Retrouvez la vie des marques sur www.ilec.asso.fr
Accueil » Revue des Marques » Sommaire » La revue des Marques numéro 74
Top
Revue des marques : numéro 74 - Avril 2011
 

TGV du produit aux services

T,G,V, trois consonnes qui ont révolutionné le chemin de fer ! Depuis plus de 30 ans, la marque TGV, propriété de SNCF, accompagne le développement du transport par rail à grande vitesse. L'ouverture à la concurrence crée de nouveaux enjeux.

Par Charles Bachelier



TGV du produit aux services
La construction de la marque TGV et de son image a été dictée par des considérations tant juridiques que stratégiques. Au fil des années, elle a su se construire une notoriété incontestable en Europe et au-delà des mers. Mais le marché ferroviaire est en plein bouleversement : avec l'ouverture progressive à la concurrence, le progrès industriel doit être considéré à côté de la performance économique. Anticipation, co-construction, personnalisation des offres, information en temps réel,... les stratégies marketing progressent en lançant de nouveaux défis à la marque TGV. Cette dernière doit évoluer afin de porter positivement ce changement, en se repositionnant notamment du produit vers les services.

Une marque trentenaire, notoire et protégée

L'ère de la grande vitesse ferroviaire s'est ouverte avec le lancement du premier train à grande vitesse entre Paris et Lyon le 27 septembre 1981. S'en est suivie une course industrielle qui s'est rapidement imposée comme une clé stratégique au niveau étatique, tant sur le plan économique que politique. En effet, le train à grande vitesse a eu un impact considérable sur les habitudes de voyage, l'aménagement du territoire, le développement économique des pays, la place de leur industrie dans le monde, etc. Ces enjeux colossaux ont nécessité la mise en place d'une importante stratégie de marque. En France, la marque TGV est immédiatement devenue le symbole de la grande vitesse sur rail. Ses fondamentaux sont la sécurité, la régularité, l'accessibilité tarifaire, physique et territoriale d'un mode de transport propre et durable. Les valeurs de puissance, de maîtrise technique et de progrès ont construit un sentiment de fierté à son égard. Le succès rencontré par la marque TGV conduit à s'interroger sur l'étendue de sa protection d'une part et sur les moyens déployés pour assurer sa défense d'autre part. En premier lieu, l'étude de la protection conférée à la marque TGV amène à distinguer trois grandes phases dans son évolution :
TGV du produit aux services

  • de 1978 à 2000 : le 17 août 1978, la marque verbale TGV est déposée et sa distinctivité est ainsi reconnue pour désigner notamment le matériel roulant et le transport de voyageurs. Au gré des succès rencontrés, elle s'est étendue à d'autres territoires européens et a donné lieu au dépôt de nombreux logos, associant par exemple TGV à la motrice du train.

  • de 2000 à 2009 : en 2000, le logo TGV tel qu'on le connaît actuellement fait une entrée singulière en marquant une rupture tournée vers la modernité. Totalement novateur, ce logo lance un clin d'œil à la grande vitesse en adoptant un graphisme courbe et fuyant évoquant la rapidité. Cette nouvelle représentation de TGV a profondément changé la perception de la marque, plus contemporaine et dynamique. Ce logo a depuis fait l'objet d'une exploitation massive sur tous les projets de SNCF liés à la grande vitesse

  • depuis 2009 : 31 ans après son premier dépôt, la distinctivité de la marque TGV est reconnue par l'Office des Marques Communautaires (OHMI) et, de facto, la protection de cette marque est obtenue sur l'ensemble des territoires de la Communauté européenne. La force et la portée de protection de la marque verbale TGV s'en trouvent ainsi confortées, avec un libellé couvrant des produits et services adaptés aux nouvelles attentes des clients. Aujourd'hui, TGV et ses déclinaisons représentent 157 marques déposées et exploitées dans 67 pays. Ainsi, en un tiers de siècle d'existence, la marque TGV s'est hissée au rang de marque notoire. Cette notoriété, confirmée à maintes reprises par l'Office des Marques d'un grand nombre de pays, a pour corollaire un système de surveillance étendu au plan mondial, tant les atteintes à la marque TGV sont légion du fait précisément de son caractère attractif et notoire.

