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Revue des Marques - numéro 56 - Octobre 2006
 

Produire et consommer responsable

Promouvoir une approche pragmatique et pédagogique de la prévention des déchets d'emballage et proposer des pistes d'actions, est la mission prioritaire du Conseil National de l'Emballage.

Entretien avec Olivier Labasse, Conseil National de l'Emballage. Propos recueillis par Jean WATIN-AUGOUARD.


Produire et consommer responsable

Quelles ont été les récentes recommandations et actions du CNE ?

Olivier Labasse : Le Conseil National de l'Emballage a récemment mené trois types d'actions. Tout d'abord, en direction des professionnels, fabricants d'emballage, industriels et distributeurs, le Conseil a fait des recommandations dans le domaine de la mise en oeuvre de la prévention des déchets d'emballages, a entrepris l'actualisation du catalogue de la prévention des déchets en ajoutant une rubrique "valorisation en fin de vie des emballages" (documentée dans les plus récents des 71 cas présentés sur le site www.conseil-emballage.org) et a réalisé une étude sur les impacts environnementaux (évités/générés) de l'évolution du tonnage des emballages ménagers en France sur huit marchés de grande consommation. Deuxième axe de travail, en direction des consommateurs : après la communication grand public "Consommons responsable", nous avons répondu à une trentaine de questions posées par les associations ou les consommateurs sur les emballages. Enfin, vis-à-vis des pouvoirs publics, le CNE est partie prenante dans deux comités du Ministère de l'écologie et du développement durable : le comité de pilotage du plan national de prévention des déchets et le récent comité d'évaluation des emballages au sein duquel nous intervenons en tant qu'expert.

La première cause de l'augmentation du nombre d'emballages réside dans la croissance de la consommation et dans l'évolution sociodémographique : au global, la consommation de produits a augmenté pendant le même temps de 11 %.

Depuis l'étude Mieux produire, mieux consommer, la prévention des déchets d'emballages réalisée en juin 2004, sous l'égide du CNE, avec l'ADEME, Adelphe et Eco-Emballages, consacrée à l'identification des facteurs explicatifs de l'évolution des tonnages d'emballages entre 1997 et 2003, sur huit marchés de produits de grande consommation, la tendance est-elle toujours à l'augmentation des tonnages ?

O.L. : Ce n'est pas ainsi que je résumerais les résultats de l'étude, mais plutôt par une formulation exactement contraire. Cette étude qui identifie, dans l'évolution des tonnages d'emballages ménagers les facteurs explicatifs liés à l'évolution de la consommation et des modes de vie, et ceux relatifs au conditionnement (dont la réduction à la source) est une grande première française et européenne. Elle prouve, contrairement aux idées reçues et aux interpellations, que les professionnels ne sont pas restés inactifs dans la mise en œuvre de la réduction à la source de leurs emballages. Sur les huit marchés de grande consommation analysés entre 1997 et 2003, soit plus de 30 % de la consommation française de produits emballés, l'étude révèle que la réduction à la source a été menée sur tous les marchés et qu'elle représente, au global, une baisse des tonnages d'emballages de 3 % sur la période étudiée. L'étude met parallèlement en évidence que la première cause de l'augmentation du nombre d'emballages réside dans la croissance de la consommation et dans l'évolution sociodémographique : au global, la consommation de produits a augmenté pendant le même temps de 11 %.

Elle montre ainsi que le découplage entre la progression du PIB et celle des quantités de déchets générés est observée en France dans le domaine des emballages ménagers. Cette étude est complétée en 2006 par une analyse environnementale de l'évolution du tonnage des emballages ménagers pour évaluer les impacts générés et les impacts évités sur l'environnement au cours de leur cycle de vie. Les premiers résultats de cette nouvelle étude ont été présentés en avant-première aux membres du CNE, le 4 juillet 2006. Plusieurs adhérents de l'ILEC y ont donc participé ; la réduction à la source a eu des effets vertueux sur tous les indicateurs environnementaux : consommation d'énergie primaire, effet de serre, acidification de l'air, eutrophisation de l'eau et déchets d'emballage stockés. L'éco-conception développera l'éco-consommation qui, en retour, pourra conférer aux entreprises impliquées des avantages concurrentiels sur les marchés.

Au nombre des questions à la mode actuellement, il en est une qui porte sur le remplissage "insuffisant" de certains emballages. Que répond le CNE ?

O.L. : Cette question a été adressée par notre Ministre de l'Ecologie et du Développement Durable, Mme Nelly Olin, il y a environ neuf mois. Nous allons prochainement publier les conclusions d'un groupe de travail du CNE consacré aux thématiques des suremballages, des écorecharges et des vides techniques sur quelques marchés de PGC. Concernant le remplissage des emballages des poudres et liquides de lavage, les raisons sont d'ordre technique : tassage, tolérance de densité du produit pour les premiers, phénomène de mousse au conditionnement pour les seconds. A titre d'illustration, le tassage des poudres varie entre 11 % (tassement naturel) et 22 % (après transport et manutention), la présence d'un bande d'arrachage ou d'un bec verseur limite la possibilité de remplissage en usine et la densité de la poudre variant avec une tolérance de +/- 25g/l pour un nominal de 630g/l, la hauteur libre par rapport au haut de la boîte variera techniquement de 53mm à 98mm. C'est pourquoi il faut bien faire la différence entre "vides techniques" et "emballages trompeurs".

