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Revue des marques : numéro 76 - octobre 2011
 

Le bio, une activité à part entière

A la confluence de plusieurs courants de pensée, le bio, hier confidentiel, trouve aujourd'hui sa légitimité, à l'ère du développement durable et de l'alimentation saine et équilibrée.

par Roger Serrault *


Roger Serrault
Roger Serrault
Président de la FFD, Fédération
Française de la Diététique.
Les marques ne s'y sont pas trompées qui proposent, dans le domaine alimentaire mais aussi cosmétique ou textile, des gammes bio. Le bio n'est plus un effet de mode.
Une constellation de termes reliés au domaine de la nourriture saine bouscule la notion du bio. On trouve sur le même plan : "bio", "diététique", "végétalisme", "responsable", "naturel", "santé", "authentique", "écologie", "bien être" et j'en passe. Comment situer la notion du bio dans cette pléiade ? Le mot "bio" se retrouve souvent sous la forme d'un nom "le bio", d'un préfixe "bioculture" et d'un adverbe "consommer bio". Il est, à l'origine, la contraction du mot "biologique" qui entre dans la composition de l'expression "agriculture biologique". Une agriculture respectueuse de son environnement, de la fertilité de ses sols, du bien être des animaux et qui n'emploie aucun engrais chimique.
Il est alors normal que les notions de "bien-être" et d'"équilibre" soient les concepts forts qui irriguent le discours de l'ensemble des marques alimentaires bio. Les thèmes "d'authenticité" et "d'écologie" renvoient au savoir-faire de l'agriculture biologique et illustrent une attitude responsable. Tel est le souhait d'une société plus humaine et respectueuse de la terre. En revanche, le bio n'est pas synonyme de "régime végétarien". Il existe en effet de la viande bio. Toute la diététique n'est pas forcément bio. Tout dépend de l'équilibre avec lequel on compose un repas !
Si le bio agrège autant de richesse autour de lui, c'est qu'il possède une longue histoire.

Natexpo

Le bio : une philosophie de la vie

Federation francaise diététique
Après la Seconde Guerre mondiale, l'apparition de l'agriculture positiviste, l'évolution technologique des engins agricoles, le remembrement ou encore les premiers engrais chimiques, donnent à l'agriculture une réelle impulsion. Mais parallèlement à ces avancées, se développe aussi un mouvement de réflexion qui cherche à combiner l'impulsion économique lancée par la chimie et des impératifs écologiques. Naît alors le "biodynamisme", philosophie agraire qui étudie l'influence des forces cosmiques et telluriques sur la croissance des végétaux. En Autriche, Rudolph Steiner enrichit cette philosophie du concept "d'anthroposophie" ou, quand l'homme appartient à un équilibre naturel. Pour bien vivre, il faut respecter cet équilibre. Prolongeant ce courant de pensée, l'Allemand Ehrenfried Pfeiffer publie en 1937 Fécondité de la Terre. Il enseigne comment "conserver ou rétablir la fertilité du sol" selon les principes du "biodynamisme". C'est sur le sol britannique que l'agriculture biologique voit le jour. Le botaniste Albert Howard, dont les travaux vont contribuer à la création de la Sol Association, va ainsi relier la fertilité de la terre, la qualité des aliments et la santé des populations. Il trouve en France un relais d'influence notamment grâce au chirurgien Pierre Delbet, qui déclare devant l'Académie de Médecine qu'"aucune activité humaine pas même la médecine n'a autant d'importance pour la santé de l'homme que l'agriculture."
Depuis, par respect pour la planète et souci du bien-être de l'individu, l'agriculture biologique ne cesse de croître. Face à la croissance économique et ses abus, une frange de la population européenne recherche une autre qualité de vie. La génération post-soixante-huitarde rejette en bloc alors la société de consommation et la société productiviste au profit d'un retour à la terre. Pierre Rabhi, par exemple, expérimente dans les années soixante-dix, l'agriculture biologique en Ardèche.
Des structures se mettent en place comme Nature et Progrès, Demeter ou La Fédération Française de la diététique (FFD) que je préside depuis 2005 (voir encadré 1). En 1964, Nature et progrès, association de producteurs et de consommateurs, établit le premier cahier des charges homologué et en 1978, la FNAB (Fédération Nationale d'Agriculture Biologique) devient le porte-parole de tous les producteurs biologiques. Ainsi dans les années quatre-vingt-dix, le bio se généralise. Il cesse d'être la particularité de populations spécifiques. Le bio, réflexe constructeur en vue d'une société équilibrée entre le bien-être de la planète et de l'individu, s'installe dans notre quotidien comme un mode de vie respectueux de l'environnement et de la santé publique. Mais qui consomme bio ?

