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Revue des marques : numéro 52 - Octobre 2005
 

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès

Premier fabricant français de jouet et deuxième européen, Smoby-Majorette fonde son avantage concurrentiel sur l'innovation marketing, fonctionnelle et technologique.

Par Jean WATIN-AUGOUARD.

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Gamme F1 Driver avec une
license Ferrari

250ème fabricant français de jouet en 1968, deuxième européen derrière Lego et huitième mondial en 2005. Au nombre des sept fabricants de jouets en Chine depuis quinze mois ! Nul doute que Smoby-Majorette1 a, depuis ses origines, placé l'innovation au cœur de sa stratégie. Le showroom, ouvert à Lavans-lès-Saint-Claude, siège du groupe depuis 1924, présente sur 1 200 m2, deux mille jouets d'aujourd'hui et de demain de Smoby, Majorette et Solido. A déconseiller non seulement aux enfants mais également aux adultes qui risqueraient d'entretenir une nostalgie. "Nous fûmes les premiers à acquérir une presse à injecter en 1945 permettant l'abandon du jouet en bois pour le plastique, à choisir la voie de la grande distribution au début des années 1960, à arrêter la fabrication de jouets plastique bas de gamme pour des jouets de qualité sous le signe du design, à créer la marque Smoby en 1978, à mettre le cap sur l'international", résume Dany Breuil, présidente du conseil de surveillance. Autant d'étapes dans le développement de la société, non exclusives mais cumulatives, qui attestent que l'innovation est plurielle et qui irrigue l'entreprise par des canaux aussi variés que la technologie, le commerce, le marketing, le design, etc.

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Boxer Twin Smoby
Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès

"Nous investissons, chaque année, 4 % de notre chiffre d'affaires2 en recherche/ développement et autant en communication en concentrant nos efforts sur nos deux marques internationales, Smoby et Majorette." Un tel pourcentage trouve sa justification dans la singularité du marché du jouet, marché d'offre et marché de mode où le taux de renouvellement des collections atteint 30 % chaque année, mais aussi marché saisonnier - 70 % des ventes réalisées à Noël -, qui impose de conquérir des parts de marché dans de nouveaux segments comme, par exemple, les gammes de plein air et les gammes d'été. "L'acquisition de Majorette en 2003 nous a permis d'entrer dans l'univers des garçons et d'investir le marché des produits permanents. Les petites voitures à 1,5 euro peuvent se vendre toute l'année dans le monde entier, particulièrement dans les pays émergents, Chine, Amérique latine, où nous ouvrons des filiales", explique Dany Breuil. L'innovation s'illustre par la diversification aussi bien dans l'univers des produits que des marchés pour amortir les coûts de recherche&développement et réduire les risques. Grâce à sa croissance interne et externe3, le groupe couvre aujourd'hui 75 % de l'offre pour les enfants jusqu'à huit ans.

Aujourd'hui, plus de 20 % des jouets sont vendus sous licence et le phénomène s'accentue depuis cinq ans.

Etre en phase avec les tendances sociétales

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
De la voiture existante
à l'univers Fiction

"L'innovation n'est rien en soi si elle ne répond pas à un besoin exprimé ou latent du consommateur", rappelle Christian Taillard, directeur des études et de la prospective Smoby-Majorette. "Etudes" car l'heure n'est plus au jouet basique, simple imitation d'un produit adulte mais aux univers de jeux. Les parents veulent que le jouet soit un accompagnateur de l'éveil de l'enfant. "Prospective" pour comprendre l'évolution de la relation de l'enfant au produit et à la marque, détecter les nouvelles tendances. Il revient à Fischer Price d'avoir révolutionné le marché du jouet au début des années 1970 en plaçant les études sur le comportement de l'enfant et les fonctions des jouets au cœur de l'innovation. Les années 1980 ouvrent l'ère de l'électronique avec des nouvelles fonctions très innovantes en termes d'effets de surprise, de son, de lumière qui s'ajoutent aux effets mécaniques. Ces années sont également celles des prémisses de la mondialisation avec l'arrivée des jouets américains et les robots japonais, les premières séries télé avec Goldorak et les émissions dédiées aux enfants, à l'origine des produits dérivés de licence. Aujourd'hui, plus de 20 % des jouets sont vendus sous licence et le phénomène s'accentue depuis cinq ans. Smoby-Majorette exploite 37 contrats de licences qui répondent à une attente de réalisme des enfants en ce qui concerne les marques (Seb, Black & Decker, Amora, Cajoline, Renault, Michelin, etc.) ou à une actualité forte en ce qui concerne les personnages (Disney, Warner, Marvel...).