    En second lieu, il importe donc de s'intéresser à la stratégie de surveillance et de défense mise en œuvre à l'égard de la marque TGV. Cette surveillance s'effectue sur le monde entier avec une veille particulière sur les territoires représentant un marché important ou stratégique pour TGV ainsi que sur les pays "à risque" en termes de contrefaçon et de parasitisme. Elle est réalisée tant sur les marques que sur les noms de domaine et les dénominations sociales. SNCF entreprend ainsi, avec l'appui de son mandataire, de très nombreuses actions pour contrer toute atteinte à la marque TGV1. Dans la majorité des cas, les démarches amiables de SNCF sont suivies d'effet : les demandes d'enregistrement de marques identiques ou similaires sont retirées, les noms de domaine reproduisant TGV sont radiés ou récupérés... Toutefois, SNCF reste fréquemment contrainte de porter les différends sur un plan extra-judiciaire (par des oppositions ou des plaintes auprès des instances administratives concernées) ou judiciaire (contrefaçon de marque, concurrence déloyale ou parasitisme), procédures couronnées de succès tant les droits de SNCF sur la marque TGV sont clairement établis.

    Cette politique de défense est d'autant plus importante que la marque TGV évoque désormais bien plus qu'un simple train à grande vitesse ! Elle désigne une offre riche, pour tous et sur mesure, permettant à chacun de vivre une expérience "train" de qualité, avec des valeurs portées vers la proximité et l'humanité. Le spectre de la dégénérescence de marque a contraint SNCF, au cours de ces dernières années, à renforcer sa politique de défense de marque et sa veille pour éviter que la marque TGV, victime de son succès, ne devienne la désignation usuelle dans le commerce des produits ou services qu'elle désigne. Ainsi, outre la multiplication des actions de répression, des démarches spécifiques sont menées en guise de prévention : marquage quasi-systématique ; établissement d'une charte d'utilisation de la marque TGV ; vigilance à l'égard de l'utilisation faite par des tiers dans des publications ou sur internet (afin de ne plus lire par exemple "Trenitalia va lancer ses TGV") ; intervention auprès des dictionnaires afin que la mention® "marque enregistrée" figure à côté de TGV ; etc. Par ailleurs, la passation de contrats de licence de marques avec les partenaires commerciaux de SNCF permet d'exercer un contrôle et d'encadrer strictement l'usage de la marque. Ainsi, le sentiment d'appartenance à TGV est particulièrement fort et impose de mettre en exergue le droit de marque attaché au signe "TGV", afin de rendre pérenne la distinctivité de cette marque et d'éviter toute dilution. Au demeurant, TGV reste en constante évolution et doit aujourd'hui faire face à de nouveaux enjeux.

Deux nouveaux enjeux

SNCF a récemment engagé un grand chantier de repositionnement de la marque TGV vers les services et la relation client, en plaçant ce dernier au centre de ses préoccupations.

SNCF occupe le leadership de la grande vitesse européenne grâce à TGV : 450 rames, 800 circulations par jour, 100 millions de personnes transportées par an, 530 millions de kilomètres parcourus chaque année et 90 % de régularité. Chaque mois, une rame TGV parcourt l'équivalent de 2,5 fois le tour du monde. Ce succès technologique et commercial n'est cependant pas inébranlable. SNCF doit s'adapter aux comportements sociaux et à l'évolution du marché. Dans ce contexte, la marque joue un rôle stratégique très important et TGV va devoir appréhender ces changements en répondant à deux types de considérations : celles liées aux nouveaux médias, d'une part, et celles liées à l'ouverture du marché ferroviaire, d'autre part.

