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Revue des marques : numéro 77 - janvier 2012
 

Droit et devoir du consommateur

Quelle soit individuelle ou collective, la marque entend répondre à l'intérêt croissant des consommateurs pour des produits et services plus respectueux d'un certain nombre de valeurs.

Michèle Dietrich-Schnell


Michèle Dietrich-Schnell
Michèle Dietrich-Schnell
La consommation engagée également appelée consommation citoyenne, consommation durable, consommation responsable ou encore "consomm'action" est une notion particulièrement en vogue ces dernières années. La Commission du développement durable des Nations Unies a officiellement adopté la définition de la notion de "consommation durable" en 1995.
Celle-ci se réfère à un mode de consommation dans lequel "l'utilisation de produits et de services satisfait aux besoins de base des individus et procure une meilleure qualité de vie, tout en minimisant les impacts sur l'environnement afin de ne pas compromettre la capacité des générations futures à satisfaire ces besoins".
La consommation engagée ne concerne toutefois pas uniquement l'écologie, mais également les problématiques sociales telles que par exemple : le refus du travail des enfants, la fabrication des produits en France ou en Europe, le respect des conditions de travail des salariés, l'aide aux personnes en difficultés.

Le droit des marques au service de la consommation engagée

La marque en tant que signe distinctif a notamment pour fonction de garantir la provenance des produits et services d'une entreprise en les distinguant de ceux provenant d'une autre entreprise. Elle est par conséquent un formidable outil permettant aux entreprises de véhiculer les valeurs auxquelles elles sont attachées.
C'est particulièrement le cas des marques collectives. La marque collective de certification est appliquée au produit ou au service qui présente notamment, quant à sa nature, ses propriétés ou ses qualités, des caractères précisés dans un règlement déposé (article L.715-1 du Code de la propriété intellectuelle). Elle est apposée par l'organisme titulaire de la marque ou sous son contrôle. Elle assure une fonction de garantie de qualité et certifie que les produits ou services désignés sous cette marque sont conformes aux caractéristiques précisées dans le règlement. La marque collective simple (non certifiée) est utilisée dans un intérêt collectif et garantit que les produits et services proviennent d'une source unique. Elle suppose normalement l'établissement d'un règlement d'usage. Tout comme les marques classiques individuelles, elle permet de distinguer les produits et services d'une entreprise de ceux d'une autre entreprise sans toutefois garantir la qualité ou les caractéristiques d'un produit. Elle est donc soumise au régime de droit commun des marques.
L'intérêt croissant du consommateur pour des produits et services plus respectueux d'un certain nombre de valeurs a vu naître l'émergence de nombreuses marques, collectives ou non, de certification ou simples, plus communément désignées sous le nom de "labels". Certains labels sont publics. C'est le cas par exemple du label "AB" déposé à titre de marque collective de certification.

Agriculture biologique
Max havelaar
Ce label signifie qu'un produit est issu de l'agriculture biologique selon des méthodes respectueuses de l'environnement, détaillées par la réglementation. D'autres labels émanent d'organismes privés ou semi-publics, c'est le cas par exemple des labels suivants.

Tous ces labels relèvent d'une démarche volontaire du producteur et sont accordés par un organisme certificateur indépendant qui contrôle les engagements énoncés dans un cahier des charges strict. Si certains d'entre eux répondent à des critères très élevés, tous les labels ne partagent pas le même niveau d'exigence. Enfin, il existe certaines mentions couramment utilisées telles que par exemple : "protège l'environnement". Celles-ci relèvent de la seule déclaration de leur titulaire et sont difficilement vérifiables par un organisme extérieur. Elles doivent toutefois être conformes à la réalité et ne pas induire le consommateur en erreur.

Le cas du label "Origine France garantie"

Origine France
La marque "Origine France garantie" a été dévoilée à l'Assemblée nationale le 19 mai 2011. Elle répond aux souhaits des entreprises d'apporter une information crédible sur l'origine française de leurs produits. L'attribution du label "Origine France Garantie" relève d'un cahier des charges. Celui-ci subordonne cette attribution à deux critères indissociables et à considérer dans leur complémentarité pour chaque délivrance de label, à savoir :
• 50 % au moins de la valeur ajoutée du produit est acquise en France. Cette valeur ajoutée est définie comme le prix du produit sorti d'usine, d'atelier ou d'exploitation, avec prise en compte des coûts liés à la recherche et au développement, mais non de ceux liés à la commercialisation. A noter que pour les produits naturels non transformés (fruits et légumes par exemple), le minimum d'exigence est porté à 100 %.
• le lieu où le produit prend ses caractéristiques principales est situé en France.

