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Revue des marques : numéro 66 - Avril 2009
 

Nouveaux repères de la beauté

Quatre tendances clés vont structurer le marché international de la toilette beauté. Exploration.

Propos recueillis par Françoise HERNAEZ-FOURRIER*.



Nouveaux repères de la beauté
TNS-MI étudie chaque année les évolutions du marché de la toilette-beauté, en analysant les principales campagnes des marques actives en Europe, en Russie, aux Etats-Unis, en Chine, au Japon et en Inde. Le principe est d'obtenir une vision globale,en combinant un bilan des nouvelles tendances avec une analyse sémiologique détaillée de la construction des messages par segments, et avec une analyse prospective de la spécificité de la beauté dans chaque pays. L'étude porte sur le contexte rédactionnel des magazines féminins et les campagnes plurimédias des marques de luxe, de santé et alimentaires (presse, internet, radio, télévision et cinéma), analysés à partir de nos bases de données.
Par rapport à 2006 et 2007, l'année 2008 s'est caractérisée par un renouveau massif des stratégies d'autorité des marques au niveau mondial. Nous entendons par autorité les références à la valeur ajoutée apportée par la marque grâce à sa recherche scientifique, sa puissance économique, sa connaissance des attentes des consommatrices et sa capacité créative. Ce renouvellement s'explique certainement par une compétitivité accrue sur le marché porteur de la beauté et du bien-être : compétition dans un contexte économique difficile, compétition avec la chirurgie et les injections quant aux résultats, compétition avec les imaginaires de bien-être naturels et bio développés dans d'autres secteurs (alimentaire, tourisme et loisirs, instituts…). Analyse du marché à travers les quatre tendances.
Nouveaux repères de la beauté Nouveaux repères de la beauté
Illustration de la culture de la maîtrise, mais aussi reflet d'une nouvelle réalité socioculturelle, on assiste à un glissement des âges, associé à la maîtrise cosmétique des signes de l'âge, avec des jeunes femmes de… cinquante ans.

Active Beauty : sous le signe de l'efficacité au service de la maîtrise de soi

Nouveaux repères de la beauté
On assiste à une offensive des marques de la toilette-beauté, afin de renforcer leur légitimité face à la chirurgie et à la médecine esthétique, avec une volonté stratégique de réaffirmer un pouvoir du cosmétique sur la peau : protéines de longévité, nouvelles thérapies cellulaires, perspectives de la thérapie géniques… De nombreuses innovations vont nourrir cette tendance, qui devrait persister dans les années à venir, et accompagner une culture de la maîtrise de soi chez les plus jeunes, du contrôle du vieillissement chez les plus âgés. En effet, la communication des marques s'intensifie sur deux cibles simultanément : les “happy boomers”, avec une nouvelle prise en compte du vieillissement démographique et des attentes spécifiques des plus de soixante ans, et les trentenaires, afin de répondre aux angoisses et stratégies d'anticipation de femmes jeunes qui savent qu'elles vont vivre âgées plus longtemps. Au delà des soins anti-âge dont c'est le levier de communication, le culte de la performance est omniprésent sur tous les segments. L'efficacité est mesurée partout et se radicalise, avec des promesses aussi bien des produits amincissants (mesures en millimètres rapportés au temps) que des éclaircissants et des démaquillants (devenus des gestes de beauté à part entière qui participent de cette logique d'efficacité)
Ce discours est associé à une spécificité des usages des cosmétiques et capillaires: une revalorisation des rituels réparateurs de la nuit, qui s'appuient sur des promesses anti-fatigue pour des femmes hyperactives, ou des rituels saisonniers liés aux évolutions climatiques (sécheresse ou froid). Illustration de cette culture de la maîtrise, mais aussi reflet d'une nouvelle réalité socioculturelle, on assiste à un glissement des âges, associé à la maîtrise cosmétique des signes de l'âge, avec des jeunes femmes de… cinquante ans.

Relationship beauty : sous le signe de la relation comme un outil de réalisation de soi

A l'inverse de la première tendance et en complément, les marques de toilette-beauté adoptent une approche plus humaniste de la beauté. Cette beauté relationnelle évolue vers la démonstration d'une connaissance approfondie des consommatrices et d'une compréhension de leurs attentes à tous les âges de la vie. La communication reflète cette volonté d'accompagnement pédagogique par les marques, dans un contexte de glissement des âges (perte des repères traditionnels) et de foisonnement des lancements.
Des campagnes d'image valorisent la dimension émotionnelle et relationnelle de la beauté, et le détachement par rapport à des modèles normatifs : c'est le cas de Nivea en 2008, avec la signature déclinable et ouverte sur la diversité “La beauté est…”,ou le cas deVaseline,aux Etats-Unis,quimontre une beauté en liaison avec les proches et le groupe, et dont la communication joue de cette dimension relationnelle. La diversité est désormais assumée, et de nouveaux concepts se développent dans le domaine de l'hygiène, des soins et du maquillage vers les seniors, qui acquièrent une nouvelle visibilité dans la communication. Le vieillissement et les étapes de la vie hormonale sont abordés sans tabou ; les marques osent parler de la ménopause – c'est le fait de plusieurs marques américaines et de L'Oréal en Europe. De façon plus générale, les grandes marques font preuve de plus en plus de pédagogie et d'empathie pour accompagner les femmes tout au long de leur vie, et ce sont souvent des dispositifs événementiels sur Internet, à dimension ludique ou pédagogique, qui permettent de cultiver la qualité de cette relation.

