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Revue des Marques - numéro 59 - Juillet 2007
 

Le poids des mots, le choc des valeurs

La communication entre la marque et les consommateurs n'est plus à sens unique. La marque doit adapter son système de valeurs et son discours pour les mettre en cohérence avec les attentes et les tendances.

Entretien avec Nathalie BRION, présidente de Tendances Institut et Gérard Charbit, ancien président de Mc Cann Erikson, membre du conseil scientifique de Tendances Institut. Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.



Les outils traditionnels sont-ils encore pertinents pour mesurer aujourd'hui l'opinion publique ?

Le poids des mots, le choc des valeurs
Nathalie Brion : L'opinion est aujourd'hui rebelle à l'analyse. Les données statistiques sur la population française ne sont plus aujourd'hui pertinentes ni sur le plan quantitatif - nous ne savons pas, à 594 000 personnes près, à combien elle s'élève -, ni sur le plan qualitatif puisque les données CSP, datant de 1954, sont incapables de rendre compte de l'évolution sociologique. On peut, aujourd'hui, être par exemple ouvrier tout en ayant un niveau Deug. Les niveaux de diplôme, la disparité des activités professionnelles, la réalité des conditions de travail induisent des comportements décalés par rapport au groupe répertorié. Le comportement de l'individu n'est plus déterminé par son âge, son statut professionnel ou son niveau de revenu mais par son système de valeurs. Nous sommes, aujourd'hui, dans des logiques de cohortes cimentées par des valeurs qui se construisent sur l'idéologie, la culture, la religion, le mode de vie. Qui plus est, la rapidité des changements et l'atomisation croissante des canaux d'information contribuent à brouiller le recueil et l'interprétation des données.
Gérard Charbit : Les outils traditionnels de mesure de l'opinion publique sont de moins en moins fiables et de moins en moins prédictifs. Le décalage est croissant entre l'opinion déclarée et le comportement réel de la personne interviewée qui donne une opinion souvent à l'opposé de son intime conviction. Nous sommes passés d'une logique de masse à une logique de fragmentation qui conduit les responsables marketing à privilégier les tendances et les valeurs.

La blogosphère, évolution ou révolution ?

Nathalie Brion : C'est une révolution. L'essor du “participatif”bouleverse la communication des acteurs institutionnels. On compte, en France, trois millions de blogs et huit millions de visiteurs. C'est une nouvelle agora qui permet de répondre à deux nouveaux besoins : celui d'exprimer sa différence et son authenticité par l'auto-production de contenus et celui de partager, de consommer ensemble.Le blog de Loïc le Meur accueille 250 000 visiteurs tous les jours, plus que le journal Libération ! Dans la blogosphère, l'individu, micro leader d'opinion, devient un media.
Gérard Charbit : Il est donc nécessaire de disposer de capteurs pour mesurer, étudier ce qui se dit sur la Toile.

Comment ?

Le poids des mots, le choc des valeurs
Nathalie Brion : Tous les jours, nous observons les évolutions de la société à travers l'analyse du langage sur Internet. Notre méthodologie repose sur la sémiologie avec, comme lieu privilégié d'investigation, mais non exclusif, la blogosphère. L'analyse de réseaux permet d'établir une véritable cartographie de l'environnement social de l'entreprise : acteurs sociaux, arguments des groupes hostiles… L'objectif est de mieux maîtriser la façon dont se forment et circulent les discours tenus sur l'entreprise, les individus, les sujets d'actualité. Pour les marques, nous étudions les mots qui leur sont associés.
Gérard Charbit : Cette méthode permet de dresser un panorama total, une évidence au sens étymologique du terme, à savoir une vision globale. Au-delà des questions répétitives, on ouvre le champ et la marque peut apparaître sous un nouveau jour grâce à cet univers d'association. Les marques à l'avant-garde utilisent Internet pour définir leur territoire et communiquer ce qui leur permet de contourner les contraintes de la télévision en termes de ton et de format.

Quels sont les enjeux pour les marques ?

Nathalie Brion : Elles doivent repenser leur système de communication pour répondre aux attentes des nouveaux faiseurs d'opinion qui naviguent sur la Toile. L'heure n'est plus à la verticalité - l'autorité vient d'en haut -, mais à l'horizontalité, où le récepteur devient émetteur. L'individu se méfie des institutions et rejette les élites. Il ne veut plus être manipulé. Il pense que son opinion vaut celle de tout autre, même d'un expert. Les marques gagnantes seront celles qui sauront fédérer autour d'elles des cohortes d'individus autour de valeurs fortes. Elles doivent avoir une identité claire, bien connaître leurs cohortes/cibles et leur territoire et elles doivent repenser leur système de valeurs car une marque gagnante est une marque qui porte des valeurs.
Gérard Charbit : Il est rare qu'au sein d'une entreprise,le management ait une conviction identique et donc partagée sur les valeurs de la marque. Les visions sont plus diverses qu'on ne le croît. Notre outil va donc aider à définir en interne un même système de valeurs et servir de vigie sur l'évolution des tendances de fond. Loin des questions traditionnellement formatées, l'analyse sémiologique permet d'établir un portrait de la marque beaucoup plus précis ainsi que son système de référence. L'enjeu est, pour les marques aujourd'hui,de se poser de nouvelles questions pour stimuler la créativité. L'heure est davantage au marketing de conviction et moins au marketing d'études : il revient au responsable de la marque et non au consommateur de dire ce qui est bon pour la marque et choisir telle orientation pour sa marque. Il faut redonner aux chefs d'entreprise, aujourd'hui gestionnaires du quotidien,la possibilité de porter un nouveau regard sur le monde, source d'innovation.

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