"Que signifie le terme "maison" et quels sont les critères d'admission requis pour entrer au Comité Colbert ?
O.M. : Le terme "maison" accolé aux marques de luxe rend bien compte de leur histoire, de la transmission du savoir-faire de génération en génération qui les pérennise et garantit leur solidité. Pour devenir membre du Comité, qui compte aujourd'hui soixante neuf membres, il faut être une maison d'origine française, dont la marque jouit d'une renommée internationale et exercer une activité d'excellence dans le domaine du luxe. Il faut adhérer aux valeurs du Comité et avoir deux parrains, membres du Comité. L'ensemble des membres vote sur la candidature - trois par an en moyenne -, examinée par la commission "Ethique et Nouveaux membres". Les trois quarts des votes doivent être positifs pour être admis. Chaque année, nous revotons pour le maintien au sein du Comité de chaque maison. Il est donc possible qu'un membre soit exclu, si un changement important dans sa stratégie venait à rendre sa présence incompatible avec nos exigences et nos valeurs. Aujourd'hui, une dizaine de maisons sont en liste d'attente. A titre d'exemple, le décorateur Christian Liaigre est entré récemment et sa Maison complète la représentativité des métiers de la décoration au sein du Comité.
Que représente le Comité Colbert dans l'industrie française du luxe ?
O.M. : Le Comité Colbert représente un chiffre d'affaires de l'ordre de douze milliards d'euros dont 82 % à l'exportation avec soixante neuf marques quand le marché du luxe français recouvre, selon le Cerna, quatre cents marques pour vingt milliards d'euros. Le Comité Colbert représente donc environ la moitié du luxe français et 12 % du marché mondial évalué à cent milliards d'euros.
Existe-t-il une identité française du luxe ?
O.M : La France demeure, avec à un degré moindre, l'Italie, le seul pays dans le monde offrant une grande diversité dans l'univers du luxe. Avec une dizaine de métiers et de nombreuses maisons, la France est présente dans tous les domaines du luxe. L'identité française apparaît quand on interroge les étrangers. Tous associent le luxe à la France. L'imaginaire des Chinois, par exemple, associe la France au romantisme, au raffinement et à l'élégance. Mais nous bénéficions encore d'un autre atout, il s'agit des identités fortes de nos Maisons membres qui savent se différencier les unes des autres. La différenciation, la qualité et la création sont les meilleures conditions du succès dans le luxe.
Comment définir le "nouveau" luxe ?
O.M. : Plutôt que de parler d'un "nouveau" luxe, je préfère mettre en avant "les" luxes. Certaines maisons diversifient leur offre pour étendre leur clientèle et présenter plusieurs niveaux du luxe, des bijoux très haut de gamme à la maroquinerie, par exemple. Reste que, quel que soit son prix, du plus élevé au plus bas, un objet griffé par une maison de luxe demeure un produit de luxe. La marque irradie, par son statut, tous ses produits. Mais l'extension du territoire a ses limites car il ne faut pas élargir sa clientèle au risque de banaliser sa marque. Il revient à chaque maison de trouver un juste équilibre entre le volume et le rêve…
Quels messages portez-vous à l'étranger ?
O.M : Nous portons à l'étranger les valeurs de l'art de vivre à la française. Nous dialoguons avec nos homologues européens comme par exemple, les comités italiens Alta Gamma et Leonardo. Nous avons des bureaux de liaison dans différents pays qui regroupent les représentants de nos maisons. Dans le cadre de l'année de la Chine, nous avons imaginé un "Itinéraire Chinois", et chacun de nos membres a réalisé un chef-d'oeuvre sur le thème de la Chine, qu'il a exposé dans ses vitrines. Nous organisons également des expositions à l'étranger. Nous venons d'exposer, en novembre, durant quinze jours à Shanghai, et plus de trente cinq présidents de nos maisons se sont déplacés pour l'inauguration.
Quelles sont les actions du Comité Colbert ?
O.M : Le Comité comporte neuf commissions de travail (Internationale, création, économique, communication, métiers, formation...). Nos activités s'articulent autour de trois vocations : anticiper, influencer, être des messagers sur la scène internationale. Dans le cadre de l'anticipation, nous menons une action importante auprès des jeunes, des écoles et des collèges, à qui nous faisons connaître nos métiers. Nous valorisons l'intelligence de la main et nous récompensons le talent de jeunes créateurs à travers le concours que nous organisons tous les deux ans.
Les présidents des Maisons qui participent au concours remettent le prix à des lauréats issus de plusieurs dizaines d'écoles d'arts appliqués et de design.
La maison Christofle a ainsi remis, en 2004, un premier prix à un jeune créateur qui a imaginé un jeu de Mikado et gagné un séjour à la Villa Médicis. La maison Louis Vuitton a récompensé le design d'un fauteuil de repos en toile et cuir. La maison Pierre Frey a récompensé un jeune créateur Chinois qui a présenté un projet de toile de Jouy revisitée. Nous anticipons également en commanditant des études en collaboration avec différents ministères et des cabinets tels que Mc Kinsey, le Cerna, la Cofremca, ou bien encore avec des consultants soigneusement choisis sur les enjeux du luxe (l'évolution de la demande, le magasin de demain, le marché russe…).
Quelles influences exercez-vous ?
O.M : Nous menons des actions de lobbying auprès des pouvoirs publics, à Paris ou à Bruxelles, ou encore à l'étranger, pour tenter d'influer sur les législations, notamment en ce qui concerne les problèmes de contrefaçon et les droits de douane. Nous oeuvrons également pour montrer aux pouvoirs publics que le luxe est un secteur stratégique et que la France doit défendre ses maisons et les accompagner dans leur développement car rien n'est acquis. Notre souhait est de créer des fonds de capital developpement pour renforcer les fonds propres de nos maisons patrimoniales. Paris doit rester une capitale rayonnante et maintenir sa capacité d'attraction.
Le luxe semble épargné par la crise.
O.M. : Le luxe est un univers composite où coexistent des secteurs qui sont en pleine mutation comme les arts de la table et des secteurs en expansion. Soulignons que les attentats du 11 septembre 2001, le SRAS ou encore la baisse du dollar ont constitué autant de secousses fortes. Dans le même temps, de nouveaux marchés s'ouvrent et vont connaître une forte croissance : l'Europe de l'Est (notamment la Russie), la Chine, l'Inde et l'Amérique latine. Il en résulte un fort potentiel de développement pour nos maisons, pour autant que l'art de vivre à la française sache conserver durablement son fort pouvoir d'attraction.
Comment lutter contre la contrefaçon ?
O.M : La contrefaçon représente, aujourd'hui, entre 5 à 7 % du marché mondial avec les effets pervers que l'on connaît en termes d'image, de confiance et d'emploi. Depuis la loi Longuet, la France est en pointe dans la lutte contre ce fléau. Il serait judicieux de l'étendre sur le plan européen et de sensibiliser davantage les clients des méfaits de la contrefaçon.
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