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Revue des marques : numéro 74 - Avril 2011
 

La communication, créatrice de valeur

Pour la première fois, l'impact de la publicité sur la croissance des ventes est mesuré. Le marketing peut enfin justifier ses dépenses publicitaires. Argumentaires donnés par l'AACC.

Entretien avec Denis Bied-Charreton, professeur associé à l'Université Paris-Dauphine



La communication, créatrice de valeur

En 2006, l'UDA publiait une étude sur "L'impact de la régulation de la publicité sur la croissance économique" 1. En quoi celle récemment réalisée sous l'égide de l'AACC 2 diffère-t-elle ? A quel enjeu répond-elle ? Qu'apporte-t-elle de nouveau ?

Denis Bied-Charreton : L'étude de l'UDA a montré en quoi le secteur de la communication contribue à la croissance économique d'un pays. Cette dimension macro-économique cache des différences entre les secteurs. Nous avons donc cherché à compléter cette étude par une analyse au niveau des secteurs, ou plus précisément des catégories de produits. Nous analysons au niveau français et sur le long terme (10 ans) le rôle des investissements en communication sur les ventes en volume d'un marché donné. Entre les nombreuses recherches microéconomiques visant à montrer l'effet de la communication à court terme au niveau d'une entreprise ou d'une marque par exemple et l'étude macro-économique de l'UDA, la nôtre est intermédiaire. Elle comble ainsi un vide sur la dynamique propre des marchés.

La communication, créatrice de valeur

Quelle fut votre méthode d'analyse ?

Denis B.-C. : Il a fallu tout d'abord rassembler de nombreuses informations éparses, au-delà des données sur le niveau des ventes et les investissements médias bruts. Nous avons cherché à prendre en compte les principaux facteurs pouvant avoir une influence sur les marchés comme le niveau des prix, les ventes en MDD, le rôle de la promotion, la dynamique d'innovation produits, celle des annonceurs et les investissements hors-médias. Pour réaliser cette étude, nous avons pu bénéficier de l'aide précieuse de nombreux partenaires : Kantar Média Intelligence, Symphony IRI, Kantar World Panel, France Pub, le CCFA et bien sûr l'ILEC et Prodimarques qui ont participé à la réflexion dès son origine. L'analyse repose sur des bases méthodologiques classiques (régressions, calculs d'élasticités). Un effort particulier a notamment été réalisé sur le calcul de la contribution relative de chacun des facteurs à l'évolution des ventes. Enfin, si l'on intègre tous les facteurs marketing étudiés, il est possible d'expliquer l'évolution des ventes jusqu'à 66 % pour les produits d'entretien, et à 26 % pour les produits frais par exemple.

Quels marchés avez-vous étudiés ? Quels sont ceux pour lesquels les dépenses publicitaires contribuent le plus à la croissance ?

Denis B.-C. : Nous avons étudié six marchés emblématiques de la grande consommation : boissons, épicerie, produits frais, entretien, hygiène-beauté et automobile. A eux seuls ils représentent environ 30 % des investissements publicitaires ! La communication, au sens des investissements média bruts, a un impact sur chacun de ces marchés, mais sa contribution est variable selon les marchés. Ainsi l'influence de la communication "investissements média bruts" est plus forte pour le secteur des produits d'entretien (environ 16 %) et de l'hygiène-beauté (13 %), tandis que pour les produits frais elle reste plus modeste (6 %). Si on intègre la communication hors-média, la contribution consolidée de la communication (média et hors-média) s'accroît pour atteindre 33 % pour l'entretien et 24 % pour l'épicerie.

les cas des évolutions positives ou a minima le maintien des niveaux de ventes en volume.

Pour quelles raisons ces dépenses publicitaires contribuentelles le plus à la croissance ?

Denis B.-C. : Ces chiffres peuvent paraître modestes, et pourtant ils marquent la puissance du rôle de la communication dans la dynamique des marchés. D'autres facteurs peuvent également avoir un poids important, complétant ainsi le rôle de la communication. A titre d'exemple, la dynamique des marques de distributeurs et l'innovation dans la catégorie des produits frais relativise le rôle de la communication. De plus, de nombreuses autres raisons peuvent jouer sur le niveau des ventes, des facteurs macro-environnementaux, sociologiques ou encore réglementaires par exemple. Mais ceux-ci peuvent être plus difficiles à intégrer dans un modèle économétrique et restent très difficilement actionnables par les entreprises.

Quelle est la place des facteurs exogènes dans l'évolution des ventes ?

Denis B.-C. : On ne peut bien évidemment pas construire un modèle complet, qui régirait l'ordre du monde. Avec les facteurs marketing que nous avons analysés, nous pouvons expliquer entre 26 et 66 % du niveau des ventes en volume à travers les marchés étudiés. Il ne faut donc pas oublier qu'une part des ventes reste inexplicable directement. Cela marque à la fois la puissance mais aussi les limites de la démarche marketing. Cette part non expliquée est le résultat de l'action combinée d'un ensemble de facteurs pouvant être d'origine réglementaire, sociétale, comportementale, dont un certain nombre est commun à l'ensemble des marchés de grande consommation, et dont certains autres sont plus strictement attachés à des produits en particulier. Ainsi, l'augmentation de la population, la reconfiguration desfoyers,l'évolutiondesmentalités(développement durable par exemple) ou encore la montée de la réglementation sur certains marchés constituent des exemples de facteurs importants sur les marchés.