Le consommateur bio

L'étude lexicale 2 sur les mots du bio
La plupart des études montrent que le consommateur bio n'a pas un profil-type. Au début, fervent défenseur de la planète luttant contre les injures de l'industrialisation galopante, il s'inscrivait dans le cadre d'une consommation responsable, répondant à des valeurs morales. Sa démarche était philosophique voire politique. Une nouvelle génération est venue concurrencer ce consommateur traditionnel : celle qui a la santé pour motivation et où l'environnement vient après. Ils cherchent, pour reprendre l'expression de David Servan-Schreiber, "à nourrir leur santé." On peut aussi isoler une catégorie de consommateurs occasionnels telle que le "picoreur" au comportement souvent paradoxal. Il consomme bio le week-end et, la semaine, par manque de temps, ne rechigne pas devant le surgelé, le snack ou la cuisine rapide. Néanmoins, le bio englobe déjà ces produits pratiques, rapides et adaptés au rythme moderne. Pour mesurer la perception ressentie en ce domaine, la Fédération Française de la Diététique a commandé à l'Institut de la qualité de l'expression, une étude lexicale des mots du bio les plus utilisés dans la presse généraliste et spécialiste (voir encadré 2).

Le produit bio

Natexpo

Les labels du bio
Les produits bio sont des produits dits du quotidien issus de l'agriculture biologique. Celle-ci respecte un cahier des charges européen, strict, homologué, dont les principes les plus importants sont la non-utilisation des produits chimiques de synthèse et des Organismes Génétiquement Modifiés (OGM), le respect des cycles naturels, le recyclage de matière organique, et la rotation de la diversité des cultures sans oublier le souci du bien-être animal. Si 95 % des ingrédients qui constituent un produit sont issus de l'agriculture biologique, alors le label européen, le seul qui soit obligatoire, les inclut dans le cercle du bio.
On trouve aussi le label AB (Agriculture biologique) uniquement connu des consommateurs français, une popularité qui le rend très utile tout comme le Label rouge, l'AOC (appellation d'origine contrôlée), l'AOP (appellation d'origine protégée), ou l'IGP (Indication géographique protégée) (voir encadré 3). Cette multiplication des labels, au risque d'égarer le néophyte, témoigne aussi d'un engouement du consommateur qui réclame toujours plus de produits. Aux aliments de base que sont les fruits, les légumes, les oeufs, le pain, les produits laitiers et les volailles, s'ajoutent maintenant les produits transformés comme les plats cuisinés et les surgelés, mais aussi les boissons comme le vin et les jus de fruits naturels. Le bio évolue et la gamme ne cesse de s'élargir. Il s'est même adapté à l'évolution du mode de vie en proposant des produits de restauration rapide. Il invente ou ressuscite des produits oubliés comme le rutabaga, le topinambour ou le crosne. Louis Albert de Broglie, fondateur de la marque Le Prince Jardinier, a créé en 1998 le conservatoire national de la tomate avec une collection qui rassemble 350 espèces différentes de ce fruit. Afin de conserver l'écosystème, le bio redonne de la variété aux aliments et du plaisir aux consommateurs qui découvrent et redécouvrent des saveurs oubliées. En aucun cas, il ne s'agit de paraître passéiste. L'ère du produit bio austère mais responsable n'est plus. Vive le plaisir du bio ! Ivan Lacroix, fondateur du salon Planète durable, affirme que "l'avenir est dans une approche plus hédoniste, joyeuse et désirable, afin que la consommation durable soit adoptée par le plus grand nombre." Même si celui-ci reste majoritaire, le bio ne se cantonne pas au domaine de l'alimentation. On trouve ainsi de la cosmétique bio, des compléments alimentaires bio et des produits du quotidien comme la lessive, la literie ou le textile bio.
Ces quatre pôles sont d'ailleurs mis à l'honneur tous les deux ans lors du salon Natexpo, seul salon professionnel, multisectoriel et international du marché des produits naturels, diététique et écologiques et dont le prochain est prévu les 15, 16 et 17 octobre de cette année (voir encadré 4).

