Juin 2005. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, propose de “nettoyer au Kärcher”la cité des 4 000 de La Courneuve où un enfant a été tué par une balle perdue. Jusqu'alors utilisé de manière épisodique2,le mot“Kärcher”entre de manière négative dans l'univers politique pour désigner une action violente et radicale. Repris par l'ensemble de la classe politique, Kärcher va faire florès dans le vocabulaire politique : le député communiste Jean-Pierre Brard dépose, en avril 2006, un amendement à la proposition de loi UMP, stipulant que le fameux article 8 de la loi sur l'égalité des chances sur le CPE “est karchérisé”. Le président de l'Assemblée Nationale, Jean-Louis Debré, le rejette au motif que le mot n'est pas dans le Larousse ! L'édition s'en empare dans deux bandes dessinées “la face karchée de Sarkozy” publiée en novembre 2006 et mai 2007. Il faut attendre mars 2007 pour que la société Kärcher réagisse en publiant un communiqué dans la presse. “Face à l'utilisation répétée de notre marque loin de notre univers de communication habituel, nous souhaitons prendre la parole afin de lever tout malentendu, toute incompréhension et tout quiproquo qui pourraient être liés à l'emploi de notre nom”,pouvait- on lire, en mars 2007, dans les hebdomadaires (Le Point, L'Express et le Nouvel Observateur), les quotidiens (Le Figaro, La Tribune, Les Echos, Le Monde) et la presse régionale, à raison de deux à trois parutions par quotidien durant trois semaines. “Nous avons préféré rester discrets car à l'époque la situation de crise et de tension dans les banlieues était forte”, explique Patrice Anderouard, directeur département grand public et porte-parole de la marque en France. En prélude à cette campagne de communication, la société avait adressé une lettre à tous les candidats à l'élection présidentielle ainsi qu'aux présidents des groupes parlementaires, soit trente quatre personnalités politiques. “L'usage de notre marque à des fins politiques et pour désigner une ligne politique en relation avec des sujets de société sensibles est en opposition avec les valeurs que souhaite véhiculer notre entreprise, façonnée par soixantedix ans d'histoire. Sensibiliser la classe politique dans cette période électorale nous semble essentiel car attendu par les consommateurs de nos produits”, souligne le porte-parole de la marque. Pour autant, cette dérive a-t-elle nuit à la marque ? “Des études ont été réalisées pour mesurer l'impact sur l'image de la marque et les ventes et elles ontmontré que les consommateurs faisaient la part des choses et qu'ils prenaient leur distance.” Sensibiliser, oui, agir sur le plan juridique, non.
Un chiffre d'affaires de 20 millions d'euros en 1974, 1 264 millions en 2006. 6 millions d'unités produites en 2006 contre 4 000 en 1974. 500 000 nettoyeurs haute-pression commercialisés dans le grand public. 13 brevets en 1974, 347 en 2006. 85% des 1 600 produits ont moins de cinq ans. Plus de 100 prix nationaux et internationaux récompensent l'excellence du design. Une présence dans 160 pays. Un taux de notoriété spontanée supérieure à 80% et 65% de part de marché en France… Autant de chiffres qui témoignent du savoir-faire de l'entreprise allemande fondée, en Allemagne, en 1935, par Alfred Kärcher3. Ingénieur thermicien, il fabrique des chaudières et des fours à bain de sel quand, à la suite d'un voyage aux Etats-Unis où il découvre le nettoyage à pression, il fait breveter en 1950 le premier nettoyeur haute-pression à eau chaude ou froide. A sa mort, en 1959, sa femme prend la direction de la société. Les années soixante sont consacrées à l'internationalisation de la marque avec l'ouverture en France, en 1962, de la première filiale de distribution dans le Val-de-Marne. “Les années quatre-vingt sonnent l'heure de la diversification. Kärcher développe une stratégie de développement centrée sur le nettoyage” raconte Patrice Anderouard. La marque se dote d'une couleur jaune (déposée) et les “chevrons”présents au devant du logo depuis les années 1950 symbolisent le feu, l'eau et l'air, trois éléments utilisés dans le premier nettoyeur haute pression eau chaude.C'est en 1984 que Kärcher,ayant acquis auparavant une reconnaissance industrielle, entre sur le marché grand public et construit une très forte notoriété avec le nettoyeur haute-pression portatif. L'activité s'étoffe au fil du temps d'une gamme complète de nettoyage non plus seulement au travers de l'utilisation de l'eau mais des aspirateurs industriels et grands publics, nettoyages de voiries, nettoyages de sols, stations de lavage pour voitures (150 sites en France à la marque Kärcher). Le numéro un mondial du nettoyeur à usage professionnel se tourne, dans les années quatre-vingt-dix, vers la clientèle féminine, en se lançant dans l'électroménager. La marque jaune et noire prend pied en 1999 sur les marchés du repassage et des aspirateurs, sans oublier les balais électriques et les laveurs de vitres, et, avec son Robocleaner, mise résolument sur l'automation domestique. “Une complémentarité existe entre notre savoir-faire industriel et la notoriété de la marque acquise grâce à une communication de masse”, explique Patrice Anderouard. Cette diversification permet à la marque de désigner d'autres produits afin de ne pas être identifier à un seul produit et se confondre avec lui. Synonyme de “nettoyer”pour le grand public, Kärcher peut également signifier “potabiliser”, “protéger”, “recycler”, “repasser”…
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