En quoi l'analyse de l'élasticité apporte-t-elle un éclairage nouveau sur le rôle des investissements en communication ?

Denis B.-C. :Les premières analyses permettent d'approfondir le lien général entre communication et ventes en volume. Cela traduit une vision globale et cumulative de l'investissement en communication. C'est donc un impact moyen sur une période de dix ans. L'élasticité permet de compléter l'analyse en étudiant l'effet spécifique de la variation annuelle. Si le secteur voit ses investissements augmenter de 1 % ou au contraire diminuer de 1 %, que se passe-t-il au niveau des ventes ? Il s'agit donc de différencier vitesse moyenne et accélération / décélération. Ces élasticités démontrent clairement la sensibilité de certains marchés aux variations des investissements en communication (les boissons par exemple). D'autres, au contraire, sont beaucoup moins élastiques, comme l'entretien, l'épicerie ou les produits frais. Lors de la baisse des investissements en communication, ces derniers voient leurs ventes quasiment stagner, observant une certaine inertie. Une interprétation simpliste pourrait conduire à stopper ces investissements. A la lumière des résultats précédents, cette tactique court-termiste serait justement dangereuse, car à plus long terme les ventes s'éroderaient. Les premiers marchés doivent donc être constants dans leurs investissements médias afin de maintenir leurs niveaux de ventes, tandis que les seconds peuvent construire un volume de marché sur le long terme. L'augmentation des investissements en communication génère dans tous les cas des évolutions positives ou a minima le maintien des niveaux de ventes en volume. A l'inverse, et aussi dans tous les cas, leur diminution peut s'avérer problématique, voire dangereuse.

Comment éviter le plaidoyer pro domo ?

Denis B.-C. : Il faut tout d'abord bien garder à l'esprit les limites de ce type d'études et éviter d'étirer les conclusions au-delà de son périmètre. Nous ne sommes pas en présence d'une mécanique bien huilée, dans laquelle il suffit de faire varier tel ou tel facteur pour voir se développer les ventes dans le sens attendu. Comme nous l'avons vu, de nombreux facteurs exogènes peuvent faire évoluer cette compréhension des phénomènes. Il est donc important de compléter cette réflexion par des analyses plus qualitatives, permettant de comprendre l'évolution des marchés. Car, si on applique brutalement le modèle, cela conduirait à augmenter mé caniquement les investissements en communication pour agir sur les ventes. Ce serait une vision trop réductrice du secteur de la communication ne prenant pas en compte les qualités créatives des agences conseils et entraînant une inflation des dépenses de la part des annonceurs.

Quelle voie nouvelle suggérez-vous à la communication ?

Denis B.-C. : Cette étude fait apparaître deux catégories de secteurs : ceux pour lesquels la communication contribue à la croissance en volume des marchés (produits frais par exemple), et ceux pour lesquels cet investissement constitue un soutien et proximité avec les consommateurs à la stabilité (automobile, boissons, épicerie, hygiène-beauté par exemple). Pour autant, il nous semble difficile de se contenter de raisonner uniquement en termes de volumes d'investissements. Si sur la plupart des marchés, à niveau de ventes équivalent, il est nécessaire de dépenser toujours plus, il est important de trouver une certaine efficience par exemple en parlant mieux plutôt qu'en parlant plus. Cela pourrait passer par une meilleure compréhension des attentes des consommateurs et une meilleure pédagogie. Par ailleurs, dans ces temps de bouleversement au sein des médias, les annonceurs ont peut-être eu tendance à multiplier les médias. Il est probable qu'après ces années de communications pluri-médias, on apprenne progressivement à trouver les principaux bouquets de média optimisant l'efficacité des campagnes. On peut conclure qu'une voie nouvelle s'ouvre pour la communication : médiation, pédagogie et proximité avec les consommateurs. Par exemple, elle doit aider de manière concrète les consommateurs à procéder à leurs arbitrages en matière de consommation. Il s'agit sans doute là d'une opportunité majeure pour la communication : rentrer plus avant dans un rôle de médiateur entre les marques et les consommateurs.

Et quelle autre voie pour le marketing ?

Denis B.-C. : Nous avons vu que la communication est un outil puissant et majeur. Il reste que les autres facteurs marketing jouent des rôles importants : dynamique concurrentielle induite par les MDD, politique produit et d'innovation, politique de prix... On insistera simplement sur la nécessaire coordination de ces moyens d'actions. Par exemple, à quoi sert d'augmenter tendanciellement les prix alors que dans le même temps (secteur de l'épicerie par exemple) la part des achats en promotion explose ? C'est une démarche que le consommateur peut avoir du mal à comprendre. Il est donc plus que jamais important de rechercher une certaine cohérence dans les actions sur le long terme. Tout cela passe assurément par la construction d'une relation de confiance entre tous les acteurs : annonceurs, agences et bien évidemment consommateurs. La qualité de cette relation et sa pérennité sont les facteurs clés du succès de tous. Une mauvaise gestion de cette relation engendrerait une destruction de la valeur à terme. La gestion du marketing et de la communication doivent devenir durables !

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