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Revue des marques : numéro 89 - janvier 2015
 

Pour une communication ouverte et co-construite

Partie d’une communication verticale, la RSE a appris qu’elle ne peut communiquer qu’en collaborant avec ses parties prenantes. Les ONG et les lanceurs d’alerte eux-mêmes ont compris qu’une démarche inclusive était bien meilleure vectrice de changement qu’une posture construite en chambre.

Guillaume de Vesvrotte *


Guillaume de Vesvrotte
Guillaume de Vesvrotte
Aujourd’hui, il est reconnu qu’une stratégie RSE cohérente a pour point de départ un échange riche et construit avec les différents publics, internes et externes, de l’entreprise. Pour la construction, d’une part, mais aussi pour la représentation et l’engagement, d’autre part. Plus puissante et plus efficace, la co-construction a pris le pas sur la proposition unilatérale. C’est ce qui confère à la communication un rôle plus riche que sa fonction traditionnelle de transmission des valeurs d’une entreprise : en plus de partager et de faire adhérer, elle peut devenir une source d’information et d’innovation, et faire fructifier une communauté autour de la démarche de l’entreprise. La RSE nécessite une conversation nourrie avec les publics de l’entreprise. L’utilisation des réseaux sociaux est une évidence dans cette évolution : ils aident à communiquer les objectifs et les avancées de l’entreprise, certes, mais une stratégie digitale cohérente et puissante permet de créer une communauté à la fois coproductrice et ambassadrice de la démarche RSE.
Les études le confirment : 85 % des consommateurs affirment qu’ils sont à l’aise avec le fait qu’une entreprise ne soit pas parfaite, du moment qu’elle est honnête à propos de ses efforts (1). L’échange est placé au sommet de la pyramide des attentes.
Dans le même temps, 29 % seulement des consommateurs français accordent du crédit au discours des entreprises, alors qu’ils étaient 69 % en 2004 (2). Les réseaux sociaux, sur lesquels on trouve 68 % des Français (dont 28 millions sont actifs sur Facebook), sont donc particulièrement cohérents pour présenter, tester, améliorer son projet RSE. Les publics d’une entreprise, bombardés de plusieurs milliers de messages publicitaires par jour, n’y prêtent plus qu’une attention et un crédit limités, alors qu’en moyenne, les membres des réseaux sociaux y passent 1 h 29 par jour, dont 59 minutes sur leur smartphone (3), pendant lesquels ils sont actifs et non simplement récepteurs. L’étude Cone Communications/Echo 2013 montre que les consommateurs veulent être engagés dans les efforts d’une entreprise dont ils sont clients : 78 % d’entre eux déclarent que s’ils en avaient l’opportunité, ils donneraient leur opinion à une société sur ses agissements sociétaux. Dans les douze derniers mois, 32 % d’entre eux déclarent même être déjà passés à l’action.
De plus, une communication co-construite s’avère redoutablement plus solide et pérenne qu’un discours entièrement conçu en interne. La communauté devient actrice de sa conception et par voie de fait, plus tolérante et proactive. Les marques ont besoin de cette transparence productive, à la fois source de données, champ d’expérimentation et tribune de communication. La question n’est plus aujourd’hui de savoir si une société va s’engager dans une démarche RSE, mais comment elle va générer le meilleur impact ; les réseaux sociaux sont un outil particulièrement adapté à cette recherche.