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Clean Service Cif

Enfin, la montée en puissance de la Chine, premier producteur mondial de jouets en sous-traitance pour le monde entier, impose une nouvelle division du travail : les multinationales américaines ont abandonné leur fonction de producteur pour celle de concepteur-marketeur. Le coût de la main-d'œuvre plus bas permet de créer des produits de plus en plus sophistiqués en termes de fonctions nouvelles. "L'innovation chez Smoby-Majorette porte rarement sur la haute technologie car elle serait incompatible avec les prix de vente consommateurs et difficilement valorisée auprès des acheteurs. Elle se situe davantage dans les fonctions nouvelles données aux jouets, le design, le suivi des modes et des tendances. Nous devons être en phase avec les tendances sociétales", explique Christian Taillard. C'est ainsi que Smoby a été parmi les premiers à identifier, dès 2001 et avant Star Academy, l'importance de la musique chez les petites filles de 8-10 ans. Star Party a ainsi rencontré un grand succès. Innover, c'est aussi rebondir. En léger déclin depuis peu, ce jouet musical a retrouvé un nouvel essor grâce à la licence avec la chanteuse Lorie. "Innover, ajoute Christian Taillard, c'est aussi pratiquer, en interne, le management de la connaissance grâce à une multitude de veilles effectuées avec différentes newsletters spécialisées pour faire émerger des faits et des concepts au travers des analyses et des agrégations. Mon service est un peu le GPS de l'entreprise. Nous réalisons des analyses lexicales de la presse qui nous servent à faire des mappings sur des tendances lourdes, ou des tendances émergentes pratiquées par les early adopters." Pour valider les prévisions, le service interroge ensuite les consommateurs en leur présentant des alternatives et en les faisant réagir. Autres sources d'innovations, les rencontres avec d'autres univers de consommation comme l'hygiène beauté et l'alimentaire. "Nous mutualisons les moyens en partageant avec eux certaines études de TNS, GFK ou Secodip. Les questions de Nestlé et de Danone dans l'ultra frais sont les mêmes que les nôtres."

La gamme Cotoons témoigne de l'évolution des attentes des enfants en quête d'histoires. Elle développe leur imaginaire en réenchantant le réel.

Innovations de rupture

Univers très bataillé : le premier âge. Après deux ans d'étude et plus de 1 000 interviews réalisés dans quatre pays européens, Smoby remplace en 2004 Smoby Baby par une gamme rupturiste, créée par les designers Alain Pineau et Jean-Yves Le Porcher et baptisée Cotoons. "Elle témoigne de l'évolution des attentes des enfants en quête d'histoires. Elle développe leur imaginaire en réenchantant le réel", explique Christian Taillard. Signe du succès : les jouets Cotoons ont reçu en 2004 le Grand Prix du Jouet Premier Age en France. Ils ouvrent une nouvelle ère, celle de concepts globaux qui se déclinent du jouet aux médias : Smoby est partenaire de Film en Stock pour la production de la série télévisée sur France 5 et décline le concept dans le domaine de l'édition avec Playbac. De nature collective, l'innovation peut parfois être le fait d'un "géo trouvetou" comme cet inventeur d'une télécommande à infra rouge pour le concept Météor de Majorette qui a reçu le premier prix du concours Lépine en 2005.

