À quoi sert une veille internationale de l'innovation à partir du moment où les diversités culturelles ou régionales demeurent importantes, particulièrement sur le marché alimentaire ?
Selon vous, les marchés seraient-ils plutôt sur la voie de la standardisation ou sur celle de la diversification ?
Quelles grandes tendances d'innovation distinguez- vous suivant les zones du globe ?
X. T. : Pour répondre à une telle question, nous serons forcément réducteurs… Toutefois, pour connaître ce qui se fait de plus avancé en matière de santé ou de forme, il faut se tourner vers l'Asie car la notion de fonctionnalité est un élément culturel dans ces régions. La convenience, la praticité, l'optimisation, la rapidité se retrouvent naturellement en Amérique du Nord, l'histoire des Etats-Unis explique ce phénomène. On y compte en moyenne sept prises alimentaires quotidiennes, alors qu'elle est de trois ou quatre en France. C'est la raison pour laquelle l'offre ayant trait au nomadisme, à la facilité d'utilisation ou au gain de temps est très forte aux Etats-Unis, même si les autres pays évoluent bien sûr également dans ce sens. Inversement en Europe - en Europe du Sud particulièrement -, la sophistication, le plaisir, la variété restent prépondérants. Et si, aujourd'hui, l'offre santé s'avère très dynamique en Europe, c'est parce qu'elle part de beaucoup plus loin.
Et les pays émergents ?
X. T. : Nous constatons que les pays émergents développent très rapidement leur capacité d'innovation et nous rattrapent à grande vitesse. Par exemple, l'offre en Chine il y a cinq ans restait encore très traditionnelle, à l'exception de quelques produits d'importation. Aujourd'hui, l'offre chinoise – éventuellement en partenariat avec de grands groupes multinationaux – est d'une richesse inouïe, assortie d'une hypersegmentation. Si bien que la Chine est devenue pour nous un des plus importants pourvoyeurs d'innovations dans le monde. On y assiste certes à une relative occidentalisation, mais les produits sont totalement adaptés… On ne consommerait jamais ces produits de façon identique en Europe.
Alors que la tendance est à leur optimisation, les marques répondent-elles à la tendance de diversité ?
X. T. : Par nature, le travail sur la marque est égalisateur, notamment pour les marques internationales bien sûr. La baisse du nombre de marques a essentiellement vocation à optimiser les coûts. La mondialisation de la marque repose sur des économies d'échelle. Les marques devraient davantage jouer la diversité car le consommateur ne se préoccupe pas de savoir si tel produit est signé par la même marque à l'autre bout du monde.
Vous allez ainsi à contre-courant de certaines théories marketing en vogue…
X. T. : Au risque de passer pour un peu provocateur, je dirais que la glorification de la marque a pu revêtir un côté excessif : la marque serait tout et les produits, rien. Certains ont véhiculé ce message - notamment dans les années 1990 mais encore aujourd'hui -, ce qui a fait beaucoup de tort aux industriels. Certes, la marque contribue à la valeur de l'entreprise, et les discours sur l'économie de l'immatériel sont intéressants. Mais ils ne devraient pas faire oublier que la marque ne sert à rien s'il n'y a pas de produits. C'est une absurdité de dire que les produits sont là pour alimenter la marque. Au contraire, les produits sont rois et la marque sert à les soutenir, en permettant de les identifier et en leur apportant une image. Le consommateur n'achète pas une marque avant tout – sauf dans quelques rares secteurs comme la mode… et encore, même un parfum, on l'achète pour son odeur. Il accorde d'abord son agrément, et son argent, à un produit. Or nombre d'investissements ont été concentrés sur la marque, engendrant un déficit certain sur la R&D et l'innovation, oubliant que la valeur même de la marque correspond à une valeur ajoutée supplémentaire du produit. Toutefois, je constate que les industriels se reprennent à ce sujet et cherchent de nouveau à générer de nouveaux concepts à valeur ajoutée d'ici à trois ans. Après avoir beaucoup travaillé sur la marque, sur le consommateur et sa fidélisation, certains se retrouvent un peu en panne d'idée sur les produits tandis que, simultanément, les distributeurs ne cachent pas leurs velléités d'innovation sur leurs marques propres.
Selon vous, les marques ne peuvent-elles innover que dans la diversité ?
X.T. : Bien sûr, et il y a des exemples pour le démontrer. Dans notre base de données, on dénombre pour la seule marque Tropicana 141 familles de concepts différents lancés depuis une dizaine d'années :des jus de légumes au Canada,mais absents de France où vient d'être, en revanche, lancée une nouvelle référence,“Essentials”,contenant des anti-oxydant,tandis qu'au Japon, on retrouve un mélange de lait et de fruits baptisé “Season's best”. Autre exemple :Andros exporte en Chine des produits parfaitement adaptés aux Chinois qui, n'aimant pas les morceaux de fruits, veulent un produit quasiment liquide. Au final,on est bien obligé de constater que le fameux territoire de la marque varie fortement suivant les régions.
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