La communication reflète la volonté d'accompagnement pédagogique par les marques, dans un contexte de glissement des âges (perte des repères traditionnels) et de foisonnement des lancements.
Nouveaux repères de la beauté

Ethical beauty : sous le signe de la responsabilité au service du bien-être individuel et collectif

En complément de la deuxième tendance se dessine une importante tendance éthique multiforme. Au-delà de l'opposition entre bio et non bio, les réflexions sur la naturalité, le développement durable, la gestion des ressources naturelles, la responsabilité sociale sont omniprésentes et sont le signe d'une rapide intégration de la réflexion éthique par les marques, avec une diversité d'approches foisonnante.S'il compte des parts de marché encore modestes, le marché de la cosmétique éthique et naturelle représente un potentiel de croissance important ; il est dynamisé par de nouveaux acteurs de la bio beauté, mais aussi par la réactivité des leaders, de nombreux lancements de marques, nouvelles, déclinées ou rachetées étant dus à des grands du secteur des cosmétiques, dans le sélectif, la pharmacie et le mass market. On repère une même typologie de positionnements des marques actives au niveau international : les agitateurs bio ou “écochallengeurs”, marques qui critiquent la cosmétique chimique et s'inscrivent dans la différenciation par une dénonciation des actifs dangereux ; les bobos chic, qui véhiculent un art de vivre – alimentation, habitat…– dans lequel s'écrit un nouvel élitisme ; les luxueuses patrimoniales, qui valorisent des composants mythiques se trouvant être en même temps des actifs naturels (marques exposées au risque des questions sur l'exploitation des ressources naturelles rares) ; les bio économiques des distributeurs, dont le discours est fondé sur la revendication d'un droit à la qualité bio et à la santé pour un prix accessible ; les leaders de la cosmétique, en quête de légitimité naturelle. Ces positionnements doivent être croisés avec une typologie des imaginaires et de leurs valeurs associées : santé – particulièrement en Allemagne et en Russie ; diététique, aux Etats-Unis ; sensorialité, avec des imaginaires gourmands et sensuels associés aux spas, notamment en Inde ou en France ; performance, que développent les marques de distributeurs au niveau international.
Nouveaux repères de la beauté

Mythical beauty : sous le signe de l'autorité culturelle des marques qui cultivent desmythes

Avec cette quatrième tendance, la beauté repose sur une réalité paradoxale : face au courant de la real beauty, qui se caractérise par l'injonction faite à chacun de s'affirmer et d'exprimer ses émotions, ses différences, on note le puissant renouveau d'une beauté mythique, caractérisée par un mouvement de refuge entre des repères de beauté incontestés et très normés. L'explosion du recours à la caution de célébrités pour appuyer l'autorité desmarques témoigne de ce phénomène de fond, qui peut s'accentuer dans un contexte de crise : pour être en phase avec le besoin de réalisation de soi de consommateurs en perte de repères, les marques renforcent leur intensité artistique, elles font vivre des expériences, partagent des histoires. Cette tendance, qui rejoint le phénomène du story telling, pourrait évoluer vers une intensification des partenariats et des contenus de programmes, sur le modèles des dispositifs expérimentés par Mark et la série The Hill enGrande-Bretagne, Pond's et la série The Starter Wife aux Etats-Unis, ou la marque Hymalaya et ses parrainages de soaps en Inde.

Les principaux appuis des marques de la toilette-beauté au niveau international sont liés à des évolutions profondes de la société de consommation : évolutions démographiques et enjeux d'un vieillissement durable ; impact de la réflexion éthique et mutation des modèles industriels ; maturité dans la relation à la marque associée à l'évolution des médias ; persistance d'une culture de la célébrité dans une société hypermédiatisée.
Notre étude montre également que les marques, devant la situation économique actuelle, commencent à réfléchir à leurs positionnements en prix et à la performance du rapport promesse-prix. Cependant, même si ce marché est caractérisé par des promesses fonctionnelles qui se radicalisent – du fait de la compétition avec la chirurgie et la dermatologie médicale –, l'importance du contenu de marque n'y faiblit pas.C'est le sens que les marques proposent qui les amène à être ou non en phase avec le besoin de réalisation de soi des consommatrices, le vrai moteur de ce marché.

Notes

(*) Directrice du pôle créations publicitaires de TNS-MI (Media Intelligence)
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