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Revue des marques : numéro 82 - avril 2013
 

Du marketing produit, au marketing de marque

Rester fidèle à sa promesse de marque est plus que jamais un impératif catégorique au regard de consommateurs de plus en plus exigeants.

Jean-Jacques Lebel


Quelles transformations majeures ont marqué le management de la marque au cours des deux dernières décennies ?

Jean-Jacques Lebel
Jean-Jacques Lebel, vice-président de L'Oréal,
directeur général de la division Produits
grand public
Jean-Jacques Lebel : L'offre en grande distribution ayant considérablement augmenté ces dernières années, le produit en tant que tel ne suffit plus. Nous sommes passés d'un marketing produit à un marketing de marque. En effet, au-delà du produit, la marque donne un repère, un sens, une origine. Nous n'achetons pas la même expertise entre un produit créé à Paris et y puisant son inspiration pour L'Oréal Paris et un produit créé à et inspiré par New York, comme Maybelline New York. Pas de marque sans assurance, réassurrance, innovation, inspiration. Nos marques sont devenus des carrefours d'expertise entre nos laboratoires, les experts de la beauté – dermatologues, maquilleurs, coiffeurs, coloristes, manucures –, et les consommateurs…
Aussi, la promesse de L'Oréal Paris s'exprime par le condensé de la plus haute recherche, des meilleurs experts mondiaux de la beauté, des plus belles femmes du monde… combiné, réinventé par des experts du marketing, qui vont pouvoir faire la synthèse entre les dernières tendances, l'inspiration des experts les plus pointus du domaine et la meilleure formule adaptée pour les besoins des hommes et des femmes du monde entier. Cette promesse de qualité, d'innovation, d'inspiration donne aux consommatrices et consommateurs ce qu'il y a de mieux pour le meilleur ratio valeur ajoutée/prix. Ces deux dernières décennies ont également été marquées par l'apparition du digital, qui offre la possibilité de passer tous les messages dans le bon contexte et de façon interactive. Pour L'Oréal Paris, le digital fait vivre aux clients les looks du festival de Cannes, les conseils de notre coiffeur star John Nollet, etc. Observons aussi que, depuis de nombreuses années, la confrontation à l'international a considérablement influencé le management des marques : c'est en cherchant à colorer les cheveux très noirs et très épais au Mexique qu'on a fait progresser la coloration, mais aussi en essayant de satisfaire les asiatiques très sensibles au confort qu'on a fait des mousses colorantes et récemment des colorations sans ammoniaque. Enfin, en démocratisant la coloration dans des pays comme l'Inde, la Russie ou le Brésil, L'Oréal Paris a pu inventer des colorations avec des prix de revient très bas, commercialisées aujourd'hui en Europe à des prix très accessibles. Cette démarche vaut en soins de la peau et en maquillage, très influencés par l'Asie, ou en soins capillaires, inspirés par le Brésil.
 

En quoi le processus d'innovation permet-il, aujourd'hui, de mieux répondre qu'hier aux attentes réelles des consommateurs ?

Rouge levre Loreal
Jean-Jacques Lebel : Le processus d'innovation a toujours été au coeur des produits et des marques du groupe en entretenant un dialogue riche entre le marketing, spécialiste du marché et du consommateur, et la recherche, expert scientifique. En revanche, aujourd'hui, cette expertise est devenue multiple. Elle s'enrichit des insights, des attentes et des spécificités des consommateurs du monde entier. Nos hubs marketing et nos hubs recherche ont aujourd'hui la capacité de nous remonter des insights précis auprès des consommateurs en Inde, en Chine, aux États-Unis, au Brésil… Pour avoir des process d'innovation efficaces, il faut les structurer en réseau et être en mesure d'établir un dialogue à grande échelle, polyglotte, matriciel et surtout très rapide. C'est ainsi qu'on a pu très rapidement mettre sur le marché en Europe, aux États-Unis, au Brésil et au Japon, pratiquement la même année, de toutes nouvelles huiles capillaires et capitaliser sur une tendance de coloration des cheveux à la pointe, baptisée « les Ombrés ».
 

Comment vos marques ont-elles contribué à écrire l'histoire de la société (civile) ?

Jean-Jacques Lebel : Il serait présomptueux de dire que nos marques ont contribué à écrire l'histoire de la société civile. Par contre, elles y ont participé. En effet, avec notre claim « Because you're worth it », qui a fêté ses 40 ans l'année dernière, notre marque L'Oréal Paris a participé à la prise de pouvoir des femmes. En donnant aux femmes du monde entier la possibilité de se prendre en charge, nous avons participé à leur libération. Lorsque L'Oréal Paris inventa son claim c'était la première fois que, dans ce type de publicité, une femme prenait la parole. En effet, jusqu'alors, les voix étaient masculines en voix de fond… la femme ne s'exprimait pas directement, et surtout elle n'exprimait pas son point de vue. Il y a encore vingt ans, il était difficile pour une femme chinoise de ne pas se fondre dans la masse, de s'exprimer, d'exprimer son individualité. Nos marques ont accompagné, voire participé à cette évolution (voire révolution dans certains pays). Une femme peut, si elle le désire, changer sa couleur de cheveux, couvrir ses cheveux blancs, renforcer sa confiance en soi. Nous avons la conviction que la beauté n'est pas superficielle, mais qu'elle participe d'un mieux-être et donc d'un bien-être.
Nous avons d'ailleurs lancé un certain nombre de programmes au niveau du groupe, qui permettent à des personnes fragilisées (par la maladie, la désocialisation…) de reprendre confiance en elles, grâce à l'utilisation de produits de beauté.