Produire et consommer responsable    Produire et consommer responsable

Sur quels marchés le sur-emballage est-il pertinent ?

O.L. : Le critère pertinent n'est pas celui du marché mais celui de la fonction remplie par le suremballage d'un produit. A tout produit emballé correspond un système d'emballages qui comprend le primaire, le secondaire et le tertiaire. Le suremballage est un élément du système d'emballage. Sa pertinence s'évalue à l'aune des fonctions qu'il assure ou auxquelles il contribue : protection du produit, regroupement, information des consommateurs, protection contre le vol… La fonction de regroupement d'emballages unitaires s'observe dans le domaine des boissons, des produits laitiers (lorsque les pots ne sont pas attachés)… La fonction d'information justifie le suremballage lorsque les conditionnements unitaires ne peuvent pas, pour des questions techniques, être imprimés ou étiquetés comme par exemple les pots tronconiques de certains yaourts.

Le suremballage, comme le "blister", peut permettre de protéger le produit contre le vol (lame de rasoir…), de respecter les règles d'hygiène (brosse à dents…), de porter l'information, dont le code à barres et de permettre la mise des produits en rayon lorsqu'il y a une présentation en broches. Pour autant, ces suremballages sont ou doivent être réduits à la source. En revanche, les suremballages non fonctionnels seront de plus en plus montrés du doigt, d'autant que les études consommateurs soulignent que la perception du "trop" d'emballage correspond bien souvent à la présence de suremballage et que ces mêmes consommateurs évoquent la corvée du "dépiautage" une fois revenus à leur domicile. Nous allons publier prochainement les analyses et recommandations d'un autre groupe de travail du CNE sur cette thématique.

Comment justifier la valeur ajoutée de l'emballage quand il représente parfois près de la moitié du prix du produit ? Le contenant peut-il valoir autant que le contenu ?

O.L. : Ce n'est jamais le cas dans le secteur des biens d'équipement et que très rarement dans celui des PGC : il faudrait que le produit contenu soit non ou peu transformé et abondant, proche de la matière première, ou que l'emballage soit relativement onéreux, par exemple les emballages consignés ou certains emballages de produits de niche. Quoiqu'il en soit, dans l'univers des PGC, le couple produit - emballage est indissociable dans l'offre au consommateur : le gruyère avec le zip, la bouteille de sirop, la brique de lait… ce n'est que lorsque que l'emballage est vidé de son contenu, qu'il prend une existence propre.

L'emballage est l'un des secteurs d'activité les plus réglementés, aussi bien sous l'angle de la sécurité des consommateurs, que sous celui des matériaux ou de la protection de l'environnement.

Carrefour lance depuis le 28 août dernier une campagne qui signale, par des marquages au sol, les produits les moins producteurs de déchets.

O.L. : Ce n'est pas la première action pédagogique du distributeur. Carrefour a distribué il y a trois ans, lors de la semaine du développement durable, 150 000 dépliants grand public du Conseil National de l'Emballage, intitulés "Consommons responsable pour réduire nos déchets d'emballages" dont il a financé l'impression. Le CNE ne peut que se réjouir des initiatives, notamment lorsqu'elles sont le fait de ses adhérents directs ou indirects, visant à sensibiliser les consommateurs sur leur responsabilité dans la mise en oeuvre de bonnes pratiques collectives. Carrefour est très actif dans les groupes de travail du CNE et alimentent régulièrement le jury du catalogue de la prévention de nouveaux cas. Il n'est pas le seul : l'action "Consommons responsable" a été reprise par Monoprix, en liaison avec les associations de consommateurs du CNE ; Auchan, de même que la plupart des distributeurs sont actifs sur le sujet de l'emballage et de l'environnement, et le font savoir.

Les industriels ne sont pas en reste comme en attestent les rapports d'activité des entreprises cotées dans le cadre de la loi NRE et les sociétés d'origine anglo-saxonne qui recensent leurs actions en faveur du développement durable ; ils restent souvent plus discrets, bien que de nombreuses initiatives exemplaires figurent dans les catalogues de la prévention du CNE. Le risque des démarches individuelles est qu'elles soient suspectées de récupération marketing ; l'intérêt de la démarche collective et paritaire est d'objectiver les analyses et de documenter avec rigueur les solutions. Il faut chercher à écarter les fausses bonnes idées et partir des faits et des chiffres. Faut-il par exemple continuer à promouvoir les écorecharges des lessives alors que la part d'achat des ménages est passée de 20 % du marché en 1997 à moins de 2 % aujourd'hui ? Selon un récent sondage largement repris par notre Ministère de tutelle, 46 % des consommateurs déclaraient en acheter, en février 2006 ! Confusion entre les attitudes et les comportements ? Dans le cadre du développement durable, l'alternative est probablement celle des petites doses de lessives concentrées : autre sujet en cours de documentation au CNE ; les bonnes réponses sont celles qui sont scientifiquement évaluées et qui répondent aux attentes des consommateurs en termes d'usage et de praticité. Tout cela évolue (favorablement) dans le temps.

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