant un produit à base d'huile de Cade (appellation provençale d'un genévrier du midi), le baume Cadum, vendu par le pharmacien parisien Louis Nathan, que cet industriel américain, directeur d'une société de produits chimiques (l'Omega Chemical Company), et guéri d'un eczéma, achète le brevet. Le savon Cadum est popularisé par le fameux visage du "bébé Cadum",que l'on doit au peintre Arsène- Marie Le Feuvre.Nu sur une serviette – image osée à l'époque –, il envahit les murs de France dès 1913. La rumeur veut que le peintre se soit inspiré du fils de la célèbre danseuse américaine Isadora Duncan, mort peu de temps après, noyé dans la Seine. A partir de 1924, la société, qui détient 50 % du marché de la savonnette et des produits d'hygiène, organise le concours du "plus beau bébé". Aux mains du groupe Colgate-Palmolive en 1952, la marque redevient indépendante et française en 2003.

Selon le Robert, l'expression "Oh, le bébé Cadum" ne signifie-t-elle pas "gros bébé rose et joufflu" ? Il suffit de faire d'un handicap une force et de proposer les produits avec ce claim : "Je ne suis plus un bébé Cadum."

Deux nouveaux territoires en 2007

Maurice Obrejan
Depuis janvier 2007, Cadum investit le rayon bébé avec la marque Bébé Cadum. Sur le packaging figure le célèbre dessin du bébé croqué en 1913 (cf. encadré). A cette première pépite issue de son patrimoine, Cadum en ajoute une deuxième en redonnant vie, depuis 2006, à la célèbre élection du "Bébé Cadum". Modernité oblige, cette élection se fait sur Internet,en partenariat avec le site magicmaman.com pour créer du "buzz" autour de la marque Bébé Cadum : chaque mois un bébé est retenu, et la finale a lieu une fois par an. Après une année de sélections, plus de 40 000 participants et 120 000 votes d'internautes, Jeanne, 23 mois a été élue Bébé Cadum 2007, la première de la nouvelle galerie. Troisième pépite de la marque :le premier bébé Cadum, élu en 1925, Maurice Obréjan, toujours vivant, est membre du jury de l'élection 2008, qui aura lieu le 22 janvier avec Inès de la Fressange, présidente du jury. Nouvelle cible également en 2007 : l'enfant ! Comment vendre à des enfants un produit qui, par son fameux "Oh, le bébé Cadum", est une insulte ? Selon le Robert l'expression ne signifie-t-elle pas "gros bébé rose et joufflu"? Il suffit de faire d'un handicap une force et de proposer les produits avec, comme claim, "Je ne suis plus un bébé Cadum". En moins de quatre mois, Cadum pour enfant devient numéro un du segment enfant ! Belle performance pour une marque centenaire qui renoue avec la communication publicitaire depuis janvier 2008.
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