On se souvient que le Plan National Nutrition Santé pour les années 2001-2005 avait été le premier acte fondateur d'une politique nutritionnelle en France. Le PNNS avait établi dix huit objectifs nutritionnels en termes de santé publique et six axes stratégiques pour les réaliser. Les mesures prévues étaient de nature éducative, informative, préventive, incitative ; en bref, peu contraignantes ! Aujourd'hui, l'actualité en matière agroalimentaire semble devoir être marquée par un tournant plus téméraire des pouvoirs publics, notamment en matière de lutte contre l'obésité.
1 - Le premier acte significatif de ce tournant a été opéré par la loi du 8 août 2004 relative à la santé publique(2). L'accent avait été mis sur la lutte contre l'obésité enfantine au travers de deux dispositions très médiatisées.
• La première d'entre elle a introduit un chapitre III, intitulé “Alimentation, publicité et promotion”, dans le Titre III (“Actions de prévention concernant l'enfant”) du Livre Ier (“Protection et promotion de la santé maternelle et infantile”) de la deuxième partie (“Santé de la famille, de la mère et de l'enfant”) du Code de la santé publique. Ce chapitre est composé d'un article L. 2133-1 qui, tel que modifié par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, dispose que : “Les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d'édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire. Dans le cas des messages publicitaires télévisés ou radiodiffusés, cette obligation ne s'applique qu'aux messages émis et diffusés à partir du territoire français et reçus sur ce territoire. La même obligation d'information s'impose à toute promotion, destinée au public, par voie d'imprimés et de publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs de ces produits”. C'est ainsi qu'à l'interdiction de la publicité à destination des enfants initialement préconisée a été substitué “un message à caractère sanitaire”, rapprochant ainsi le traitement juridique de la publicité en faveur des produits alimentaires du traitement institué s'agissant du tabac ou de l'alcool !
L'alinéa 2 ajoute que “les annonceurs et les promoteurs peuvent déroger à cette obligation sous réserve du versement d'une contribution au profit de l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé”, étant précisé que “cette contribution est destinée à financer la réalisation et la diffusion d'actions d'information et d'éducation nutritionnelles, notamment dans les médias concernés ainsi qu'au travers d'actions locales”.
S'agissant des messages publicitaires, le montant de cette contribution est égal à 1,5 % du montant “annuel des sommes destinées à l'émission et à la diffusion des messages visés au premier alinéa, hors remise, rabais, ristourne et taxe sur la valeur ajoutée, payées par les annonceurs aux régies”.
Il est aujourd'hui parfaitement établi que l'alimentation et l'état nutritionnel participent de façon essentielle au développement et à l'expression clinique des maladies qui sont les plus répandues en France, comme dans l'ensemble des pays industrialisés(1).
S'agissant des autres types de promotion de ces produits, l'article L. 2133-1 dispose que la contribution est assise, “sur la valeur hors taxe sur la valeur ajoutée des dépenses de réalisation et de distribution qui ont été engagées au titre de l'année civile précédente, diminuée des réductions de prix obtenues des fournisseurs qui se rapportent expressément à ces dépenses”. “La base d'imposition des promoteurs qui effectuent tout ou partie des opérations de réalisation et de distribution avec leurs propres moyens d'exploitation est constituée par le prix de revient hors taxe sur la valeur ajoutée de toutes les dépenses ayant concouru à la réalisation desdites opérations. Le taux de la contribution est fixé à 1,5 % du montant hors taxe sur la valeur ajoutée de ces dépenses”. Des textes d'application seront nécessaires compte tenu du flou entourant les modalités et le contenu du message sanitaire. L'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) a d'ores et déjà été saisie, pour avis, d'un projet de décret et d'un projet d'arrêté interministériel auquel renvoie le premier de ces textes. S'agissant du projet d'arrêté, celui-ci prévoit deux types de message : Pour les actions de promotion autres que celles s'insérant dans les programmes jeunesse, le message est le suivant : “Pour protéger sa santé, au moins cinq fruits et légumes par jour et une activité physique régulière, et éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé” ; pour les écrans publicitaires encadrant les programmes jeunesse destinés aux enfants, les messages diffusés alternativement sont les suivants : “Pour protéger ta santé, mange chaque jour des fruits et légumes et va faire des activités physiques” et “Pour protéger ta santé, évite de manger trop gras, trop sucré, trop salé”.