La demande de labellisation se fait à l'appui d'un dossier constitué par le demandeur dudit label, à adresser au Bureau Veritas Certification, qui assume la gestion technique et opérationnelle du label. Ce label est, après un audit de confirmation, délivré pour trois ans, avec des audits annuels de suivi de la conformité. Sa délivrance donne lieu à un coût justifié, notamment par les audits et qui dépendra de la taille de l'entreprise, du nombre de gammes de produits concernées par la demande de labellisation, du nombre de sites de production pour cette ou ces gammes de produits. Il reste à souhaiter que ce label permettra ainsi au public de connaître sans difficulté l'origine française des produits de grande consommation et qu'il répondra en conséquence pleinement à sa vocation.

La consommation engagée peut représenter "la volonté des citoyens d'exprimer directement par leurs choix marchands des positions militantes ou politiques".

L'atteinte aux droits des marques

Si la consommation engagée se manifeste positivement par l'achat de produits tenant compte des critères écologiques et sociaux se rapportant à une marque, elle peut parfois se manifester d'une manière plus négative. Ainsi la consommation engagée représente également "la volonté des citoyens d'exprimer directement par leurs choix marchands des positions militantes ou politiques". (1) Le consommateur peut par exemple participer à une opération de boycott en refusant d'acheter des produits provenant d'une entreprise dont il dénonce les pratiques ou privilégier l'achat de produits respectant une certaine éthique. Lorsque ce boycott est collectif et que la marque est détournée (souvent sous forme de parodie), se pose notamment la question de l'atteinte à celle-ci. Il n'existe en effet, en droit des marques, aucune exception de parodie de sorte que l'utilisation d'une marque, même dans un sens humoristique constitue normalement un acte de contrefaçon ou de concurrence déloyale au sens du Code de la Propriété Intellectuelle, ce d'autant plus que la marque est renommée. Cette exception de parodie existe toutefois en matière de droit d'auteur. Elle a ainsi été invoquée à de nombreuses reprises dans des affaires opposant les titulaires de marques détournées aux utilisateurs de celles-ci.
Il ressort des nombreuses décisions des tribunaux français que dans le cas d'un tel détournement, le juge prendra en compte les critères suivants :
• l'existence ou non d'un risque de confusion quant à l'auteur du message ;
• le rattachement de la marque parodiée ou non à la vie des affaires (éventuel profit financier) ;
Pour autant, l'absence de risque de confusion ou de rattachement à la vie des affaires ne suffira pas pour échapper à une éventuelle sanction sous prétexte du droit à la liberté d'expression. Ainsi, le juge examinera également les critères suivants :
• le caractère dénigrant ou avilissant de la parodie;
• la poursuite d'un intérêt légitime (dénonciation des atteintes à l'environnement, critique de la politique sociale) ;
• le principe de proportionnalité au but poursuivi de l'atteinte à l'image de marque.

L'utilisation de marques à des fins détournées n'est, par conséquent, pas sans risques. Le consommateur habituellement considéré comme la partie faible que le droit de la consommation s'efforce de protéger, est devenu un acteur central du marché qui utilise son pouvoir pour faire valoir un certain nombre de valeurs. Les entreprises qui sont sous "surveillance rapprochée" notamment sur Internet, doivent aujourd'hui tenir compte des nouveaux modes de consommation. Le consommateur est en effet à la recherche d'informations accessibles, claires et fiables qui lui permettent de faire un choix éclairé lors de ses actes d'achat. Dans ce contexte, les marques apparaissent comme un levier crédible, afin de favoriser le changement de comportement (2).

Notes

(1) S. Dubuisson-Quellier, "La consommation engagée", Les Presses Sciences - Po, 2009. (cf. page 18)
(2) Ethicity "On se prend en main !" mars 2011 - www.blog-ethicity.net
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