Les enjeux du bio

Les chiffres européens
Pour satisfaire un ensemble varié de consommateurs, le bio élargit sa gamme de produits par différents moyens. Ainsi, l'agriculture bio cherche à étendre la surface de ses terres. De 3 % aujourd'hui, elle vise 6 % des surfaces pour 2012. Tel est en effet, sous l'impulsion du président Nicolas Sarkozy, l'objectif fixé par la loi "Grenelle 1". Mais parviendra-t-elle au 20 % rêvé de la SAU (surface agricole utile) ? Sans doute, car la FNAB estime qu'environ quinze fermes par jour se convertissent au bio. Jamais l'essor du bio n'a été aussi marqué en France. Le marché du bio se trouve dans tous les points de vente. Alors que le marché du bio était constitué d'une constellation de petites entreprises artisanales, il a peu à peu structuré sa production. Il possède maintenant son secteur de distribution par des magasins spécialisés. On compte plusieurs circuits souvent créés dans un esprit coopératif, des réseaux nationaux : Biocoop le premier réseau français, la Vie Claire créée dès 1946, des réseaux régionaux Naturalia qui compte trente cinq magasins d'alimentation bio en région parisienne, Eau Vive, Satoriz, mais aussi le réseau AMAP (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne). Ces enseignes traditionnelles sont également relayées par la vente en ligne comme toutelabio.com, biocenter.fr, jecommandebio.com. Dans le cadre de Natexpo, la Fédération Française de la Diététique a créé, il y a deux ans, le principe du "Village des artisans" qui permet à des petites entreprises d'être présentes sur le salon à un coût compétitif. Elles se font connaître et apportent avec elles des idées nouvelles qui insufflent vitalité et innovation au marché. Ainsi le bio n'est plus une niche mais une activité à part entière. L'intérêt d'Activa, société de capital-investissement, pour une structure telle que Pro Natura, premier acteur français de la distribution des fruits et légumes biologiques, en témoigne. Enfin, la grande distribution sollicite aussi le marché bio afin de conquérir et fidéliser une nouvelle clientèle. Ainsi, Carrefour propose le bio pour tous, Auchan le bio à 1 euro, Leader Price le bio moins cher. Le bio est devenu un domaine porteur qui dégage des profits... Il déploie une envergure internationale. Le salon Natexpo rassemblera à l'édition 2011, cinquante sociétés internationales de treize pays différents. La présence de ces nombreux pays démontre la dimension importante que prend la consommation des produits biologiques et écologiques dans le monde à l'heure actuelle (voir encadré 5).

Mais l'enjeu du bio n'est pas que financier. Il est aussi politique. D'ici quarante ans, la Terre comptera 9 milliards d'habitants. En 2050, un hectare de terre cultivée devra subvenir aux besoins de six personnes, alors qu'en 1900 la même surface n'en nourrissait qu'une seule personne. Pourra-t-on répondre aux besoins de l'ensemble de la population ? Deux thèses s'affrontent. D'un côté, les tenants des OGM pensent offrir une réponse adaptée à la situation. De l'autre, les familles de bio disent pouvoir subvenir au besoin de l'ensemble de la population avec des produits sains. Ces familles font, par ailleurs, remarquer que les famines ne sont pas causées par le manque de ressources, mais par une mauvaise distribution. Amartya Sen, Prix Nobel d'économie en 1998, affirme cette position dans son livre paru en 1981 : Poverty and Famine : An Essay on Entitlements and Deprivation. De plus, les tenants du bio s'interrogent sur les répercussions sanitaires des OGM et surtout affirment que l'utilisation des OGM procure un monopole économique à quelques entreprises. L'alimentation pourrait devenir un élément stratégique comme le pétrole. La guerre de l'eau existe déjà, celle du blé débute... Le bio propose une alternative équitable aux OGM. Mais une question surgit : peut-on assimiler le bio au commerce équitable ? Non car le commerce équitable n'est pas que bio. Néanmoins le bio peut parfaitement bien se marier à la conception que Max Havelaar donne du commerce équitable : "des conditions commerciales plus justes pour les cultivateurs défavorisés des pays d'Afrique, d'Asie et d'Amérique du Sud." C'est un rééquilibrage entre le Sud et le Nord.

Enfin, le domaine comportemental entre aussi en jeu. Il s'agit d'implanter le bio dans nos gestes usuels. Pour préserver l'environnement, les magasins s'engagent à réduire le gâchis des emballages. Les produits sont vendus en vrac et le papier remplace le plastique. Le consommateur, quant à lui, choisit les produits en fonction de l'impact que son achat peut occasionner sur l'environnement. En vrai locavore, il consomme local et de saison. Fini les fraises à Noël et l'orange pressée du mois d'août. Le bio conduit à changer ses habitudes alimentaires et peut réapprendre le plaisir de cuisiner. Pour trouver un nouvel équilibre alimentaire, un zeste d'investissement se révèle nécessaire. Née d'un courant de pensée scientifique et spirituel du début du vingtième siècle, l'agriculture bio devient un réflexe quotidien. Non seulement le souci de l'environnement demeure, mais il est accompagné d'une plus grande considération envers l'être humain, d'une forte volonté de répartir équitablement les ressources, et du respect de la vie animale.
Réservée à quelques initiés, elle touche aujourd'hui le plus grand nombre.

Notes

(*) Président de la FFD, Fédération Française de la Diététique.
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