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
collection Racing - Solido

"De la miniature de voiture existante au 1/64ème, son premier métier, Majorette a diversifié son offre avec des gammes comme Fiction, Squad Force, F1 Driver avec Ferrari car il ne s'agit plus aujourd'hui de créer des lignes de produits mais des univers", souligne Loïc Delorme, directeur général Majorette/Solido. "Grâce au réseau commercial de Smoby, nous tablons sur une progression de 20 % du chiffre d'affaires de Majorette en 2005. Belle innovation !" Premier fabricant français de voitures de collection, Solido a pour cible le marché des adultes. "Société artisanale à vocation industrielle, Solido peut faire de la petite série de 300 pièces comme celle de 150 000 pièces. Aujourd'hui, la tendance est au produit réel qui existe ou qui a existé, beau à regarder, d'un certain poids et à vocation internationale. Chaque voiture créée est faite en accord avec le constructeur et validé par lui" explique Dominique Parissot, directeur de l'usine Solido à Oullins. L'innovation porte sur le choix des produits : Solido fut le premier à lancer il y a quatre ans, les voitures Racing avec la 206 WRC. La marque innove en 2005 en créant le segment des voitures vendues en kit et prend en charge l'offre motos de Majorette pour l'orienter vers le haut de gamme. Elle inaugure, en 1999, la vente en fascicule avec la collection "un siècle d'automobile" chez Hachette et lance en 2005 une nouvelle série au 1/18ème.

Vision à long terme

Smoby-Majorette joue de l'innovation avec succès
Cotoons, une gamme
rupturiste

Toutes marques confondues, le groupe sort chaque année 250 nouveautés. L'avantage concurrentiel de Smoby-Majorette est non seulement fondé sur l'innovation marketing et fonctionnelle mais aussi technologique. Responsable de la R&D technique, Dominique Meillassoux résume ainsi l'enjeu : "Par la différenciation technologique, la R&D technique apporte une image de démarquage par rapport à la concurrence. L'innovation doit rendre l'outil de production de plus en plus compétitif. Notre palette technologique très ouverte grâce à la maîtrise des trois principales méthodes pour fabriquer des pièces plastiques4 nous permet de développer des innovations en apportant des fonctionnalités supplémentaires par évolution d'un ou de plusieurs process de base." Grande première en 2004 dans le monde du jouet et dans le monde industriel en général : Smoby adapte du secteur automobile l'injection par eau en l'industrialisant. "Cette technologie permet, par exemple, d'améliorer la fonctionnalité et la sécurité des guidons et des fourches de tricycles ou de rendre inaltérable la décoration des seaux de plage pour mieux mettre en valeur la licence", explique Dominique Meillassoux. A l'heure où la mondialisation est parfois synonyme de désindustrialisation, particulièrement dans l'univers du jouet où la quasi-totalité des entreprises fabriquent en Chine, l'innovation technologique permet de garder des activités de production en France grâce aux gains de productivité : Smoby qui ne fabrique que la moitié de ses jouets en Chine, vient d'inaugurer à Moirans en Montagne une nouvelle usine dédiée au rotomoulage. Cette prise de risque, point de passage obligé de toute innovation, ne serait-elle pas plus facile dans les sociétés à capitaux familiaux ? "Avec mes enfants, Jean-Christophe, président du directoire, et Karine, directrice marketing de Smoby, la troisième génération Breuil est aux commandes de la société. Nous avons une vision à long terme et pouvons prendre plus facilement des risques car nous nous engageons personnellement sans être obligés de rendre des comptes. Nous sommes unis par une même passion", conclut Dany Breuil.

Notes

(1) Nouvelle dénomination sociale du groupe depuis le rachat de Majorette en 2003
(2) 292 millions d'euros au 31 mars 2005
(3) Engagée en 1993, la croissance externe a permis au groupe d'acquérir Lardy en 1993, Ecoiffier en 1994, Monneret en 1996, l'espagnol Pico en 1998, Majorette-Solido en 2003 et Berchet en 2005.
(4) Il existe trois principales méthodes pour fabriquer des pièces plastiques : l'injection thermoplastique (technologie la plus répandue), l'extrusion-soufflage (technologie dédiée aux pièces mono-bloc pour les rendre plus rigides) et le rotomoulage (moulage par rotation pour fabriquer en une seule fois des pièces de grande dimension comme les cabanes de jouet et les coques de bateau).
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