Mutation du paysage de la RSE

consommateur reseaux sociaux
Les réseaux sociaux sont en train de transformer le paysage de la responsabilité sociétale de l’entreprise. Les citoyens les utilisent dans une proportion grandissante pour se renseigner et agir, partager le positif comme le négatif, et dialoguer avec les marques. Avec un accès presque illimité à l’information, les consommateurs et les parties prenantes apprécient de trouver un interlocuteur sur les réseaux sociaux face à leurs interrogations sur les engagements d’une société. Et comme dans toute problématique de communication, si cet interlocuteur n’est pas l’entreprise elle-même, il apparaîtra de toute façon, le besoin faisant naître l’outil, dans une forme non maîtrisée et en général malveillante.
Par ailleurs, les lanceurs d’alerte privilégient la communauté des citoyens pour diffuser et « viraliser » leurs combats. Les crises d’opinion ont radicalement changé d’échelle depuis l’avènement des réseaux sociaux. Les campagnes de Greenpeace contre les groupes Nestlé ou VAG ont largement démontré la puissance d’un réseau bien activé. Les réseaux sociaux nécessitent une stratégie dédiée à la RSE pour cette raison également : ils deviennent un radar performant permettant de détecter les crises, repérer les trending topics et préparer des réponses. La Redoute, par exemple, a identifié très tôt le « bad buzz » autour d’un homme nu présent en arrière-plan d’une photo de vêtements pour enfants dans son catalogue : plutôt que d’essayer de contrer la crise déjà trop importante, la direction de la communication a pris le contrepied en s’adressant directement aux communautés hostiles et en leur proposant de chercher d’autres erreurs dans le catalogue, n’omettant pas au passage d’y ajouter un peu d’humour en le parsemant d’ajouts incongrus (un dinosaure par exemple). Ce qui était une crise d’image importante est très rapidement devenue une action positive et virale, renforçant au passage la relation avec les parties prenantes de l’entreprise.
Cette opportunité est sous-exploitée en France, où nous avons la deuxième plus faible proportion de consommateurs cherchant à interagir avec les marques sur leurs engagements sociétaux, juste devant le Royaume-Uni (46 %, contre 90 % en Chine, 89 % en Inde et 85 % au Brésil). Cette différence s’explique par le fait que les enjeux sociétaux en France sont plutôt portés par les institutions et le politique dans l’esprit des consommateurs, qui pourtant prennent petit à petit le chemin de l’action directe et de la revendication en ligne, suivant les traces de leurs homologues du reste du monde. C’est ainsi que le moteur de pétitions en ligne change.org affiche une croissance exponentielle de son nombre d’adhérents depuis deux ans, passant de 30 millions d’utilisateurs actifs en 2013 (un million en France) à plus de 70 millions en 2014 (3,8 millions en France). Les citoyens n’utilisent plus uniquement les réseaux sociaux pour partager des nouvelles avec leurs proches, mais aussi pour promouvoir, défendre, fédérer, entraîner, dénoncer, bref, pour agir. Avec le développement des entreprises participatives et des logiques de fonctionnalité et de partage de ressources, il devient de plus en plus évident pour les consommateurs d’aller au contact des entreprises sur les réseaux sociaux. Cependant, cette marge de progression existe également à l’international, puisque sur les 475 entreprises interrogées par l’index « Social Media Sustainibility Index » de Sustainly en 2013, seules 233 ont montré des efforts dédiés à la RSE sur les réseaux sociaux (chiffre en nette progression, le double de 2011).

Les bonnes pratiques

reseaux sociaux rse
Chaque entreprise, et chaque stratégie RSE, a ses spécificités, mais de grandes tendances émergent.

Privilégier la qualité de la communauté (et des contenus). Il est admis qu’il faut préférer la qualité à la quantité. Aux débuts des réseaux sociaux, chacun a pu se laisser tenter par la comparaison de son nombre de fans à celui de ses concurrents, mais une communauté d’un million de fans sur Facebook est totalement inutile si on est inaudible. Le recrutement est long, il passe par des essais, et des erreurs. Il faut prendre le temps de tester les contenus les plus consultés, ceux qui sont les plus partagés, qui génèrent le plus d’engagement. La communauté qui se construit ainsi est plus lente à élever, mais beaucoup plus virale d’une part, et plus riche et active d’autre part. Elle n’est plus une simple audience, mais devient ambassadrice, et lanceuse d’alerte pour l’entreprise. Il est utile de préciser que cette construction nécessite une stratégie précise et rigoureuse, avec un agenda orienté sur la régularité et la fréquence. Le travail sur les réseaux sociaux fait souvent l’objet d’une mauvaise considération de l’interne, et est confié à des ressources peu expérimentées. Ce qui est vrai pour la communication généraliste l’est encore plus pour la RSE, sujette à une exposition accrue au risque d’opinions défavorables et aux « dérapages » : confiez votre stratégie RSE sur les réseaux sociaux à des professionnels, qui par ailleurs bénéficieront de meilleurs réseaux de diffusion.