Dans son avis du 26 mai 2005, l'AFSSA propose en outre les deux types de messages suivants : pour les actions de promotion autres que celles s'insérant dans les programmes jeunesse : “ Pour protéger sa santé, éviter de manger trop gras, trop sucré, trop salé. Manger au moins cinq fruits et légumes par jour et avoir une activité physique régulière” ;
pour les écrans publicitaires encadrant les programmes jeunesse destinés aux enfants : “Pour protéger ta santé, évite de manger trop gras, trop sucré, trop salé “ et “Pour protéger ta santé, mange chaque jour des fruits et légumes et n'oublie pas de te bouger régulièrement (marcher, courir, faire du roller…)” ;
• La seconde disposition interdit “Les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves […] dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005” ! Le juriste est surpris par la médiocre qualité rédactionnelle du texte qui, pris au pied de la lettre, interdit les seuls distributeurs payants ! Cette disposition a surtout été critiquée pour son caractère trop général. Elle interdit, en effet, non seulement les distributeurs de sodas et de confiseries, mais également les distributeurs d'eau et de fruits et légumes !
La nutrition est un enjeu majeur de santé publique.(3)
2 - Le 4 avril dernier, le Professeur Hercberg, vice président du PPNS, présentait au ministre de la santé, ses propositions pour le deuxième Plan National Nutrition-Santé (PNNS2).
Le rapport propose notamment, s'agissant des actions spécifiques destinées aux populations défavorisées, d'instaurer des “chèques fruits et légumes” financés par un “fond national de promotion de la nutrition” lui-même alimenté par une cotisation annuelle obligatoire des industries agro-alimentaires, des grands distributeurs, des sociétés de restauration collective, des interprofessions et des sociétés d'édition de consoles et de jeux vidéos, ces dernières étant jugées, au moins en partie, responsables de la sédentarisation des enfants. Le rapport prévoit également la possibilité pour les différents acteurs économiques du champ de la nutrition de signer des chartes d'engagement avec le ministre de la santé. Ces acteurs pourront notamment s'engager à réduire les teneurs en sucres simples, graisses et sel dans les produits alimentaires qu'ils produisent ou vendent, limiter la promotion des aliments à faible valeur nutritionnelle ou bien encore s'engager à réduire les portions. En échange, les entreprises pourront obtenir des exonérations partielles de cotisations au FNPN et pourront communiquer sur ces engagements auprès du public. Il est également proposé d'abaisser le prix des fruits et légumes, en baissant la TVA de 5.5% à 2.1% pour les fruits et légumes, et en diminuant les charges sociales pour les producteurs. Le ministre de la santé devait statuer fin mai sur les mesures officielles qui constitueront le PNNS2.
3 - Parallèlement, on observe le dépôt de plusieurs propositions de loi visant à lutter contre l'obésité enfantine. Une proposition de loi (n°428) “relative à la prévention et à la lutte contre l'obésité” du 23 juillet 2004 visant à créer une “Agence nationale de prévention et de lutte contre l'obésité” ; une proposition de loi (n°2191) enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 23 mars 2005 “pour agir contre l'épidémie d'obésité” ; une proposition de loi (n°2648) du 9 novembre 2005 “visant à informer des risques d'obésité dus à l'alimentation industrielle” et une proposition de loi (n°2824) du 25 janvier 2006 “tendant à ce que les établissements scolaires assurent la distribution de fruits et légumes frais à leurs élèves. Aucune de ces propositions n'a pour le moment aboutit”. L'actualité en matière de nutrition est tout aussi effervescente en matière communautaire.