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Revue des marques : numéro 86 - avril 2014
 

Les 3S au service des marques

La saillance, la spécificité et le sens, les trois dimensions clés du pilotage des marques.

par Pierre Gomy


Pierre Gomy
Pierre Gomy
Directeur général adjoint
de Millward Brown France.
Une marque existe dans l’esprit des consommateurs sous forme d’associations mémorisées, consciemment ou inconsciemment (signes, caractéristiques, souvenirs, émotions…). Ces associations, qui résultent de la sédimentation des expériences avec la marque (communication, consommation…), sont source de valeur pour le consommateur et donc pour l’entreprise qui la détient. La Brand Equity – souvent confondue avec la préférence ou la loyauté – est justement la valeur liée aux associations mentales qui prédisposent un consommateur à choisir une marque plus souvent que d’autres (volumes importants) et/ou à la payer plus cher (prix élevés) à présent et dans le futur. À partir d’une analyse de la plus grande base de données de marques au monde (BrandZ), et d’un projet pilote novateur qui associe des mesures de Brand Equity, les neurosciences et des données de panel, les experts de Millward Brown ont établi que le succès financier des marques repose sur trois facteurs : la saillance, la spécificité et le sens. Pour une marque donnée, l’équilibre à atteindre entre ces trois facteurs dépend à la fois de la nature de la catégorie et de la stratégie envisagée (volume ou valeur).

Au-delà de la notoriété, la saillance…

Quels sont les leviers de valeur des marques leaders ?
Au-delà de la notoriété, la saillance vise à établir dans quelle mesure les marques sont spontanément associées aux besoins les plus importants du consommateur. Dans les années 1950, elle était un critère suffisant, puisqu’il s’agissait alors de diffuser de nouveaux biens (électroménager, voiture, tourne-disques, couches jetables…) en les portant tout simplement à la connaissance du marché et en déclenchant ainsi quasi mécaniquement l’acte d’achat. Aujourd’hui encore, de nombreuses marques placent la notoriété comme un Key Performance Indicator (KPI) fondamental, via la puissance de plans et/ou des exécutions s’inspirant des codes de la « réclame » (pensez à Carglass par exemple). Si la notoriété est bien évidemment le prérequis à toute stratégie de marque, nous constatons bien souvent que la corrélation avec les parts de marché est assez faible. En effet, la notoriété est une coquille vide si elle n’est pas nourrie d’une association forte avec les besoins des consommateurs. Parce qu’ils accordent plus d’importance aux choses déjà mentalement disponibles, les consommateurs retiennent au final la marque la plus directement associée aux besoins du moment. Un consommateur qui cherche à se rafraîchir pensera d’abord à Coca-Cola. S’il recherche de l’énergie, il pensera certainement plutôt à Red Bull. Ainsi, il est plus pertinent de demander d’abord à un consommateur ce qui est important pour lui, avant de s’intéresser aux marques qu’il associe spontanément à ses besoins. C’est là toute la différence entre la notoriété et la saillance.

Au-delà de la différenciation, la spécificité…

La spécificité s’attache à comprendre dans quelle mesure une marque fixe les tendances du marché à partir de son identité. Dans les années 1960, face à une concurrence qui s’intensifie, l’enjeu est de créer de la préférence par la différenciation, en s’appuyant sur des caractéristiques fonctionnelles (le modèle proctérien de l’USP) ou sur des attributs symboliques, immatériels (on dissocie la réalité du produit de sa représentation par le consommateur). Quoiqu’en pense Byron Sharp, la base de données BrandZ montre sans équivoque que la différenciation est bel et bien un critère décisif de la force des marques, notamment pour justifier un prix plus élevé. Mais pour assurer leur croissance future, les marques doivent aussi être capables de maintenir cette différenciation dans le temps, en innovant constamment sur la base de leurs points de spécificité. Le design et la simplicité d’utilisation d’Apple, par exemple, se retrouvent ainsi dans le Mac, l’iPod, l’iPhone, et l’iPad, ce qui se traduit par une forte différenciation maintenue dans le temps. Toutefois, cette marque a récemment perdu de son dynamisme au profit de Samsung, qui prend désormais l’avantage sur de nombreux marchés, notamment en France. La capacité d’une marque à fixer les tendances du marché sur la base de ses caractéristiques distinctives ne passe pas nécessairement par l’innovation produit, mais peut aussi s’appuyer sur la création de communications ou d’expériences uniques (à l’instar de Red Bull).

Au-delà de l’image, le sens…

Au-delà de l’image, l’indicateur du sens reflète la capacité d’une marque à satisfaire les besoins du consommateur et à générer des émotions positives. La question du sens de la marque est généralement traitée par les dimensions d’image qu’on lui associe. Très longtemps, on a été tenté d’agréger ces dimensions dans des modèles complexes, partant d’une hypothèse sous-jacente de rationalité du consommateur : ainsi, le célèbre modèle de Fishbein décrit la formation de l’attitude comme la résultante d’un processus d’évaluation de l’importance des attributs pondérée par l’évaluation des marques sur ces caractéristiques. Mais les neurosciences nous ont appris dans la dernière décennie que l’esprit humain est à la recherche d’économie, ce qui nous pousse à utiliser des raccourcis (heuristiques) nous permettant de prendre des décisions rapidement. Les neurosciences nous apprennent que la réponse émotionnelle intuitive (j’aime/je n’aime pas) et la pertinence personnelle (c’est pour moi/ce n’est pas pour moi) guident nombre de nos décisions et reflètent le sens que nous accordons aux objets, et par extension aux marques.

Piloter simplement les marques sur la base de ces trois dimensions…

Voiture Red Bull
Ces trois dimensions sont explicatives de la capacité d’une marque à générer du volume, à justifier un prix plus élevé et à s’inscrire dans une dynamique de croissance. Plus spécifiquement, nos travaux ont révélé que :
• Les marques les plus fortes sur les dimensions de saillance et de sens génèrent cinq fois plus de volume. Cette capacité est synthétisée par l’indicateur de Power.
• Les marques les plus fortes sur les dimensions de spécificité et de sens peuvent se permettent de pratiquer une politique de prix premium (13 % de plus en moyenne). Il découle de ces dimensions un indicateur de Premium.
• Les marques fortes sur ces trois dimensions ont un potentiel de croissance quatre fois plus important.
Ainsi, en se basant sur ces trois dimensions, reliées aux résultats financiers de la marque (volume, marge dans le présent et le futur), il devient possible de considérablement simplifier les dispositifs de tracking et de piloter la Brand Equity sur la base de quelques questions simples aboutissant à des recommandations reliées à la stratégie marketing.
 

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