Identifier les Key Opinion Leaders (KOL). La RSE repose d’abord sur l’identification des enjeux qui concernent ou doivent être traités par l’entreprise. Sur les réseaux sociaux, cela se traduit par l’identification des meilleurs influenceurs, sélectionnés selon leur taux d’engagement, l’attention et le crédit dont ils bénéficient auprès des communautés visées, et l’empathie (ou la complémentarité) de leurs contenus avec ceux de l’entreprise. Dans une communauté, on différenciera le traitement des parties prenantes générales, comme par exemple es consommateurs, et celui des KOL (blogueurs, journalistes, lanceurs d’alerte…), qui nécessite une attention toute particulière.

Parler d’autre chose que de soi (encore la qualité des contenus). Même si vos engagements RSE sont probablement le fruit d’un long travail, ils ne trouvent leur sens qu’au sein d’une masse d’enjeux. Une page qui ne fait que propulser les avancées de l’interne ou les mises en valeur de partenariats est inutile à la communauté. Les contenus poussés sur la page doivent provenir en majorité de l’extérieur. Ils placent l’entreprise comme référent sur son sujet, justifient son action, et permettent de drainer des publics à la base indifférents à l’entreprise elle-même. Aviva, par exemple, crée un fonds sur l’Impact Investing (l’investissement sur des activités à impact positif), pionnier en France sur ce sujet ; la stratégie de l’entreprise sur les réseaux sociaux a été de centraliser sur ses outils une masse de contenus externes portant sur l’Impact Investing en général, drainant ainsi les parties prenantes concernées, qui ne connaissaient pas Aviva elle-même. Ainsi devenue référente, l’entreprise a pu ensuite parler de ses actions auprès d’une communauté confiante et attentive.

Utilisez l’interne. La stratégie RSE a souvent une origine liée à la motivation interne, et toujours des implications importantes dans l’entreprise. Appliquez cette spécificité à vos réseaux sociaux. Les employés sont les meilleurs des ambassadeurs, ils constituent une force de frappe importante pour drainer des contenus et les diffuser.

Sélectionnez vos réseaux sociaux. Malgré l’importance des réseaux sociaux dans votre communication RSE, il est contre-productif d’être présent partout ; chaque réseau a ses spécificités, pour le contenu comme pour les comportements. Inutile de pousser la même chose sur tous les réseaux, cela ne marche pas ! Par exemple, Twitter est un excellent canal pour engager des leaders d’opinion, repérer des tendances et communiquer en temps réel, lors des crises notamment ; Facebook est adapté aux contenus vidéos et photos, et permet de s’adresser à de très larges audiences, de créer de la relation… Enfin, des spécialistes comme LinkedIn sont des endroits où la qualité du contenu et de la communauté prime sur le moment, YouTube permet de jouer sur l’environnement direct du contenu… Là encore, chaque problématique nécessite sa stratégie propre.

Plus une entreprise parle de sa responsabilité sociétale, plus grands sont les risques de critique, de retours négatifs, de crispation. Les réseaux sociaux, correctement analysés et maîtrisés, en acceptant de jouer la transparence et l’interaction, sont une opportunité d’anticiper et de contrer ces risques, à la condition de développer une stratégie spécifique et riche, basée sur un monitoring conséquent, une production et une curation de contenus internes et externes, et un travail précis de gestion des leaders d’opinion clés.

Notes

* Directeur conseil, Sidièse. Twitter : @gdevesvrotte ; Twitter Sidièse : @agencesidiese
1 - « Global CSR Study 2013 », Cone Communications/Echo
2 - « Les Français et la consommation responsable », Ethicity
3 - « Global Digital Statistics 2014 », We Are Social, Singapore
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