En quoi les nouvelles technologies, avec, par exemple, le développement des réseaux sociaux sur internet, peuvent-elles être considérées comme une opportunité pour les marques ?

Jean-Jacques Lebel : Les nouvelles technologies sont une formidable opportunité pour que les marques établissent un dialogue direct avec leurs consommateurs. La marque peut ainsi conseiller, expliquer, aider les femmes ou les hommes à mieux prendre soin d'eux-mêmes. Grâce à Internet, les femmes peuvent, à tout moment, s'informer – sur les sites de marques ou sur les réseaux sociaux – sur la manière d'appliquer tel produit, découvrir quelles sont les tendances dans tel pays, ou savoir quoi porter en fonction de son habillement, comme par exemple avec l'application Color Genius. Grâce aux nouvelles technologies, les femmes du monde entier peuvent bénéficier grâce à L'Oréal, des conseils du meilleur coloriste mondial, installé à Paris, et chouchou de toutes les stars, ou des derniers « trucs » du manucure du tout Hollywood.
Ou bien apprendre en direct de Jane Fonda, Freida Pinto, Eva Longoria, ce qu'elles ont fait au moment de leur montée des marches à Cannes… en temps réel… leurs secrets de beauté, tout pour pouvoir recréer le look de ses stars préférées… avec les conseils de leur maquilleur, de leur coiffeur ou de leur manucure...

Comment relégitimer la marque aux yeux de ses pourfendeurs et des consommateurs ?

Jean-Jacques Lebel : La marque est un formidable outil de démocratie qui permet à tous de bénéficier du meilleur au meilleur prix et d'avoir accès en temps réel, aux stars du cinéma, de la chanson ou du mannequinat et aux avis de leurs experts de la beauté. La marque ne peut pas exercer un diktat : elle est soumise tous les jours au jugement de ses clients qui s'expriment sur Internet et doit se justifier quotidiennement. La responsabilité d'une marque, c'est une exigence, une discipline quotidienne pour la qualité et la sécurité de ses produits. Un produit raté, et ce sont des années de confiance perdues auprès des consommateurs.

Quelles seront, demain, les contributions de vos marques à la société civile ?

Revita lift
Jean-Jacques Lebel : D'une part, le succès de nos marques permet au groupe de lancer un certain nombre de programmes à travers sa fondation, qui est l'une des plus dotées de France. En effet, depuis quinze ans maintenant, le programme Pour les Femmes et la Science a permis à plus d'un millier de femmes de bénéficier d'un soutien, soit à travers une bourse locale, soit par le biais d'une bourse internationale, lui permettant de poursuivre des études postdoctorales à l'étranger ou de bénéficier du prestigieux prix L'Oréal-Unesco Pour les Femmes et la Science. Ce programme permet d'aider les femmes à trouver la place qu'elles méritent dans le monde scientifique, car le groupe est convaincu que le monde a besoin de science et que la science a besoin des femmes. Par ailleurs, notre marque L'Oréal Paris a lancé un programme pour les Women of Worth aux États-Unis, qui vise à aider des femmes de « valeur ». Ce programme devrait être progressivement lancé dans d'autres pays dans les années à venir.
 

Quel est le challenge des marques du groupe L'Oréal, demain ?

Jean-Jacques Lebel : Les marques ont pour challenge de faire fructifier leurs fondamentaux, de ne pas se trahir, et de trouver des modes d'expression réactualisés pour renforcer la fidélité de leurs consommateurs et en recruter de nouveaux.
Le paradoxe des grandes marques de beauté multimilliardaires – ce qui est le cas de nos marques L'Oréal Paris, Maybelline, Garnier…–, est de générer en permanence l'envie, le désir, la séduction par l'innovation, la complicité, l'inspiration, le rêve, l'efficacité...

Comment gérer le portefeuille de marques pour le rendre pertinent au regard de l'évolution de l'offre ?

Jean-Jacques Lebel : Gérer des marques, c'est également savoir à quel moment il est pertinent de compléter son portefeuille, car, dans l'évolution d'un marché, d'une tendance, les marques du portefeuille ne pourront pas répondre correctement à des attentes spécifiques de consommatrices et consommateurs.
C'est ainsi que, par exemple, l'achat de la marque Essie nous a permis d'anticiper et d'accompagner le formidable boom des vernis à ongles… de la même manière, nos marques Softsheen Carson nous ont permis d'acquérir une expertise et une légitimité sur le marché afro-spécifique...

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