TGV du produit aux services
Concernant les enjeux de communication, la croissance fulgurante des nouveaux médias et notamment l'avènement du web 2.0 a bouleversé les méthodes de communication et la rapidité des échanges. La présence de TGV sur les nouveaux médias s'est donc imposée comme un enjeu stratégique pour SNCF. Quelle posture convient-il d'adopter ? Il s'agit d'abord d'être proactif quant à la présence de TGV sur ces nouveaux médias. En effet, le fort degré d'attachement à TGV entraîne un risque de détournement de la marque ou de "buzz négatif" relayé par des échanges communautaires pouvant prendre des proportions incontrôlables et engendrer un risque médiatique très important (les journalistes surveillent d'ailleurs ces échanges). Dans ces conditions, il convient de se placer dans une démarche d'accompagnement afin de ne pas subir mais d'être au contraire acteur en induisant des échanges constructifs. Cette stratégie est parfaitement résumée par David Fayon 2 : "assurer une présence sur les réseaux sociaux en écoutant le marché des conversations pour interagir avec les internautes et créer de la valeur" (cf. Revue des Marques n°71). Dans cette optique, SNCF propose par exemple des partenariats avec des bloggeurs influents et anime des espaces d'échanges afin de co-construire "en direct" le TGV de demain pour placer le client au centre des problématiques qui le concerne... C'est le travail du Lab de TGV et du community manager, assurant le positionnement et le développement de TGV auprès d'internautes toujours plus informés et exigeants.

Il s'agit, ensuite, de contrôler les effets de l'attractivité de la marque en assurant une défense effective sur les médias numériques. Cela se traduit par une lutte permanente contre le cybersquatting. De multiples actions sont ainsi menées à l'encontre des réservataires de noms de domaine reproduisant frauduleusement la marque TGV aux fins de nourrir des sites parking ou de détourner du trafic en profitant de la notoriété de TGV3. Cette défense est toutefois plus délicate à mettre en œuvre à l'égard de l'utilisation abusive de la marque à titre de mot-clé ou sur les réseaux sociaux. En effet, l'ouverture de comptes utilisant des pseudos reproduisant TGV peut être nuisible dès lors qu'un internaute d'attention moyenne pourrait croire que la page est éditée par SNCF. De nombreuses déclarations ont été envoyées à Google, Yahoo, Facebook ou Twitter pour leur demander de couper des liens commerciaux ou de fermer des comptes, mais les récentes évolutions jurispruden tielles confirmant le statut d'hébergeur n'est pas favorable aux propriétaires de marques, qui se trouvent contraints d'exercer une veille toujours plus importante avec des capacités d'actions limitées et complexifiées. Sur le plan des enjeux de concurrence, la récente ouverture du marché ferroviaire à l'international dans l'Union européenne préfigure une profonde modification du paysage de la grande vitesse ferroviaire. Dans cette bataille annoncée, les marques des différents transporteurs sont des facteurs stratégiques importants. Ainsi, TGV doit, d'une part approfondir la fidélisation du client sur le territoire national et, d'autre part, créer la préférence en dehors des frontières. Dans ces conditions, SNCF a récemment engagé un grand chantier de repositionnement de la marque TGV vers les services et la relation client, en plaçant ce dernier au centre de ses préoccupations. Ces services sont autant d'éléments qui permettront de se différencier des concurrents. Ils sont mis en avant par les moyens de communication massive classiques (spots télévisuels, prospectus, bannières web, presse écrite, sites Internet, opérations promotionnelles spécifiques comme "la quinzaine des services"...) mais également au travers de la technologie mobile et des réseaux sociaux pour tout ce qui concerne par exemple l'information voyageur (développement de l'information en temps réel sur i-phone, i-pad, pda, réseaux communautaires,...). En outre, ces développements ont des répercussions structurelles impliquant une nouvelle répartition des rôles des différents acteurs intervenant dans la chaîne de services (généralisation du billet électronique, gestion des situations perturbées par exemple).

L'adaptation de la marque aux évolutions sociales et économiques se traduit donc par une réorientation de ses attributs vers plus de facilité, plus d'attention, plus de proximité et plus de dimension européenne. Ainsi, le client ressent et comprend qu'il ne voyage pas "en" TGV mais "avec" TGV : il ne se contente pas de prendre le train, il organise un voyage de bout en bout avec un ensemble de services mis à sa disposition pour répondre complètement à ses attentes. En approfondissant sa dimension de service, la marque TGV renforce sa fonction de marque et porte un avantage concurrentiel. Ses capacités d'adaptation constitueront indéniablement la clé de sa longévité.


Le Code de la propriété intellectuelle n'autorisant, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privée du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause est illicite. Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle
Bot